Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu avant son élection à la présidence de la République, le candidat Macron louait la politique migratoire de Mme Merkel, qui avait « sauvé la dignité de l’Europe ».
Par la suite, les accents humanistes utilisés sur la question de l’asile ont été remplacés par des gages à peine voilés aux populistes.
M. François Bonhomme. Cela commence bien !
Mme Esther Benbassa. La première étape de cette évolution a bien évidemment été la loi « asile et immigration ». Depuis lors, les discours ambigus ont été multipliés et on parle désormais de quotas migratoires. La mission « Asile, immigration et intégration », telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui, n’est d’ailleurs pas de nature à nous rassurer.
En 2018, quelque 2 260 migrants sont morts noyés en Méditerranée. L’horreur que doit susciter ce chiffre devrait nous inciter à adopter des orientations financières diamétralement opposées aux PLF votés ces dernières années.
Pourtant, le budget qui nous est soumis est particulièrement déséquilibré, tant la part belle y est faite au financement de la lutte contre l’immigration irrégulière, au détriment de l’intégration et de l’accès à la nationalité française.
Le Gouvernement fait tout pour décourager les exilés de venir en France alors que ceux-ci fuient la guerre, la famine, les instabilités politiques et parfois même les dérèglements climatiques.
Monsieur le ministre, une fois de plus – c’est le cas depuis 2015 –, vous minorez le nombre de migrants qui vont arriver sur notre territoire. De ce fait, les crédits de cette mission sont parfaitement sous-budgétisés.
Vous revendiquez une politique migratoire dissuasive et inhumaine : ainsi, alors que près de 2 000 exilés sont sans logement dans la capitale, vous ne souhaitez pas créer de nouvelles places d’accueil en 2020. Dans le même temps, vous investissez 41,2 millions d’euros dans la création de centres de rétention administrative neufs, tout en refusant d’augmenter les budgets des prises en charge et d’accompagnement social des personnes retenues.
Voilà qui en dit long sur votre volonté d’expulser et d’enfermer, plutôt que d’accueillir et d’intégrer. Finalement, la seule donnée positive de ce PLF est l’augmentation du budget de l’Ofpra, à hauteur de 20 millions d’euros. C’est une disposition qui avait par ailleurs été demandée l’an passé par le groupe CRCE. M. Nunez nous avait alors opposé un refus catégorique.
Ce budget est donc bien insuffisant ! Et il ne vient certainement pas rompre avec le désengagement de l’État, qui oblige les associations à compenser l’inaction des pouvoirs publics.
M. Christophe Castaner, ministre. Elles sont financées par l’État !
Mme Esther Benbassa. Ainsi, je vous le demande, monsieur le ministre : à quand une politique migratoire digne, capable de répondre à cette crise de l’accueil ?
À quand des places supplémentaires ouvertes aux primo-arrivants dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, afin de contrer la création de nouveaux camps de fortune dans nos rues ?
À quand une aide juridique effective pour tous ces requérants, qui sont pris au dépourvu devant la complexité des procédures de l’Ofpra ?
À quand une revalorisation de l’ADA et un meilleur accompagnement des migrants vers l’emploi ?
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous ne cautionnons pas votre politique inique. En cohérence avec ses convictions, le groupe CRCE ne saurait voter ces crédits. Nous ne voulons ni de quotas de migrants économiques, ni de l’enfermement d’enfants dans les camps, ni de la répression des migrants aux frontières, ni de votre budget insincère !