Sécheresse de 2003 : pour un règlement définitif de cette catastrophe

Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Publié le 1er avril 2010 à 15:25 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Sept longues années se sont écoulées depuis la sécheresse de 2003, plus longues encore pour les victimes de cette catastrophe naturelle qui souffrent toujours de vivre dans des maisons fissurées et qui espèrent que les pouvoirs publics entendent enfin leur désarroi.

Comment imaginer qu’en avril 2010 ce dossier ne soit toujours pas clos, que des familles continuent de subir les conséquences de ce phénomène climatique et que leurs dossiers de demande d’indemnisation n’aboutissent pas ?

Certes, la sécheresse de 2003 a été d’une exceptionnelle gravité. Mais force est de constater que la source du blocage à laquelle nous sommes confrontés sur ce sujet, provient essentiellement du refus du gouvernement d’y apporter les réponses satisfaisantes en temps voulu.

Pourtant, la question de l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse de 2003 a déjà fait l’objet de nombreux débats depuis 2006 lors de l’examen des différentes lois de finances et lois de finances rectificatives. A chaque fois, nous avons réitéré avec constance, nos demandes d’indemnisation supplémentaire. Mais à chaque fois, le gouvernement nous a opposé une fin de non recevoir.

Face à cette situation de blocage, sur proposition du Président Jean Arthuis, la commission des finances a décidé de créer en son sein un groupe de travail, dont j’étais membre. Celui-ci a accompli un important travail de réflexion, nourri par de très nombreuses auditions et par un déplacement sur le terrain dans mon département de l’Essonne. Pour la première fois un bilan exhaustif de la sécheresse 2003 a été effectué et des recommandations constructives ont été adoptées à l’unanimité.
J’espère par conséquent que ce travail n’aura pas été produit en vain et qu’il sera suivi de mesures concrètes.

La sécheresse de l’été 2003 fut en effet exceptionnelle par son ampleur et les dégâts qu’elle a occasionnés. 138 000 sinistres ont été enregistrés et 8 000 communes ont sollicité leur classement en catastrophe naturelle ; seules 4 441 ont bénéficié de cette classification.

J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer les critiques développées à l’encontre des critères scientifiques qui ont fondé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, notamment sur le mode de rattachement de chaque commune aux stations de référence du "zonage Aurore".

Le groupe de travail a d’ailleurs relayé ces critiques dans son rapport et n’a pu que constater que des communes pourtant limitrophes ont vu leur dossier être traité de façon différencié, certaines étant reconnues en état de catastrophe naturelle alors que leurs voisines, rattachées à un autre centre météorologique, en avaient été exclues.

Ainsi, dans mon département, particulièrement touché, cinquante-six communes ont été exclues de la procédure de catastrophe naturelle.

Les deux assouplissements des critères de reconnaissance en catastrophe naturelle effectués en janvier et juin 2005 se sont révélés finalement insuffisants puisque, comme le souligne le groupe de travail, de larges zones n’ont pas été reconnues, notamment dans le sud Essonne.

Le premier constat que nous pouvons donc établir est le manque de fiabilité des critères appliqués pour reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle.

Le groupe de travail en appelle d’ailleurs à davantage de transparence de la part des pouvoirs publics sur ce point. En effet, nombreux sont les sinistrés qui se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles ont été assouplis ces critères, situation qui a fait naître chez eux un profond sentiment d’injustice dans le processus d’éligibilité de leur dossier.

Le second constat est qu’à cette gestion très imparfaite des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle s’est ajoutée l’inflexibilité du gouvernement dans la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation.

Plus personne sur ces bancs ne conteste l’insuffisance de cette indemnisation d’un montant de 238,5 millions d’euros mise en œuvre par l’article 110 de la loi de finances pour 2006 puis par la loi de finances rectificative pour 2006.

A l’insuffisance des sommes affectées, est venue s’ajouter la complexité de l’instruction des dossiers. Le sentiment d’injustice provoqué par l’exclusion de certaines communes de la procédure de catastrophe naturelle, a dès lors fait place à un profond désarroi chez les sinistrés, déconcertés par les procédures mises en place.

Outre la technicité des dossiers à constituer, l’exigence de deux devis détaillés dans des délais extrêmement courts, alors même que les professionnels se sont trouvés indisponibles face à un afflux de demandes, n’a fait qu’amplifier des disparités de traitement entre les demandes des sinistrés.
De fait, les services de l’Etat n’ont disposé que de devis voire de simples estimations, ne portant parfois que sur les désordres observables et non sur les causes structurelles des sinistres, alors que chacune des demandes aurait dû bénéficier de compte rendus d’expertise élaborés avec le concours des compagnies d’assurance.

Au final, le montant des sommes débloquées pour mettre en œuvre la procédure exceptionnelle d’indemnisation s’est révélée insuffisante. Certains sinistrés n’ont pas du tout été indemnisés tandis que d’autres l’ont été insuffisamment.

