Projet de loi de finances pour 2009 : anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Publié le 28 novembre 2008 à 16:03 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez pas surpris que je vous redise avec quelle amertume j’ai accueilli ce projet de budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 2009.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres précédemment évoqués dans ce débat. Je voudrais néanmoins rappeler que, s’agissant du droit imprescriptible à réparation, dont nous fêterons, le 31 mars 2009, le 90ème anniversaire, l’on ne peut pas se contenter de répéter, année après année, ce genre de discours convenu : « On baisse le budget, les ayants droit décèdent mais les survivants ont plus »... Ce n’est pas acceptable ! Que représenterait la satisfaction des principales revendications du monde combattant rapportée à la somme faramineuse de 360 milliards d’euros qui a été injectée dans les banques d’affaires victimes de leurs appétits de spéculation et responsables de la crise dans laquelle notre pays s’enlise ?

On ne peut plus se contenter d’un budget de simple fonctionnement ou presque, présenté comme une avancée, puis sortir de son chapeau, via un amendement, la bonne nouvelle de dernière minute, à savoir la hausse de la retraite du combattant de deux points au 1er juillet, laquelle est censée combler les aspirations du monde combattant. Croyez-vous que celui-ci soit dupe de votre volonté de gagner du temps sur ce qui lui est dû ?

Tout le reste, malheureusement, est à l’avenant, car vous prenez prétexte de la priorité que représente la retraite du combattant pour jeter par-dessus bord - ou, à tout le moins, les mettre trop en retrait à mon goût - tous les autres engagements du Président de la République. Ainsi, il n’y a toujours rien pour le plafond majorable des retraites mutualistes des anciens combattants, rien pour la campagne double, rien pour les veuves des plus grands invalides, rien pour les orphelins qui n’entrent pas dans les critères des deux décrets - je pense notamment aux morts au combat -, rien pour les réfractaires au service du travail obligatoire, le STO, rien pour les anciens militaires en OPEX... Enfin, aucun rattrapage n’est envisagé pour combler le retard du point de pension militaire d’invalidité ou point PMI...

Je vous concède un geste en faveur de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants, le plafond de ressources passant de 681 à 750 euros au 1er janvier 2008 et l’aide personnalisée au logement en étant, par ailleurs, extraite. Vous nous avez entendus, monsieur le secrétaire d’État, et nous vous en remercions.

Mais, comme nous fûmes nombreux à le dire à votre prédécesseur l’an dernier, vous y étiez contraints. Vous n’aviez qu’une poignée de dossiers recevables à cette hauteur, et cela ne suffira pas ! Dans mon département, une trentaine de dossiers seulement ont été déclarés recevables depuis le relèvement du plafond à 750 euros. Pour rendre significative cette allocation, il faudrait la relever au moins à 817 euros, c’est-à-dire au niveau du seuil de pauvreté - je vous renvoie, sur ce point, aux précisions apportées par Mme Rozier - et, surtout, exclure du calcul le loyer ainsi que l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

Je veux souligner le dénuement dans lequel vivent certains de nos anciens combattants qui, seuls ou en couple, subsistent avec moins de 750 euros par mois. Ne faudrait-il pas envisager d’étendre le bénéfice de cette allocation à ceux-ci, ainsi que l’avait promis le Président Sarkozy ? Par ailleurs, je vous réitère ici la demande du monde combattant de ne pas englober ces crédits dans les crédits sociaux de l’ONAC, mais de les pérenniser sur une ligne budgétaire spécifique.

Au maigre chapitre des revendications qui avancent, je vous demanderai de bien vouloir préciser la date de versement de l’allocation de 800 euros attribuée aux incorporés de force dans le RAD-KHD ; la plupart des dossiers ayant été déposés, pouvez-vous vous engager sur un versement avant la fin de l’année 2008 ?

