Des augmentations de crédits en trompe-l’œil, qui masquent des mesures d’économies

Loi de finances pour 2019 : solidarité, insertion et égalité des chances

Publié le 6 décembre 2018 à 08:17 Mise à jour le 7 décembre 2018

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont le montant passera de 19,44 milliards en 2018 à 20,93 milliards en 2019, ce qui correspond à une augmentation de 7,7 %. Par les temps qui courent, c’est plutôt une bonne surprise, d’autant que la majeure partie de ces crédits est destinée à financer la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés, qui relèvent toutes les deux des programmes 304 et 157.

Les crédits du programme 157, « Handicap et dépendance », sont donc en hausse, ce qui s’explique essentiellement par la revalorisation exceptionnelle de l’allocation aux adultes handicapés. Si nous nous réjouissons de cette augmentation, nous déplorons la réduction du nombre de ses bénéficiaires, du fait de l’abaissement du plafond de ressources pour les couples. En outre, sa revalorisation est désindexée de l’inflation, ce qui entraînera forcément une baisse de son montant au fil du temps. En outre, cette mesure exceptionnelle ne suffit pas à faire oublier les nombreuses décisions qui ont récemment porté atteinte au pouvoir d’achat et aux conditions d’existence des personnes en situation de handicap, comme la suppression du complément de ressources ou le rejet de notre proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’AAH.

Concernant les crédits du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », le constat est le même : leur hausse s’explique essentiellement par la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité. Toutefois, cette augmentation doit être nuancée, car plusieurs mesures, telles que la baisse de l’abattement, le gel des revalorisations annuelles en fonction de l’inflation et l’exclusion des bénéficiaires de pensions d’invalidité et de rentes AT-MP restreignent la portée de cette allocation.

Au fond, ce sont des augmentations de crédits en trompe-l’œil, qui masquent, en réalité, des mesures d’économies, le Gouvernement prenant aux uns pour donner aux autres. Et votre plan pauvreté, madame la ministre, ne nous rassure pas. Éric Bocquet en ayant déjà palé, je ne m’y attarderai pas !

De plus, toujours dans le programme 304, les financements liés au suivi des mineurs non accompagnés progressent, mais cette augmentation des crédits est contrebalancée par le nombre croissant de bénéficiaires. La mise en œuvre de ce dispositif dépend des départements, qui sont en grande difficulté, vu leur étranglement financier, tandis que les aides versées par l’État sont largement insuffisantes. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et assurer une réelle protection de ces mineurs en danger, dont la précarité est dénoncée par de nombreuses associations.

Pour terminer sur le programme 304, à la suite de la mobilisation des organisations syndicales et des professionnels, le GIPED, qui gère notamment le numéro gratuit 119, voit finalement ses crédits revenir au niveau de 2017, au lieu des 7 % de baisse prévus initialement. Nous serons très vigilants sur les crédits inscrits à son profit dans le PLF pour 2020 : ils doivent permettre à ces professionnels d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions.

J’en viens à présent au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ».

De nouvelles actions ont été ouvertes, prévoyant notamment de favoriser l’accès aux droits pour les femmes, le développement de la culture de l’égalité et de financer les délégations régionales aux droits des femmes. Cependant, le budget correspondant, à euros constants, n’est pas suffisamment important pour mener une politique de lutte contre les inégalités ambitieuse : il ne s’élève même pas à 30 millions d’euros, soit 0,007 % du budget de la France ! Même s’il faut également prendre en compte les budgets transversaux, nous ne pouvons que constater et regretter que la prétendue grande cause du quinquennat ne bénéficie pas de moyens supplémentaires.

De même, nous regrettons que, dans le nouvel intitulé des actions nos 21, 22 et 23, toute référence à la lutte contre la prostitution ou à la lutte contre les violences sexistes ait totalement disparu. Nous avions été nombreuses et nombreux, lors de l’examen du PLF de l’an dernier, à intervenir sur la baisse de l’enveloppe de l’AFIS, mise en place dans le cadre des dispositifs de sortie de la prostitution. Le Gouvernement justifie la nouvelle baisse par les difficultés de mise en œuvre sur le terrain et le peu de personnes potentiellement concernées. Nous sommes en désaccord avec ce raisonnement et pensons, au contraire, comme notre collègue Tourenne, que ce dispositif va monter en puissance, à condition que le Gouvernement le soutienne vraiment.

Le budget qui nous est présenté est, une fois encore, un budget a minima, dans lequel les améliorations sont systématiquement contrebalancées par des mesures de restriction budgétaire. Alors que la France traverse une crise profonde, vous continuez d’appliquer vos vieilles recettes. Vous continuez à ne pas entendre celles et ceux qui souffrent de vos choix politiques profondément injustes et qui manifestent jour après jour.

Nous voterons contre la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2019.

Laurence Cohen

Sénatrice du Val-de-Marne
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