Cour des comptes et chambres régionales des comptes

Publié le 5 juin 2008 à 09:11 Mise à jour le 8 avril 2015

Ce texte d’apparence très technique prend place parmi les multiples réformes dont nous sommes abreuvés. Cela mérite d’autant plus réflexion que, contrairement à ce qui s’était passé à l’Assemblée nationale, notre commission des finances n’a pas souhaité s’en saisir. On nous expliquera qu’il ne traite que de questions de procédure. Reste qu’un tel examen aurait été souhaitable, surtout après les critiques formulées contre une certaine précipitation.

Il s’agit de mettre la France en conformité avec les orientations européennes : le Gouvernement s’attacherait, comme pour les OGM, à introduire au plus vite dans notre législation des éléments de droit communautaire afin d’apparaître au 1er juillet comme le bon élève de la classe européenne. Il est pourtant moins regardant sur les critères de convergence, dont il faudrait d’ailleurs vérifier la justification économique comme la pertinence au regard des aspirations collectives des Européens...

Nous ne mettons pas en cause les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme : la procédure devant les juridictions financières ne saurait déroger à l’équité. Il n’est en effet pas satisfaisant qu’à l’occasion d’un collectif ou d’une loi de règlement, nous soyons amenés à valider des décisions en raison de procédures menées devant une juridiction financière.

Pour autant, on peut s’étonner de voir ce texte détaché de la réforme des juridictions financières, annoncée comme de plus grande importance mais dont la teneur reste encore imprécise...

Les lois de décentralisation de 1982 et celles qui ont suivi ont conçu les chambres régionales des comptes, que chacun s’accorde aujourd’hui à estimer indispensables au bon fonctionnement des collectivités territoriales, comme le pendant de la suppression de la tutelle.

Le texte qui nous est soumis se situe, pour partie, dans le prolongement de la loi du 21 décembre 2001 relative aux magistrats de la Cour des Comptes. On peut apprécier positivement le fait qu’en application du principe de séparation des pouvoirs, le ministre ne puisse plus décider la remise gracieuse des amendes auxquelles les comptables ont été condamnés par le juge des comptes. Si les avancées en termes de garantie et d’équilibre de la procédure juridictionnelle financière sont indéniables, elles sont cependant contrebattues par quelques légitimes inquiétudes. Je pense à celle, en particulier, des professionnels des juridictions financières, sur la réduction des délais de prescription des faits susceptibles d’être poursuivis. Pas plus qu’à eux elle ne nous semble opportune. La complexité du contrôle sur pièces et sur place, l’importance des enjeux liés à la comptabilité publique rendent injustifié un alignement des délais sur ceux pratiqués en matière civile. La rigueur est de mise dans le contrôle de la juste affectation et de l’utilisation des deniers publics.

Et pourquoi une telle précipitation à inscrire ce texte à l’ordre du jour, sans prendre le temps, une fois de plus, de procéder préalablement à l’évaluation de ses dispositions ? Nous commençons, hélas, depuis le printemps 2007, à nous y habituer ! Textes d’affichages collés à l’actualité immédiate ; succession de lois sur le même sujet, sans mesure aucune de leur utilité... Le Grenelle de l’environnement ? Des mois d’une large consultation, pour aboutir à quel résultat ? Le pouvoir d’achat ? La loi de modernisation de l’économie sera la cinquième, sur le sujet, en un an ! Et puis ce texte, détaché, on ne sait pourquoi, de la réforme annoncée des juridictions financières, dont on peut au reste craindre la teneur au vu de la récente réforme de la carte judiciaire. Le Gouvernement n’envisagerait-il pas, dans la même logique, de réduire les moyens matériels et humains des juridictions financières ? Derrière l’apparente volonté d’accélération des procédures, n’est-ce pas là l’objectif poursuivi ? Et comment ne pas penser que d’aucuns pourraient prendre appui sur ce texte pour justifier demain l’externalisation d’un certain nombre d’opérations menées par les chambres régionales des comptes ? La question des délais de prescription n’est-elle pas à elle seule le signe avant coureur d’une prochaine « réduction de voilure » ?

Reste enfin la question politique. Celle de la certification des comptes de l’État. Le communiqué de presse de la Cour des Comptes sur l’exécution budgétaire 2007 est éloquent. Si le déficit s’élevait fin 2007 à 34,7 milliards contre 39 milliards en 2006, cette amélioration, relève la Cour, vient néanmoins d’opérations effectuées en fin de gestion pour réduire le déficit annoncé : reports de charges exigibles sur 2008 -plus de 7 milliards-, débudgétisations, perception de recettes exceptionnelles d’un montant élevé -6,6 milliards. L’extinction de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale a notamment été réalisée par des moyens extrabudgétaires. Le résultat patrimonial en comptabilité générale se dégrade quant à lui de près de 10 milliards entre 2006 et 2007. Une telle analyse, qui tempère largement les déclarations triomphales du Gouvernement sur la réalité de la situation économique, montre que le débat sur l’indépendance et la qualité du travail de nos juridictions financières n’est pas anodin.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les termes de ce projet de loi, dont nous aurions d’ailleurs préféré que ses dispositions s’inscrivent dans le texte d’ensemble annoncé.

Bernard Vera

Ancien sénateur de l'Essonne
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