Autonomie de la Polynésie française

Publié le 18 décembre 2003 à 15:03 Mise à jour le 8 avril 2015

par Nicole Borvo

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Je l’affirme d’emblée, nous ne participerons pas à cette discussion qui n’a de parlementaire que le nom.
Programmer un débat de cette importance, qualitativement et d’évidence quantitativement, le dernier jour de cette première partie de session, relève d’un rare mépris à l’égard des assemblées.

Cette dernière journée est traditionnellement réservée aux navettes parlementaires. Pour une navette parlementaire, la barque apparaît quelque peu chargée : deux projets de loi, l’un de 194 articles, l’autre de 26 articles et près de 250 amendements à examiner. J’ai même le sentiment que l’échange qui s’ouvre relève de la pure formalité et que le gouvernement et M. Gaston FLOSSE, chef dominateur du gouvernement de Polynésie, aurait tout à fait pu se contenter d’une discussion à deux pour parvenir à leurs fins.

La masse soumise au Sénat, débouche sur le même résultat. Les sénatrices et sénateurs ne peuvent qu’enregistrer ces propositions, où les compromis passés, faute de temps pour s’approprier le débat.
Tout cela n’est pas sérieux et démontre la volonté de non-débat sur le statut d’autonomie renforcée de la Polynésie Française.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont historiquement favorables à un renforcement de l’autonomie des territoires et des départements d’outre mer.

Ce renforcement de l’autonomie découle de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Il nous semble, après une première lecture, que ces projets de loi organiques et ordinaires dépassent les ambitions de la loi constitutionnelle.
Il nous apparaît nécessaire de préciser des concepts porteurs d’ambiguïté comme « loi de pays », « pays d’outre-mer ».
Qu’en est-il également de la gestion future par la Polynésie Française des compétences de l’Etat ?

Je n’énumérerai pas les multiples interrogations que peut susciter ce texte.
Une question peut cependant tarauder. Pourquoi cette précipitation ? Pourquoi la déclaration d’urgence sur un tel texte ?
Comment ne pas trouver la réponse dans le contexte politique particulier de la Polynésie Française que j’ai déjà évoqué ?
C’est ce contexte, l’omniprésence de M. Gaston FLOSSE, la confection, qui peut le contester, d’un statut sur mesure qui mue notre approbation du principe d’autonomie en une opposition à deux projets de lois qui apparaissent fortement marqués par une évolution libérale à laquelle est vivement attachée l’actuel président du gouvernement polynésien. Il faut rappeler que ce projet répond aux vœux de M. Gaston FLOSSE, exprimés depuis 1998.

En parcourant le rapport et le compte rendu des commissions, quelques exemples symptomatiques de la démarche apparaissent.
L’échange entre M. LANIER, Rapporteur et M. FLOSSE lui-même, retranscrit page 2645 du bulletin des Commission, est intéressant à cet égard. M. LANIER présentait un amendement « prévoyant la transmission obligatoire au haut commissaire des autorisations individuelles d’occupation des sols ».

M. FLOSSE lui a rétorqué que « l’obligation de transmission des permis de construire constituerait un retour en arrière par rapport à la pratique actuelle et n’allait pas dans le sens de l’autonomie ».
Bien entendu, M. LANIER a retiré son amendement, M. FLOSSE avait parlé. Mais qu’en est-il des pratiques actuelles ? Quelles sont les garanties pour éviter tout bétonnage ?
Qui peut dire que préserver l’environnement peut s’opposer une avancée vers plus d’autonomie ?
Deuxième et dernier exemple.

Qu’en est-il précisément, M. le Rapporteur, des dispositions prévues à l’article 31 du projet de loi étendant le pouvoir normatif du gouvernement de Polynésie à certaines dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard ?
Le Sénat ne peut tout de même adopter de telles dispositions si singulières, sans se remémorer des affaires judiciaires récentes, impliquant les milieux du jeu de l’île ?
Ce type de question doit être approfondi.

Il n’est pas question pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen de laisser s’instaurer au sein de la République française, des zones de non-droit, notamment dans ce domaine du jeu qui, rappelons-le, constitue l’un des moyens essentiels du blanchiment de l’argent sale.
M. Gaston FLOSSE peut être largement satisfait de ce projet qui le consacrera comme Président de la Polynésie Française.

Nous voterons contre ces deux projets de loi qui portent la marque d’une volonté de personnalisation du pouvoir que nous réfutons par principe et de libéralisme renforcé pour la Polynésie.

Les habitants de ces terres lointaines attendent d’autres mesures qui permettent un essor réellement démocratique de leur territoire et qui respecte enfin leur histoire, toute leur histoire.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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