Projet de loi de finances rectificative pour 2009

Publié le 31 mars 2009 à 07:57 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 janvier dernier, ici même, j’indiquais au nom de mon groupe : « Nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce texte, rappelant la fonction de rattrapage, d’habillage et de maquillage de ce plan. Malgré tout, comme nous sommes respectueux du dialogue républicain, nous ne rappellerons pas trop longuement, au terme de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, sous quels auspices les discours du début de législature avaient placé le devenir des comptes publics !

« Tout au plus pourrions-nous nous demander, en ce 22 janvier 2009, ce que devient le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont la commission mixte paritaire ne s’est toujours pas réunie.

« Au terme de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, du collectif de décembre 2008 et, bien sûr, du présent texte, le déficit budgétaire pour 2009 est passé, par le biais de quelques amendements de dernière minute du Gouvernement, de 49,2 milliards d’euros à 86,3 milliards d’euros ! Comment ne pas être sidérés de constater que le soutien à la consommation populaire n’explique qu’à hauteur des 200 misérables millions d’euros de la prime qui sera versée le 1er avril aux allocataires du RSA cette explosion en plusieurs temps du déficit ?

« Il faut donc croire, mes chers collègues, que le creusement du déficit a d’autres raisons.

« La première, c’est l’insuffisance des recettes fiscales nettes, qui s’explique par diverses mesures fiscales incitatives n’ayant aucune incidence sur la croissance. En effet, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que nous échapperons à la récession.

« La seconde, c’est le recours abusif à la dépense fiscale pour permettre que les fameuses réformes du Gouvernement atteignent leur objectif, c’est-à-dire alléger l’impôt des plus riches et des plus grandes entreprises. »

Vous ne m’en voudrez pas, mes chers collègues, d’avoir procédé, à l’occasion de la discussion générale de ce collectif de printemps, à une longue citation de ce que j’avais dit lors de la conclusion des débats, il y a un peu plus de deux mois, sur le collectif d’hiver.

Une semaine plus tard, mon collège Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG, indiquait, en présentation des conclusions de la commission mixte paritaire, que le collectif qui venait d’être adopté en appellerait sans doute d’autres. Pour reprendre une expression du langage populaire, ça n’a pas loupé !

Il a, en effet, suffi d’une nouvelle poussée de fièvre sociale - le collectif de janvier a été débattu avant les deux grandes journées d’action interprofessionnelle du 29 janvier et du 19 mars derniers -, de la révélation du scandale permanent de la rémunération des principaux chefs d’entreprise de notre pays et de leurs stock-options et autres, et surtout d’une nouvelle détérioration de la situation économique pour que nous soyons en présence de ce collectif.

Permettez-moi, à ce propos, de pointer dès maintenant un fait.

Face à l’impatience et à la réprobation manifestées par l’opinion publique devant le scandale de la rémunération des chefs d’entreprise, le Gouvernement vient de publier un décret encadrant la pratique des bonus et autres stock-options, décret qui ne fait que changer les choses au minimum et dont l’encre n’aurait sans doute pas coulé sans la mobilisation de l’opinion publique et l’initiative de parlementaires comme ceux de mon groupe, ainsi que nous l’avons vu la semaine dernière !

Pour l’heure, le Gouvernement vient de renoncer, avec ce collectif, à la prévision de croissance qui était encore affichée fort timidement dans le collectif de janvier dernier.

Nous en sommes désormais à un cadrage macroéconomique, serti d’une récession à hauteur de 1,5 % du PIB, soit le pire ralentissement connu par notre pays depuis l’après-guerre ! D’autant que, selon les hypothèses retenues tant par les économistes que par l’INSEE, la récession risque fort d’être encore plus importante et de friser les 3 points de PIB !

Les services de « Pôle emploi », malgré l’usage de l’ensemble des mesures dilatoires permettant de réduire le nombre des chômeurs inscrits, ont tout de même enregistré en février 79 900 inscriptions de plus, c’est-à-dire, tout de même, près de 3 000 chômeurs supplémentaires tous les jours !