S’agissant des victimes des essais nucléaires, monsieur le secrétaire d’État, laissez-moi vous dire que nous serons très vigilants lors de l’examen du projet de loi que présentera prochainement M. le ministre de la défense, qui, du peu que nous en savons aujourd’hui, semble déjà vouloir faire un sort a minima à quarante-huit années d’attente et d’espoir de reconnaissance pour ces hommes sacrifiés sur l’autel de la raison d’État, que ce soit sur les sites d’Algérie ou sur ceux de la Polynésie française. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Monsieur le secrétaire d’État, votre budget tire un trait sur l’essentiel des promesses solennelles du Président de la République - à tout le moins, nous avons compris qu’elles ne seraient mises en œuvre que très progressivement. Je vous demande donc de vous engager sur un véritable plan pluriannuel et, surtout, de le respecter pour les rentes mutualistes et d’autres revendications, ainsi que vous l’avez fait pour la retraite du combattant. Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, nous tracerez-vous, tout à l’heure, de telles perspectives ?

J’en viens au point qui est sans doute le plus inquiétant dans ce budget pour 2009, placé sous le signe de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Vous vous attaquez aujourd’hui aux fondements mêmes des institutions du monde combattant avec la mise en pièces de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, et le transfert de ses missions à un ONAC qui subit des cures d’amaigrissement répétées, notamment avec le nouveau contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé en janvier prochain.

Dans le transfert des attributions de la DSPRS à l’ONAC, un point d’importance reste en suspens : la gestion des maisons de retraite et des écoles de réinsertion professionnelle. II serait question de la confier au privé... Ce n’est peut-être pas le cas, mais je souhaiterais que vous me rassuriez sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

Les services déconcentrés de l’ONAC seront réorganisés en « services départementaux de proximité ». Ils comprendront trois agents au minimum pour assurer l’accueil, les renseignements, l’instruction des dossiers d’action sociale et la relation avec les partenaires. Comment peut-on prétendre que cette réorganisation permettra de réduire les délais de traitement des dossiers alors que l’ONAC aura des missions nouvelles et du personnel en moins, puisque 150 postes seront supprimés sur les 1 400 que compte l’ONAC actuellement ? À titre d’exemple, l’ONAC du Rhône ne compte plus, outre le directeur, qu’une assistante sociale, une secrétaire administrative et deux agents de catégorie C. En effet, il n’y a plus de délégués-mémoire, ces postes étant supprimés, et il ne reste plus que vingt-sept assistantes sociales pour la France entière !

C’est une atteinte sans précédent au droit à réparation, annoncée autoritairement, sans la moindre concertation et qui, selon les propres termes de l’ARAC, l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, met le monde combattant « en alerte rouge » - une telle expression dans ma bouche ne vous surprendra sans doute pas, mes chers collègues... (Sourires.)

Je vous le redis solennellement, de concert avec les associations, l’ensemble des droits à réparation des anciens combattants et victimes de guerre doit demeurer entièrement géré par une administration centralisée spécifique, placée sous la seule tutelle du secrétariat d’État aux anciens combattants, conformément à la loi du 31 mars 1919. Y toucher serait un casus belli !

Je dois également vous réaffirmer, monsieur le secrétaire d’État, ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962, au lieu de celle du 5 décembre, dénuée de sens, pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Guy Fischer. Je vous rappelle également la volonté du monde résistant de voir commémorer la date du 27 mai 1943, date de création du Conseil national de la Résistance.

Je voudrais conclure sur un point qui me tient particulièrement à cœur : l’inquiétude du monde combattant quant aux conclusions de la commission chargée de réfléchir « à l’avenir et à la modernisation des commémorations et célébrations publiques ». Même si j’ai eu l’occasion de vous entendre affirmer, à Bordeaux, lors du congrès national de la fédération nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA, que nous n’allions pas vers l’instauration d’une journée unique, mes craintes n’en demeurent pas moins vives. Il me semblerait trop grave de se risquer à abolir tout ou partie de ces repères mémoriels indispensables.

Le temps qui m’est imparti est trop bref pour me permettre de traiter toutes les questions et de faire état des incompréhensions, des inquiétudes et des questions du monde combattant.

Au demeurant, en l’absence d’un geste de bonne volonté de votre part, monsieur le secrétaire d’État, le groupe CRC-SPG marquera par son vote son opposition au budget que vous nous présentez.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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