Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du recouvrement de nos impôts, celle de la qualité de la relation entretenue avec le citoyen contribuable et celle de la gestion de notre service public local ou hospitalier sont au cœur du débat qui nous réunit ce jour.
Il nous faut évoquer, à la suite de M. le rapporteur spécial Thierry Carcenac, la problématique de l’évolution des effectifs de l’administration fiscale.
Cette année encore, le ministère des finances conduit une politique de réduction de ses effectifs, avec la suppression de 1 872 postes au sein de la direction générale des finances publiques, qui affecte à la fois les centres des finances publiques et les sous-directions de Bercy.
La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sujet qui nous tient particulièrement à cœur au Sénat, nécessite pourtant des moyens matériels et humains tout à fait particuliers.
On ne fera croire à personne que la dématérialisation des procédures de déclaration et de recouvrement suffirait, par elle-même, à garantir la transparence des résultats fiscaux et la fluidité des recettes de l’État.
De la même manière, la retenue à la source, désormais applicable à l’impôt sur le revenu, ne saurait nous garantir tout à fait contre la fraude.
C’est au premier niveau, en prise directe avec le terrain, que les agents des impôts, des douanes et de la police nationale détectent les fraudes les plus sophistiquées.
La fraude fiscale, ce n’est pas qu’une affaire de relations à fleurets mouchetés entre le Trésor public, représenté par la direction des grandes entreprises, et les grands groupes, leurs obligations de publicité et l’armada d’avocats qu’ils rémunèrent pour discuter de quelques points de droit avec l’administration fiscale.
La fraude et l’évasion fiscales sont deux maux dont souffre notre pays. Elles nous contraignent probablement à maintenir certaines recettes à rendement élevé pour pallier les manques constatés hier.
La fraude fiscale, dont on dit qu’elle coûterait environ 80 milliards d’euros à l’État, c’est-à-dire l’équivalent du déficit constaté à la fin de 2018 pour l’ensemble des comptes publics, demeure concentrée sur l’impôt sur les sociétés, la TVA et l’impôt sur les revenus les plus élevés. Elle se double de fraudes aux assurances sociales, frappant les cotisations sociales, ressource indispensable au maintien de l’égalité devant la santé, la vieillesse, la maladie ou encore les plans sociaux et leurs effets sur leur environnement économique immédiat.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Éric Bocquet. Lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, cela commence donc à la base, par le plus simple contrôle sur pièces, par l’étude concrète, par exemple, d’une demande de crédit d’impôt recherche, par l’analyse de la relation commerciale privilégiée entre une entreprise et l’un de ses fournisseurs : cela nécessite des équipes suffisamment denses, œuvrant au sein d’un maillage territorial suffisamment renforcé, au rebours de la ligne suivie par le Gouvernement au travers d’un projet de budget où les gains de productivité des agents et cadres de la DGFiP se traduisent par un nouvel étiolement de la présence physique et territoriale des services. L’article 77 ter du projet de loi, rattaché aux crédits de la mission, montre d’ailleurs clairement où cela risque encore de nous mener.
Nous ne pouvons, en rejetant cet article comme les crédits de la mission, que confirmer notre refus de ce démembrement continu de nos administrations fiscales et financières.