Encore heureux qu’existe dans notre pays un code du travail, qui protège un minimum les salariés, et que le recours au chômage partiel est une réponse d’attente devant le ralentissement de l’activité. À défaut, nous connaîtrions probablement une hémorragie d’emplois encore plus spectaculaire !

Le Président « du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » est devenu, et son Gouvernement avec lui, celui du chômage partiel, du chômage total pour un nombre toujours croissant d’exclus, et de la stagnation du revenu pour le plus grand nombre !

Je comprends que, dans vos interventions, vous ne cessiez de dire qu’il ne faut pas opposer les uns et les autres : à la lumière de ce qui s’est passé dans la rue le 29 janvier et le 19 mars derniers, il est clair que vous craignez une plus grande mobilisation !

Le bilan de la loi TEPA, cette loi trompeusement destinée au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, est sans équivoque !

Le nombre d’heures supplémentaires n’a pas connu de progression spectaculaire et les gains de pouvoir d’achat des salariés ont été faibles, se limitant, la plupart du temps, aux deux euros de cotisations sociales « gagnés » sur les heures payées au SMIC, mais peu au-delà.

Les seules mesures qui ont connu un certain succès, et cela ne nous étonne pas, sont celles qui ont amputé le produit de l’ISF, qu’il s’agisse de l’abattement sur l’habitation principale ou de l’incitation à investir dans le capital des PME !

C’est aussi le bouclier fiscal qui va, bientôt, devenir la marque infâme d’un Gouvernement qui s’entête à conserver un dispositif ne profitant véritablement qu’à une poignée de contribuables, bien loin de l’intérêt général, qui pourtant devrait être, dans notre pays, la source unique de la loi, y compris de la loi fiscale !

C’est enfin l’ensemble du dispositif destiné à alléger les droits de mutation sur successions et, surtout, sur donations qui a favorisé l’exemption fiscale de patrimoines particulièrement importants et une optimisation qui a contribué au creusement des déficits !

Les résultats pervers de la loi TEPA sont connus : effet d’aubaine pour les entreprises en matière d’heures supplémentaires, liquidation d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires.

Ceux qui, voilà plus d’un an, ont fait des heures défiscalisées Sarkozy sont, aujourd’hui, soit au chômage partiel, soit licenciés et je rappellerai à l’intention de M. le rapporteur général que les salariés de l’usine Continental, qui avaient accepté - il le fallait ! - de travailler quarante heures par semaine se sont vu ramenés à 35 heures avant d’être finalement licenciés.

Si je cite cet exemple, monsieur le rapporteur général, c’est parce que certains parlementaires votent, « en haut », des textes contraires aux discours qu’ils tiennent, « en bas » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Foucaud.

Le cas de l’usine Continental, sur lequel j’ai, hélas ! souvent l’occasion de m’exprimer ces temps-ci, est très spécifique. Il est lié au mode de management de l’entreprise et à l’OPA hostile dont elle a fait l’objet. Il est irrationnel de vouloir tirer des leçons générales de cette situation particulière, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires.

Dois-je rappeler qu’en 2007, lorsqu’a été organisé un référendum d’entreprise, on a mis en balance, dans la même formule, les quarante heures et la pérennité du site jusqu’en 2012 ? On peut comprendre dès lors que des amalgames soient faits.

Il n’en demeure pas moins que la situation de l’entreprise Continental est très particulière. Et, comme l’a dit très justement le secrétaire d’État, M. Luc Chatel, s’il y a eu trahison, c’est bien dans ce cas très particulier.

Mon cher collègue, il n’y a aucune contradiction entre les principes et les valeurs que je défends ici, en qualité de parlementaire, et les principes et les valeurs qui inspirent mon action comme maire et président d’agglomération. Je vous prie de bien vouloir en prendre acte.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud Sur le terrain, M. le rapporteur général a sans doute fait un certain nombre de choses. Je tiens seulement à préciser, sans malice, que les parlementaires doivent légiférer sur des sujets tels que le bouclier fiscal et les stock-options, qui dérèglent tout le système et qui absorbent des recettes pouvant contribuer au redressement de notre industrie. Et, lorsque je dis que certains parlementaires tiennent, en bas, des propos contraires à ce qu’ils font ici, c’est par rapport à ce qu’on entend ou ce qu’on lit de part et d’autre.

