Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi de remercier, au nom des membres du groupe CRC-SPG, l’ensemble des personnels du Sénat, administrateurs et fonctionnaires, qui, par leur disponibilité, ont permis que les débats qui nous ont occupés se déroulent dans les meilleures conditions.
Mes chers collègues, les débats budgétaires sont toujours complexes et s’apparentent parfois à des pièces de théâtre où les rôles sont relativement bien partagés, mais il s’agit d’abord et avant tout de débats profondément politiques.
Je serais presque tenté de dire que la controverse politique est peut-être la seule chose qui nous reste, à défaut de voir le contenu de la loi de finances évoluer de manière significative au fil des discussions.
Quand nous examinons le budget, nous prenons date plus que nous n’agissons sur le présent, et l’opinion publique est le témoin de nos controverses politiques et idéologiques.
Idéologie pour idéologie, monsieur le rapporteur général, votre discours pathétique sur les malheurs des petits porteurs que la chute des cours de Bourse a conduits à vendre leurs actions en est une parfaite illustration. Vous n’avez jamais réussi, ni vous ni la majorité, à nous faire comprendre qui étaient ces petits porteurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en ferai rencontrer !
M. Thierry Foucaud. Et pourquoi n’avez-vous pas pu le faire ? Tout simplement parce que notre pays compte 5 millions d’actionnaires et que votre amendement ne paraissait devoir en intéresser que 100 000 ou 150 000, soit 2 % à 3 % des actionnaires,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est bien ce que je disais !
M. Thierry Foucaud. ...ce qui est peu au regard du nombre des contribuables de l’impôt sur le revenu. Pour quelle raison la grande majorité des actionnaires ne fait-elle pas jouer le dispositif d’imposition séparée des plus-values, monsieur le rapporteur général ? Tout simplement parce que ceux-ci n’y ont pas intérêt. Pour avoir intérêt au régime particulier, il faut acquitter un impôt sur le revenu dépassant 18 % de son revenu imposable, c’est-à-dire un peu plus de deux mois de salaire. Dans un pays qui compte 50 % de personnes non-imposables, dont un grand nombre de petits et très petits porteurs d’actions, ce n’est pas forcément une situation si fréquente.
Bref, sur cette question, comme sur bien d’autres, nous sommes en présence d’une discussion profondément politique et idéologique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela n’aurait pas coûté beaucoup !
M. Thierry Foucaud. Cette idéologie a conduit la majorité sénatoriale, en 2007, à soutenir bec et ongles la prétendue loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. À l’époque, il s’agissait de traduire les propositions présidentielles du candidat Nicolas Sarkozy.
Travailler plus pour gagner plus ? Pas de problème : défiscalisons les heures supplémentaires ! Bilan de cette mesure : 1 milliard d’euros de dépenses non réalisées, c’est-à-dire d’heures supplémentaires qui n’ont pas été accomplies. Dans le même temps, nous assistons à des suppressions massives d’emplois dans le secteur de l’intérim : 50 000 postes ! Désormais, de nombreuses entreprises sont touchées par le chômage technique et les plans sociaux !
Les salariés de Renault à Sandouville, d’Amora à Dijon ou de Peugeot à Sochaux ont peut-être fait des « heures supplémentaires Sarkozy », mais, aujourd’hui, ils sont soit licenciés, soit en vacances forcées pour cause de chômage technique jusqu’au 1er janvier prochain.
Faut-il renforcer le bouclier fiscal pour faire en sorte que le travail soit moins taxé ? Pas de problème : on a réduit le taux de plafonnement à 50 % du revenu, on a ajouté la CSG, et on a attendu. Où en est-on ? Plus ou moins 20 000 contribuables ont demandé une restitution au titre du bouclier fiscal et moins de 500 d’entre eux se sont partagé 120 millions d’euros, soit les deux tiers de ce qui a été rendu.
Cette année, le bouclier fiscal aura coûté 650 millions d’euros, permettant sans doute aux plus aisés de bénéficier d’une remise encore plus importante. Les 7 millions de Mme Meyer sont peut-être devenus 20 millions ou 30 millions d’euros cette année !
Et le tout, pour quel résultat ? Vu l’état de la croissance, le moins que l’on puisse dire est que nous sommes loin du compte, loin de vos discours, loin de vos promesses.
À dire vrai, rien dans la politique menée par le Gouvernement n’a empêché le développement de la crise, la dérive des comptes publics, la hausse du chômage, la persistance d’un haut niveau d’inflation et les atteintes au pouvoir d’achat populaire.
Pour notre part, nous nous étions attachés, dans la loi de finances pour 2008 comme dans la présente loi de finances, à proposer des mesures tendant à accroître le pouvoir d’achat des ménages salariés et à remettre d’aplomb notre fiscalité en direction de l’économie de production, abandonnant enfin la primauté accordée à la financiarisation et à la spéculation. Vous avez voté contre nos propositions.
