Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Certes, le budget de l’Intérieur est en hausse, mais les effectifs augmentés, aussi bien dans la police que dans la gendarmerie, seront-ils répartis judicieusement ?
Nous l’avons bien compris, ce budget correspond à l’engagement de campagne du Président de la République de lutter contre la délinquance et le sentiment d’insécurité ressenti par les français, largement instrumentalisé.
Mais, comme nous avons eu l’occasion de l’indiquer à l’occasion du débat sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, l’insécurité et la délinquance ne sont pas le seul fait des prostituées, des mendiants et des jeunes dans les halls d’immeubles, catégories montrées du doigt.
Je vais aborder un sujet qui est trop souvent absent de votre discours sécuritaire, celui de la lutte contre le blanchiment de l’argent sale. Cette lutte devrait d’ailleurs s’étendre aux machines à sous clandestines, aux salles de jeux et autres casinos servant d’écrans à des opérations de blanchiment.
Il s’agit pourtant là d’une clé essentielle de mise en cause des systèmes mafieux.
Le rapport parlementaire d’Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, remis en avril dernier, est très critique sur ce sujet.
Quelques pays voisins, tels que la Suisse, Monaco, le Lichtenstein, Grande-Bretagne, ont été remarqués pour leur tolérance à l’égard de l’argent sale. Dans ce domaine, la coopération judiciaire est trop limitée et les voies de recours contre les demandes de magistrats étrangers sont trop importantes.
Mais la France est bien loin de montrer l’exemple.
En effet, le rapport décrit la France comme une place de choix pour l’investissement et le placement de l’argent sale. Même si de nombreux efforts ont été effectués, par la mise en place notamment de la cellule Tracfin à Bercy, qui est chargée de centraliser les déclarations de soupçon enregistrées par les organismes financiers, il reste des lacunes dans la lutte contre la délinquance financière, qui constitue l’arrière-scène de la délinquance que je qualifierai d’« ordinaire ».
La France souffre d’un réel manque de volonté dans sa traque de l’argent sale. La déclaration de soupçon, qui fait obligation de signaler à la cellule du Tracfin toute opération financière douteuse, ne se révèle pas suffisamment efficace.
Le secret bancaire est encore trop lourd, alors que le combat contre le blanchiment repose largement sur la contribution du monde bancaire, puisqu’il est le mieux placé pour déclencher la procédure d’alerte à partir d’un soupçon.
Mais le secteur de la banque n’est pas le seul à être pointé du doigt.
Certaines sociétés immobilières, compagnies d’assurance et casinos peuvent servir de façades derrière lesquelles se déroulent de nombreuses opérations de blanchiment.
Ce sont elles que les mafias et les réseaux criminels utilisent notamment dans le Sud-Est de la France, afin de blanchir des sommes considérables dans l’économie locale.
Cette région constitue est particulièrement concernée par le blanchiment de l’argent sale. Chacun sait que les mafias russes et italiennes investissent beaucoup dans l’immobilier de cette région, comme à Paris d’ailleurs.
Nous ne souhaitons diaboliser ces départements car, bien entendu, c’est l’ensemble du territoire qui est touché. Il n’empêche, Monsieur le Ministre, que nous sommes confrontés à un problème de grande ampleur auquel il va falloir s’attaquer.
L’absence de volonté de lutter contre cette criminalité et une insuffisance des contrôles limitent les investigations policières et judiciaires.
Les mafias ont encore de beaux jours devant elles, d’autant plus qu’elles profitent largement du développement des nouvelles technologies et notamment des services bancaires en ligne, qui favorisent les transferts de capitaux.
Comment ne pas voir qu’il existe un manque de moyens humains et matériels ?
Les policiers ne sont pas suffisamment équipés pour lutter contre les nouvelles formes de délinquance organisée, par nature transfrontalière, et qui utilisent une combinaison des anciennes et des nouvelles techniques de blanchiment, compliquant d’autant plus la tâche des contrôleurs.
Que proposez-vous, Monsieur le Ministre, pour lutter efficacement contre cette grande délinquance financière ?
Alors que le blanchiment est par définition invisible, il serait utile de prévoir des effectifs supplémentaires nécessaires aux techniques d’investigations spécifiques, telles que des opérations d’infiltration, qui constituent l’une des réponses les plus efficaces au blanchiment.
Il est temps de s’attaquer à cette corruption passive.
Il est temps de construire des coopérations policières et judiciaires particulières pour affirmer en Europe et dans le monde des règles de droit.
Il est temps d’engager la France plus avant dans cette éthique.
Nous avons tout entendu sur la petite délinquance et les moyens de la combattre ; mais votre discours fait trop discrètement l’impasse sur cette criminalité.
Cela est d’autant plus regrettable que c’est cette mafia en col blanc qui tire profit des produits de l’exploitation sexuelle, du trafic de drogue et du trafic d’armes.
Monsieur le Ministre, votre étonnante énergie si médiatique, placez-la donc dans cette lutte, qui est celle de la morale contre le crime.