Monsieur le rapporteur général, votre secteur est dans une situation difficile, et croyez bien que je compatis, mais il n’en demeure pas moins qu’on a presque obligé les salariés à accepter de travailler quarante heures : c’était les quarante heures ou la porte.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On a fait pression sur eux !

M. Thierry Foucaud. Absolument ! Lorsque nous, élus communistes, avons dénoncé cette situation, on nous a pris, une fois encore, pour des ringards dépassés. J’aurai souhaité avoir tort mais, malheureusement, l’histoire nous donne aujourd’hui raison. Les salariés sont repassés à trente-cinq heures et sont aujourd’hui sous le coup d’un licenciement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n’aviez pas prédit la crise !

M. Thierry Foucaud. Je ne fais que répéter ce que vous disent les salariés, monsieur le rapporteur général.

Au nombre des effets pervers de la loi TEPA, outre les heures supplémentaires et les liquidations d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires, s’ajoutent les majorations scandaleuses du remboursement au titre du bouclier fiscal pour moins de 900 contribuables ou encore la hausse artificielle des prix de l’immobilier liée, vous le savez, à l’allégement des droits de succession. Et la liste n’est pas exhaustive !

Le coût de la loi TEPA est évalué à 7,7 milliards d’euros, mais en réalité il est bien plus élevé à cause de ses effets pervers ! Nous l’avons déjà démontré ici. En effet, 725 millions d’heures supplémentaires, cela représente 450 000 emplois à temps plein qui ne sont pas mis sur le marché du travail !

À dire vrai, d’une certaine façon, la crise a bon dos ! Non, madame la ministre, le déficit budgétaire de l’État n’est pas constitué pour sa plus grande part d’un déficit de crise de quelque 60 milliards d’euros ! C’est aussi le déficit généré par des années et des années de choix politiques et budgétaires qui ont conduit à faire jouer au budget de la nation le rôle de roue de secours des profits des entreprises et des revenus des plus aisés !

Les choix du Gouvernement auquel vous appartenez et que soutient l’actuelle majorité parlementaire en ont ajouté et en ajoutent encore, avec la loi TEPA et les autres textes votés depuis le printemps 2007 !

Le candidat du travail est devenu le Président des déficits, de déficits sans cesse croissants, alimentés et s’alimentant des injustices fiscales qui ont été dénoncées tout à l’heure, des injustices économiques sans cesse plus criantes qui brisent le pacte républicain !

Le présent texte n’échappe d’ailleurs aucunement à ce processus. Ainsi, on annonce 2,6 milliards d’euros pour les ménages, au travers de mesures affectant le produit de l’impôt sur le revenu ou conduisant à l’attribution quasi surréaliste de bons d’achat pour services à la personne et, dans le même temps, on prévoit d’ajouter 6,5 milliards d’euros en soutien au secteur automobile, à la demande expresse des entreprises !

Or, tout laisse à penser que ces sommes, qui sont prises sur les fonds publics, seront utilisées pour préparer les plans sociaux qui s’annoncent ou qui ont déjà été annoncés, ou les départs volontaires que les grands groupes du secteur, les équipementiers et leurs sous-traitants, vont mettre en œuvre dans les mois à venir !

L’argent public au secours de l’amélioration du profit d’entreprises confrontées à la crise : il fallait y penser ! Mais cela ne m’étonne pas, d’autant que ce n’est pas la première fois !

Un véritable changement de politique s’impose. Sauf à décider de creuser encore plus les déficits et d’éloigner plus encore la sortie de crise.

Un tel changement nécessite de sortir aussi de la méthode Coué qui consiste à dire, par monts et par vaux, devant le public choisi de réunions publiques largement encadrées par un déploiement policier sans équivalent, qu’on a fait les bons choix et qu’il faut attendre pour mesurer leur efficacité !

Les Français et les Françaises ne veulent plus attendre. Et le voudraient-ils qu’ils ne le peuvent plus ! C’est fort de ces aspirations, de cette exaspération et de cette exigence d’autres choix que nous participerons à la discussion de ce projet de loi de finances rectificative.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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