Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Artifices comptables, recettes appelées en avance, reports massifs de crédits budgétaires pourtant votés par le Parlement, recherche obsessionnelle d’économies de ‘ bouts de chandelle ‘, tout concourt, pour ce qui concerne l’exercice budgétaire 2005, à faire du constat de la loi de règlement la démonstration des choix idéologiques désastreux qui président, depuis le début de la législature, à dénaturer l’action publique, tout en accroissant les déficits cumulés, tandis que la croissance économique n’est pas au rendez vous.
De la soulte exigée d’EDF au versement anticipé du premier acompte de l’impôt sur les sociétés, des annulations de crédits aux arrêtés de répartition, tout a été mis en œuvre cette année !
Et pour quel résultat : un niveau de déficit maintenu artificiellement sous les 3 %, mais représentant une masse de près de 200 milliards d’euros en cumulé depuis 2002, pour une croissance inférieure à 1,5 % !
Pour autant, d’aucuns, nous les avons encore entendus ici et aujourd’hui même, pensent que les choix budgétaires qu’ils ont validé de manière systématique depuis 2002 sont les seuls devant s’appliquer à la situation de notre pays.
Il s’agit tantôt de confirmer nos choix européens ( et nous nous enfermons dans des critères de convergence qui paraissent chaque fois plus inaccessibles ), tantôt de donner à nos entreprises plus de compétitivité, sans sourciller quant à l’utilisation qui est faite in fine des marges de manœuvre financières qui leur sont offertes.
Pour ne prendre que ce seul exemple, comment ne pas faire un lien entre l’insolente santé de nos marchés boursiers ( malgré le momentané et récent affaissement du CAC 40 ) et la controverse demeurant posée sur la réalité de la création d’emplois ?
Les moyens financiers de nos entreprises n’ont sans doute jamais été aussi importants ( une entreprise comme Total bénéficiant par exemple des effets de la hausse continue des prix du pétrole brut ), mais la seule chose qui augmente le plus vite, c’est la rémunération du capital, ce sont les parachutes dorés et les primes d’installation confortable des PDG de nos plus grandes entreprises.
On peut trouver qu’Antoine Zacharias a été un peu loin pour ce qui concerne sa rémunération dans le groupe Vinci, mais le quotidien de la plupart de nos grands patrons, c’est l’accumulation des plus values sur cession d’actions, c’est celle des avantages en nature, des rémunérations spécifiques diverses, véritable vampirisation continue des ressources mêmes des entreprises.
Au point même qu’on peut être incompétent, ignorer les délais de livraison de la production de sa propre entreprise et percevoir de juteuses plus values financières sur plans d’option d’achat d’actions !
Le contexte dans lequel nous débattons de cette loi de règlement du budget 2005 est profondément marqué par cette actualité là, véritable insulte pour tous ceux qui subissent au quotidien les effets de la ‘ régulation budgétaire ‘ dont l’exercice budgétaire a fourni une remarquable illustration.
Il n’est pas de Ministre, parmi ceux qu’il nous a été donné l’occasion d’auditionner ces derniers jours, et qu’il nous sera donné d’entendre les jours qui viennent, qui ne se félicité d’avoir pu ‘ maîtriser ‘ le plus possible la dépense publique réelle de son département ministériel.
Personne qui refuse de se louer des effets de la ‘ fongibilité ‘ des crédits sur la capacité à dégager des gains de productivité et des économies dont le caractère exclusivement comptable constitue d’ailleurs la limite.
On économise des bouts de chandelle, mais l’incendie continue de se propager !
Deux faits politiques majeurs ont marqué l’année 2005, mes chers collègues.
Le premier, au détour de la large controverse populaire et publique menée au cours de l’hiver et du printemps, a été le rejet massif du projet de Constitution Européenne par le suffrage universel.
Ce vote, au-delà de tout, est l’illustration de la condamnation la plus large d’une certaine manière de voir la vie, de voir les choses, de concevoir le fonctionnement de notre économie et de notre société que les Français refusent largement, alors même qu’elle continue à trouver défense et illustration dans les politiques menées par ce Gouvernement.