Cette situation a fait l’objet de nombreux débats dans cet hémicycle sous l’impulsion des parlementaires qui ont relayé les revendications des associations de défense des sinistrés de leurs départements.

Au cours de ces débats, plusieurs Ministres se sont engagés à agir en faveur d’une solution équitable. Je n’en citerai qu’un.

Lors de l’examen de la loi de finances pour 2008, Michèle Alliot-Marie répondant en ces termes à une question portant sur l’indemnisation complémentaire à apporter aux sinistrés : « Je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. »

Et bien, Monsieur le Ministre, si cet engagement avait été tenu, nous ne serions sans doute pas réunis aujourd’hui.

Monsieur le Ministre, vous comprendrez à quel point le constat est amer pour les personnes sinistrées qui ne peuvent toujours pas remettre en état des habitations qui sont toujours lézardées, fissurées, fortement fragilisées. Lors du déplacement que nous avons effectué dans l’Essonne en juin dernier, le groupe de travail a pu constater leur profonde détresse. Depuis sept ans, elles sont confrontées à un mur de silence et d’incompréhension de la part du gouvernement. Elles n’attendent qu’une chose : qu’une solution digne leur soit enfin apportée.

Cette situation justifie la mobilisation toujours très active des élus et des associations afin de trouver une solution pour les dossiers qui restent encore ouverts. Dans l’Essonne par exemple, leur nombre est estimé entre quarante et cinquante par les associations de défense des sinistrés, parmi les 575 dossiers déposés en Préfecture.

Par ailleurs, le manque de transparence, les carences administratives, l’absence de procédure d’alerte des communes et les conditions d’indemnisation augurent mal de la gestion future de catastrophes naturelles aussi importantes que celle de 2003, alors que tous les experts s’accordent sur la probabilité d’une augmentation significative du risque de canicule.

Les scénarios les plus optimistes estiment que le nombre de jours de sécheresse sera multiplié par un facteur supérieur à 5 à l’horizon 2070.

Le groupe de travail s’est attaché à recenser les lacunes, les défaillances et les carences budgétaires qui maintiennent dans le désarroi et la détresse de trop nombreuses familles.
Dans l’espoir de trouver enfin une solution à « un passé qui ne passe pas », un certain nombre de recommandations ont été émises concernant la gestion des suites de la sécheresse, les leçons à tirer pour l’avenir ou encore concernant le régime de catastrophe naturelle dont le caractère protecteur fondé sur le principe de solidarité nationale est, à juste titre, réaffirmé par le rapport.

Plusieurs recommandations peuvent être suivies d’effet très rapidement : leur mise en œuvre ne dépend que de la volonté du gouvernement.

La première concerne la mise en œuvre avant la fin de l’année 2010, d’une procédure d’alerte et d’information des communes sur les risques liés au phénomène de subsidence. Les maires des communes situées en zone d’aléa argileux doivent être rapidement alertés sur les enjeux liés à ce phénomène et des recommandations doivent leur être adressées leur permettant de prendre en compte ce risque dans leurs dossiers d’urbanismes.

De plus, le rapport souligne la nécessité d’apporter une aide aux collectivités particulièrement exposées, afin qu’elles puissent se doter de cartographies complémentaires à celles du BRGM, opérations potentiellement éligibles au Fond de prévention des risques majeurs.

La deuxième recommandation concerne l’utilisation du reliquat du fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation. Selon les chiffres fournis par le ministère de l’intérieur, 1,833 million d’euros demeureraient encore disponibles. Nous souhaitons par conséquent qu’il soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse. Alors que le montant de l’enveloppe budgétaire est déjà faible, il est difficilement compréhensible que son intégralité ne soit pas utilisée.

La troisième recommandation qui est particulièrement attendue par les personnes sinistrées concerne la mise en œuvre, par le gouvernement, d’une vague complémentaire d’indemnisations, réservée aux personnes ayant déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle.

Monsieur le Ministre, l’Etat doit réparation aux sinistrés qui n’ont bénéficié d’aucune indemnité et à ceux dont les indemnités ont été insuffisantes en raison de la complexité des procédures d’instructions.

Au cours de sa mission, le groupe de travail a pu constater que « la gestion de la sécheresse 2003 avait suscité chez les personnes sinistrées comme chez beaucoup d’élus locaux, un désarroi profond et durable ». La persistance et la vivacité de certaines revendications imposent désormais de solder positivement ce douloureux dossier.

C’est un devoir de solidarité que l’Etat doit assumer, en raison de l’absence de fiabilité des procédures de classement en état de catastrophe naturelle et en raison de l’insuffisance des montants affectés à la procédure d’indemnisation exceptionnelle.

Il est impératif que, sept ans après, ce débat débouche enfin sur le règlement définitif de cette catastrophe.

Je souhaite Monsieur le Ministre que le gouvernement s’engage en ce sens.

Bernard Vera

Ancien sénateur de l'Essonne
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