Ce fléau aux conséquences incalculables nous concerne tous

Violences au sein des couples

Publié le 10 février 2010 à 11:56 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la violence au sein des couples, sujet resté trop longtemps dans l’ombre, est une nouvelle fois aujourd’hui mis en lumière avec cette proposition de loi de notre collègue Roland Courteau.

Cependant, la lumière reste insuffisante au regard de la situation d’urgence dans laquelle se trouvent les victimes, très majoritairement des femmes.

Inacceptables, ces violences ont des conséquences dramatiques pour les femmes et leurs enfants, témoins « privilégiés », si l’on ose dire, et victimes collatérales de ces violences perpétrées au sein des couples dans le huis clos de la sphère privée.

Selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales portant sur les années 2007 et 2008, on estime à 418 000, dont 310 000 femmes, le nombre de personnes de dix-huit à soixante-quinze ans victimes de violences physiques ou sexuelles et dont l’auteur principal est le conjoint.

L’enquête souligne également « l’augmentation significative des violences physiques ou sexuelles commises par un autre membre de la famille, en dehors du conjoint, mais vivant sous le même toit. ». Pour les mêmes années, cela concerne 250 000 femmes de dix-huit à soixante-quinze ans.

Aujourd’hui, de tels chiffres sont inadmissibles et l’un des éléments majeurs de la lutte contre les violences au sein des couples reste la répression de leurs auteurs, qui ne doivent plus bénéficier de l’ombre tenace dans laquelle ils continuent de se dissimuler. La répression fait, en ce sens, partie intégrante de la prévention, car elle indique clairement le refus de ces violences par la société et envoie un signe fort à l’ensemble de nos concitoyens.

Dévalorisées, humiliées, isolées, vivant dans la peur et sous la tyrannie de leur conjoint, les femmes victimes de violences ne sont pourtant que 10% à oser porter plainte. Ce chiffre illustre bien la difficulté pour ces femmes d’engager des procédures contre leur conjoint. Il montre aussi que les mesures de protection et d’écoute des victimes méritent encore d’être améliorées dans notre pays.

Si de réelles avancées ont été accomplies ces dernières années, telles la prise en compte des violences et l’inscription dans la loi du viol entre époux, notre pays doit avancer d’un pas plus déterminé dans la prévention et la lutte contre ce fléau, notamment par une formation adaptée et des moyens substantiels pour l’ensemble des professionnels et des services en contact avec les victimes.

À cet égard, l’Espagne a franchi un cap décisif avec sa loi-cadre et son « ordonnance de protection », qui comportent un arsenal de mesures visant à protéger les femmes et les enfants. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le groupe CRC-SPG a déposé, le 25 novembre 2007, une proposition de loi n° 138 qui va précisément dans ce sens.

Cette proposition était issue des travaux de nombreuses associations féministes regroupées au sein du collectif national pour les droits des femmes. Celui-ci a été à l’origine des 16 000 pétitions déposées à l’Assemblée nationale en 2008 et qui ont conduit à la création d’une commission spéciale et à la proposition de loi qui sera examinée à l’Assemblée nationale le 25 février prochain.

Ainsi, même si de nombreux textes existent déjà dans notre législation, il faut envisager toutes les améliorations possibles pour compléter et perfectionner notre dispositif afin d’y intégrer l’ensemble des mesures nécessaires à une politique audacieuse de lutte contre les violences au sein des couples.

Dans cette optique, la prévention des violences doit prendre toute sa part, car, sans une prévention efficace et pertinente, c’est la place des femmes dans notre société qui est menacée, c’est l’égalité qui est mise en cause !

Relevant d’un véritable phénomène de société, les comportements violents des hommes envers les femmes sont des actes individuels inscrits dans des rapports de domination masculine encore trop tolérés par notre société.

Outre « l’extension de la compétence du juge aux affaires familiales aux situations de concubinage et de PACS » et les mesures de « formation de tous les acteurs en contact avec les victimes » proposées par le texte de notre collègue Roland Courteau, la sensibilisation aux violences appelle d’autres mesures.

De fortes résistances au changement persistent dans l’ensemble de notre société. Ces résistances sont fondées sur les discriminations liées au genre, car, si les femmes subissent des violences, c’est d’abord parce qu’elles sont des femmes !

C’est donc à un dispositif global de prévention que nous nous devons de réfléchir, afin de faire disparaître les comportements machistes qui conduisent à ces violences.