Baisser la TVA ? Vous avez voté contre ! Impossible, pour vous : ce n’est pas le moment.
Financer les entreprises par un développement du crédit peu onéreux assis sur l’épargne populaire ? Vous avez voté contre : ce n’est pas le moment. La Bourse, c’est tellement mieux !
Supprimer les niches fiscales bénéficiant exclusivement aux plus riches et aux grandes entreprises ? Ah non, cela met en cause l’emploi ! Les mesures que nous avons proposées sont trop brutales, techniquement mal rédigées, que sais-je encore ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Vous avez également voté contre.
En revanche, ce qui vous semble plein de bon sens, c’est réduire encore la dépense publique, quitte à accroître encore et toujours la dépense fiscale. C’est supprimer des milliers de postes de fonctionnaires, dont 28 000 enseignants. C’est taxer les contribuables célibataires, veufs ou divorcés modestes, les salariés victimes d’accidents du travail, plus que les contribuables de l’ISF.
Permettez-moi de rappeler ici, rapidement, ce que la majorité des parlementaires centristes, Nouveau centre et Modem réunis, ont proposé tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Ces parlementaires ont suggéré, sans succès, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, mais ils ont obtenu, pour le moment, gain de cause sur l’imposition des indemnités d’accident du travail. Ils ont également réussi à supprimer la demi-part des veuves et divorcées. Notre groupe avait déposé un amendement pour la rétablir.
Ils ont été aidés en cela par le rapporteur général qui, manifestement, a une vision pour le moins déformée de la lutte contre les niches fiscales.
Que les élus centristes, comme ceux de la majorité qui les ont suivis, aillent expliquer, demain, aux salariés de ce pays que, s’ils sont accidentés du travail, ils paieront des impôts même si leur employeur voit sa responsabilité engagée dans l’affaire, et que, s’ils sont divorcés, ils devront se résoudre à en payer davantage.
Tout le monde, il est vrai, n’a pas la chance d’être actionnaire ou d’investir, au mieux de ses intérêts, outre-mer ou dans le capital des PME !
C’est la France de l’affairisme, des châteaux, de l’optimisation fiscale (Exclamations indignées sur les travées de l’UMP.), du parasitisme financier, que vous avez, encore une fois, et peut-être bien une fois de trop, défendue avec acharnement depuis trois semaines.
M. Christian Cointat. Vous remontez trente ans en arrière !
M. Thierry Foucaud. Nous remontons peut-être trente ans en arrière, mais, pour l’instant, nous avons 30 000 chômeurs de plus et 300 000 à 400 000 prévus pour l’année prochaine ! Essayez de prendre des dispositions d’avenir pour que la France puisse aller mieux demain !
M. Christian Cointat. Il faut se moderniser !
M. Thierry Foucaud. C’est la France qui travaille, celle qui se lève tôt, celle qui ne ménage pas sa peine et qui produit des richesses que vous allez encore taxer, encore et toujours ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Bien sûr, mes chers collègues, tout ce débat budgétaire n’a qu’une portée limitée. Avant même que la commission mixte paritaire ait rendu ses conclusions sur le présent texte, le Gouvernement, emboîtant le pas au Président de la République, dans la continuité du discours de Douai, aura présenté au Palais-Bourbon le contenu des dispositions fiscales prévues par le plan de relance annoncé.
Nous connaissons déjà les contours de ces mesures : crédit d’impôt renforcé pour les banques distribuant les prêts à taux zéro, nouveau crédit d’impôt pour les filiales de crédit de Renault et de Peugeot confrontées à la mévente de l’automobile, entre autres, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours la même chose, toujours des exonérations !
M. Thierry Foucaud. ... mais rien, apparemment, pour les salariés !
Pas de baisse de la TVA, même pas de baisse ciblée en faveur d’un secteur à « forte intensité de main-d’œuvre », comme la restauration ou la coiffure et les services personnels ! Pas de baisse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, pas de baisse des prix de l’énergie, pas de décision de blocage des loyers du secteur privé ! Aucune des mesures contenues dans les annonces du plan de relance ne répond, d’une manière ou d’une autre, aux attentes des salariés de ce pays et de leurs familles.
D’ailleurs, le monde du travail doit s’attendre, cette année encore, à de nouveaux sacrifices, puisqu’aux mesures fiscales que j’ai rappelées plus haut vont s’ajouter les franchises médicales, les déremboursements, la mise en cause de la retraite à soixante ans et la hausse des impôts locaux, conséquence du reniement, par l’État, de la parole donnée aux collectivités locales. (Exclamations sur les travées de l’UMP) Une fois encore, vous allez les mettre à contribution pour solder les mauvais comptes de votre mauvaise politique, en leur transférant des charges et en réduisant leurs moyens !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette loi de finances pour 2009, telle qu’elle résulte des travaux du Sénat.