Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (réforme de la procédure législative) : article 13 (3)

Publié le 17 février 2009 à 15:09 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 13 de ce projet de loi organique constitue un pas significatif vers la présidentialisation du régime, avec cette particularité que cette dernière se fonde non pas sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs, mais sur une soumission croissante du pouvoir législatif aux objectifs de l’exécutif.

Cela a été maintes fois rappelé, l’objectif est l’efficacité, la modernité, l’adaptation au monde qui nous entoure. Cette pensée dogmatique de l’efficacité et de la modernité devrait pourtant être maniée avec précaution, car c’est elle qui nous a menés au bord du gouffre.

M. Balladur présentait ses réflexions dans un chapitre intitulé : Moderniser le droit d’amendement. Moderniser, c’est sans doute, pour la première fois depuis le Consulat, la Restauration, le second Empire ou Vichy, s’attaquer au fondement de la démocratie parlementaire, à savoir le droit d’expression même des parlementaires.

Selon M. Balladur, la procédure dite du « crédit temps » permettrait de limiter l’obstruction parlementaire.

Avant d’examiner les dispositions de l’article 13, il convient de s’arrêter quelques instants sur cette question de l’obstruction. Qui dénature l’activité des assemblées ? Qui pénalise le travail législatif ? Les parlementaires qui exercent leur droit constitutionnel d’amendement ou le Gouvernement qui multiplie les projets de loi aboutissant à une inflation législative incontrôlable, pour ne pas dire incontrôlée ?

Monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous parler d’obstruction alors que vous vous êtes vanté devant les députés d’avoir fait adopter par le Parlement cinquante-quatre projets de loi en un an, soit un par semaine, vacances comprises ?

M. Bernard Frimat. Eh oui !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pourtant, pour l’année 2006-2007, seuls 10 % des décrets nécessaires à l’application des lois votées ont été pris. (M. le secrétaire d’État proteste.)

L’inflation législative est l’une des principales raisons de l’affaiblissement du rôle du Parlement, inflation législative alimentée, pour une bonne part, par la transposition massive des normes européennes.

L’affaiblissement du rôle du Parlement, n’en déplaise aux présidents de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, c’est aussi la réduction des pouvoirs en matière budgétaire, qui aboutit à transformer les assemblées en chambres d’enregistrement.

L’utilisation du droit d’amendement a symbolisé, en 1980, le retour de l’initiative parlementaire. Dans une constitution privant les assemblées d’un réel pouvoir d’initiative, l’amendement est devenu un outil d’expression majeur du Parlement, à gauche comme à droite, selon l’étiquette politique du Gouvernement : il permet de présenter une proposition, de la soumettre au vote, mais également de manifester une vive opposition.

Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez souvent avec nostalgie la période, antérieure à 1969, où le temps global s’appliquait à l’Assemblée nationale. Faut-il vous rappeler que c’est à cette époque qu’est née la fameuse expression « parlementaires godillots » ?

L’obstruction, que vous dénoncez tant, a surtout été développée par la droite parlementaire, précurseur en la matière. La loi de nationalisation, la loi sur l’enseignement supérieur ou la loi sur la presse furent l’objet de milliers d’amendements déposés par l’opposition d’alors, devenue aujourd’hui majoritaire.

L’amendement n’était d’ailleurs pas le seul moyen. En 1981, sur les nationalisations, la droite fut la première à utiliser de manière massive le rappel au règlement en en présentant cent huit.

Faut-il donc s’inquiéter des longs débats parlementaires ? Les grands textes qui régissent encore aujourd’hui notre société, comme les lois relatives à l’école ou à la liberté de la presse, ont nécessité plus d’un an de débat.

Aujourd’hui, un débat qui dure une semaine paraît excessif ; s’il dépasse quinze jours, il devient presque intolérable et s’apparente à une déstabilisation de l’exécutif !

Vous avancez des chiffres importants : 11 853 amendements sur le projet de loi portant sur les retraites, 137 665 amendements pour le projet de loi sur la privatisation de Gaz de France, 14 888 amendements sur le projet de loi relatif à La Poste. Or les débats n’ont jamais dépassé un mois, les outils de restriction du droit d’amendement étant déjà très nombreux, de l’irrecevabilité à la clôture des débats, en passant par l’ajout inopiné de séances.

Sur le contrat première embauche, le CPE, nous avions même siégé à l’heure de la messe, le dimanche matin ! Sur ce texte comme sur d’autres, n’aurait-il pas mieux valu prendre le temps du débat ?

Nous réfutons donc cet argument démagogique qui confine à l’antiparlementarisme.

M. le président. Veuillez conclure, madame Mathon-Poinat.

M. Alain Gournac. Ah oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très intéressant, monsieur le président.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pour nous, l’initiative parlementaire est le corollaire indispensable de la démocratie, et le droit d’amendement en est le socle.

Josiane Mathon-Poinat

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