Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade du débat, qui correspond à la fin du marathon budgétaire engagé le 21 novembre, pour ce qui nous concerne, tout a été dit, argumenté, documenté, défendu, justifié, tranché par nos votes. Le texte est de retour ici, pour une ultime étape.
Je ne vais pas, dans les cinq minutes qui me sont imparties, refaire le débat financier en déroulant l’ensemble des propositions et des amendements que nous avons pu défendre. Je vais me permettre, puisque le rapporteur général vient de l’évoquer, de donner notre avis dès maintenant sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Cette motion nous ramène en quelque sorte au point de départ, puisque notre collègue Pascal Savoldelli avait inauguré le débat ici en présentant une question préalable, bien évidemment dans un autre contexte et pour d’autres raisons. Voilà quand même un petit clin d’œil un peu curieux. En quelque sorte, la boucle est bouclée.
Cette question préalable tient selon nous du pâté de cheval et d’alouette : une alouette de justice et un cheval d’injustice. Reste que certains points sont positifs.
Le premier point positif : la compensation à l’euro près des dotations aux collectivités en vue de la suppression de la taxe d’habitation. Cette mesure renvoie au principe intangible de libre administration des collectivités territoriales. Nous soutenons donc cette démarche.
Deuxième point positif : le taux de TVA réduit à 5,5 % pour le logement social. Nous soutenons également cette idée, tant les besoins du secteur sont criants.
Monsieur le rapporteur général, nous condamnons, comme vous, la suppression par l’Assemblée nationale du mécanisme complet de lutte contre les opérations d’arbitrage de dividendes, pratiques révélées l’an dernier par la presse nationale. Rappelons que de telles opérations coûtent quand même de 3 milliards à 5 milliards d’euros chaque année au budget de la République. Après la publication, la semaine dernière, du rapport cinglant de la Cour des comptes sur la lutte gouvernementale contre l’évasion fiscale, cette décision est tout à fait incompréhensible.
Malheureusement, la rédaction de cette question préalable est par certains aspects rédhibitoire aux yeux du groupe CRCE – vous le comprendrez aisément. On s’appuie de nouveau sur l’idée d’un nécessaire recul du déficit nominal, sur ce carcan budgétaire, donc, que l’on s’est imposé ; on juge bienvenue la baisse des prélèvements obligatoires ; on formule des propositions d’économies. Au passage, franchement, est-il opportun de proposer l’augmentation du temps de travail dans la fonction publique et la baisse des primo-recrutements, au moment où les hôpitaux vous crient qu’ils vivent une crise en matière de personnel, au moment, également, où l’on constate que les candidats sont de moins en moins nombreux à se présenter aux concours de l’enseignement, à vouloir exercer, donc, ce magnifique métier au sein de l’école de la République.
Au fond, ce budget presque de droite…
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Presque ?
M. Éric Bocquet. … du Gouvernement et de l’Assemblée national ne peut pas vraiment déplaire à notre majorité sénatoriale – il est difficile de se défaire de l’impression qu’il n’y a entre vous que quelques nuances ici et là.
Pour le reste, je rappelle qu’ont été rejetés, ici comme à l’Assemblée nationale, nos amendements visant à promouvoir une plus grande justice fiscale via un barème plus progressif de l’impôt sur le revenu, avec onze tranches, à rétablir l’ISF, à supprimer le PFU. Sur ces points, il y a eu consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
À l’évidence, ce budget n’est pas la réponse à la situation sociale du pays. Les gens vous le disent depuis quatorze jours, monsieur le secrétaire d’État, à propos du projet de réforme des retraites, qui s’inspire de la même logique : une baisse du niveau des pensions et un changement de philosophie qui ouvrent la porte, à terme, qu’on le veuille ou non, à un système par capitalisation, provoquant l’inquiétude grandissante de nos concitoyens.
Ce budget est dans la continuité de cette philosophie : affaiblissement de l’État, moins de services publics, chasse à la dépense publique, laquelle serait par nature nocive, voilà autant de notions que l’on a pu entendre régulièrement, ici, au cours des débats.
Cette question préalable, je l’ai dit, est en quelque sorte un retour à la case départ ; je ne rappellerai pas ici les propos qui avaient été tenus par Pascal Savoldelli, en première lecture, pour justifier de soumettre à votre vote, mes chers collègues, une telle motion. Tout ce qu’il avait dit alors reste d’actualité. Vous comprendrez, dans ces conditions, que, renvoyant dos à dos les auteurs de ce budget libéral à deux voix, nous ne votions pas la présente question préalable.