La sensibilisation et la formation dans la sphère éducative, que prévoit la proposition de loi déposée par mon groupe et que nous voulons introduire dans le présent texte, constituent un enjeu essentiel dans la lutte contre les violences.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Odette Terrade. La prévention par l’éducation doit être prise en compte dès le plus jeune âge pour modifier les comportements sociaux, afin que petites filles et petits garçons soient sensibilisés aux valeurs de respect mutuel et d’égalité entre les deux sexes.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Odette Terrade. La lutte contre les violences faites aux femmes comme aux hommes commence par une véritable révolution éducative !

La lutte contre les violences au sein du couple suppose aussi que l’accent soit mis sur le changement des modèles familiaux de notre société et qu’on prenne en compte son évolution dans ce domaine.

Devant l’ampleur des violences, les traumatismes pour les victimes, les enfants, le coût social pour la société, rien ne doit rester dans l’ombre !

Nous l’avons constaté, la cellule familiale est le premier terrain de violence, et le phénomène des « mariages forcés » concerne de plus en plus de jeunes filles, qui se retrouvent généralement dans des situations dramatiques.

Si la proposition de loi du 27 novembre 2009 crée une « ordonnance de protection » pour les victimes de mariage forcé, les jeunes femmes concernées sont confrontées au chantage familial. Faut-il rappeler qu’une femme en danger de mariage forcé est souvent une femme en danger de viol ?

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Odette Terrade. Faut-il rappeler aussi que la lutte contre les mariages forcés est tombée dans le champ du ministère de l’intégration, au détriment de la protection de l’enfance et de la législation contre les violences faites aux femmes ?

Vous le voyez, mes chers collègues, le champ d’action d’une loi contre les violences au sein du couple est vaste, complexe et mérite toute notre attention.

M. Roland Courteau. En effet !

Mme Odette Terrade. Il ne suffit pas, monsieur le secrétaire d’État, de déclarer l’année 2010 « année de lutte contre les violences faites aux femmes » à grands coups de communication, ou d’envisager le problème d’une façon plus sécuritaire.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Odette Terrade. Il faut dégager d’importants moyens humains et financiers afin de prévenir, sanctionner et éradiquer ces violences !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Odette Terrade. Au-delà de principes simples d’éducation non sexiste, cette proposition de loi aborde la question de l’aide aux victimes, notamment l’aide juridictionnelle.

La complexité des situations des victimes de violences implique une aide dans tous les domaines : économique, social, juridique et psychologique.

Trop souvent, les femmes ayant franchi le pas du dépôt de plainte sont confrontées à une procédure pénale vécue comme un processus long et abscons, intrusif et traumatisant. Il s’agit donc d’aider et de soutenir les victimes pour faire en sorte qu’elles ne risquent pas de sortir de leur expérience de la justice encore plus détruites qu’elles ne l’étaient auparavant.

Ainsi, les violences au sein du couple sont un fléau qui nous concerne tous, aux conséquences humaines, économiques et sociales incalculables. La proposition de loi que nous examinons comme la proposition de loi-cadre déposée antérieurement par mon groupe affirment que ces violences ne relèvent pas seulement du domaine privé, mais concernent bien l’ensemble de notre société.

C’est pourquoi, avec mon groupe, nous reconnaissons la nécessité d’une loi qui tienne compte de tous les aspects de cette question.

Même si tout ne se règle pas par la loi, la proposition du groupe socialiste défendue par notre collègue Roland Courteau, avec ses volets « sanction », « prévention » et « aide aux victimes », complète à propos les mesures déjà existantes. Elle constitue un point d’appui essentiel pour l’ensemble des victimes et un signe fort envoyé à ceux qui perpétuent cette violence intrafamiliale.

C’est pourquoi, devant l’urgence qu’il y a à se mobiliser pour que les violences au sein du couple soient prises en considération dans leur globalité, nous voterons cette proposition de loi.

Inacceptables, ces violences ont des conséquences dramatiques pour les femmes et leurs enfants, témoins « privilégiés », si l’on ose dire, et victimes collatérales de ces violences perpétrées au sein des couples dans le huis clos de la sphère privée. Selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales portant sur les années 2007 et 2008, on estime à 418 000, dont 310 000 femmes, le nombre de personnes de dix-huit à soixante-quinze ans victimes de violences physiques ou sexuelles et dont l’auteur principal est le conjoint.

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

Ses autres interventions :

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