Le second, ce sont les évènements de l’automne 2005, qui ont marqué les banlieues et les quartiers populaires et qui n’ont, pour l’heure, appelé de ce Gouvernement que deux réactions inadaptées.
La première, c’est la mise en œuvre d’un état d’urgence stigmatisant, héritage d’une époque révolue, désignant à la vindicte publique les jeunes issus des milieux les plus modestes, et offrant à quelque Rodomont l’occasion de faire jouer la fibre sécuritaire à défaut de rétablir la sécurité.
Seconde réaction inadaptée : celle qui a consisté à proposer, devant les difficultés d’emploi dont souffrent ces jeunes, la mise en place du contrat première embauche, le fameux CPE, véritable destruction programmée du droit du travail.
Ce CPE, mes chers collègues de la majorité, contre toute évidence, contre l’opinion largement majoritaire de nos compatriotes, des salariés, de la jeunesse étudiante et lycéenne, vous l’avez soutenu !
Vous l’avez soutenu dans un débat parlementaire tronqué, victime d’une poussée de fièvre procédurière, traduisant en réalité votre inquiétude devant la large réprobation populaire dont il était l’objet.
Vous avez du, il y a deux mois et demi, dans une séance de notre Assemblée, consacrer sa disparition, sans pour autant tirer les conséquences réelles de la situation.
Car cela fait des années et des années, trop d’années, que vous condamnez notre pays à goûter à la précarisation des conditions de travail, à l’insécurité de l’activité professionnelle, au nom de la compétitivité de nos entreprises, mais surtout au nom de la restauration permanente de leur rentabilité financière.
Depuis vingt ans, nous avons ainsi pu tester, pour toute politique, la baisse continuelle de l’impôt sur les sociétés, la réduction de son assiette, la baisse de la taxe professionnelle, l’allégement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises, et les sommes ainsi dépensées se révèlent, au terme de cette phase historique, particulièrement spectaculaires.
Depuis 1985, ce sont ainsi 450 milliards d’euros qui auront été engloutis dans ces politiques de moins disant social et fiscal en faveur des entreprises !
450 milliards d’euros, mes chers collègues, c’est-à-dire la moitié de l’encours de la dette publique négociable de l’Etat !
Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux de regarder les évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer qu’entre 1992 et 2005, nous serons passés, s’agissant de la prise en charge par l’Etat des cotisations sociales des entreprises, d’un coût annuel de 6 milliards de francs à une facture de 22,2 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de vingt fois plus !
Pour quel résultat, serait on d’ailleurs amené à se demander, au moment même où d’aucuns souhaitent faire des parlementaires les observateurs sourcilleux de l’engagement des deniers publics ?
Notons d’ailleurs, mais cela ne nous étonne guère, quant au fond, que nous n’aurons pas, en séance publique, de débat thématique sur les crédits de l’emploi et du travail, alors même que le seul chapitre des exonérations de cotisations sociales représente 30 % des dépenses d’intervention publique, des dépenses du titre IV, du budget 2005.
C’est pourtant cette clairvoyance budgétaire qui devrait nous animer, au cours de ce débat.
Mais nous en sommes évidemment loin, d’aucuns préférant sans doute désigner à la vindicte les fonctionnaires ou les retraités que le budget de l’Etat prend à son compte !
Devrais je rappeler, pour autant, à ceux qui l’oublient toujours un peu vite, ces deux vérités : d’une part, ces fonctionnaires, ce sont nos voisins de palier, c’est l’institutrice de nos enfants, le policier qui règle la circulation au carrefour, l’agent de l’Equipement qui déneige la route en hiver, l’aide soignante qui s’occupe de nous à l’hôpital et que d’autre part, et jusqu’à plus ample informé, les traitements et pensions des agents du secteur public constituent un élément du revenu des ménages, c’est-à-dire des moyens de développement de la consommation qui porte encore aujourd’hui cette croissance molle que nous observons depuis 2002.
En tout état de cause, nous ne pourrons évidemment voter ce projet de loi de règlement, illustrant avec éclat le caractère inadéquat des politiques publiques aujourd’hui menées.