Ce débat sur les prélèvements obligatoires comporte des éléments de nouveauté, comme de continuité. Le rituel est maintenu, avec ses incontournables oppositions idéologiques. Cependant, la crise financière actuelle, sans précédent depuis un siècle, est certainement un élément nouveau. Elle aura des conséquences sociales dévastatrices, alors que des millions de personnes sont déjà privées d’emploi ou vivent dans la précarité. La crise aura des conséquences directes sur les finances publiques, ce qui n’empêche pas que les décisions politiques auront, elles aussi, une incidence sur la situation. Autre nouveauté : l’une des plus grandes démocraties du monde vient d’élire comme président un homme qui fait de l’action publique un levier d’action en matière de santé, d’éducation, de protection sociale et, tout simplement, de relance économique.
Qu’on ne vienne pas nous dire que nos prélèvements obligatoires seraient excessifs ! Les choix de la France en matière de santé, d’éducation et de protection sociale, sont moins coûteux et plus efficaces que les systèmes où prévaut la protection individuelle contre les risques sociaux. La crise financière démontre combien la retraite par capitalisation est aléatoire : des milliards d’épargne sont partis en fumée sur les marchés financiers ! Et qu’on ne dise pas que la protection individuelle soit efficace en matière de santé : 50 millions d’Américains vivent sans couverture médicale et quatre Américains sur dix sont accueillis à l’hôpital public grâce au programme « Medicare ».
La situation des finances publiques est fonction des choix de politiques économique et sociale. Depuis plus de trente ans, les comptes de l’État sont en déficit, et les gardiens du temple de l’équilibre budgétaire sont loin d’être les derniers à creuser toujours plus ce déficit chronique.
Dans le même temps, les prélèvements obligatoires sont devenus plus injustes et moins lisibles. Plus injustes, car pour complaire aux marchés financiers, les gouvernements n’ont eu de cesse de baisser la contribution du capital au financement des missions publiques. L’effort contributif a pesé toujours plus sur la consommation et sur la rémunération du travail, comme en témoigne l’augmentation des prélèvements sociaux et de la TVA.
Moins lisibles, car les gouvernements ont multiplié les dérogations, allègements de cotisations sociales et autres niches fiscales. L’an prochain, le déficit atteindrait 52 milliards, auxquels s’ajouteraient les 8,6 milliards de déficit des comptes sociaux. Mais, au total, 85 milliards seront remboursés en dégrèvements divers ; des milliards et des milliards seront rétrocédés aux entreprises : les allègements de charges sociales atteindront 42 milliards, c’est 30 % de mieux que l’an passé ! Connaissez-vous d’autres dépenses publiques qui progressent de 30 % ?
Ces sommes considérables sont censées « favoriser la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat », mais le ralentissement de la croissance montre ce qu’il en est ! Plus on fiscalise la protection sociale, plus le déficit se creuse, malgré tous les efforts pour rogner la protection ; les dérogations et les niches fiscales prospèrent, et avec elles le déficit, malgré le malthusianisme envers la dépense publique !
Aujourd’hui, vous appelez encore les Français à plus d’efforts : au lieu de réhabiliter l’action publique, qui seule peut répondre aux besoins de nos compatriotes, vous persévérez dans l’austérité budgétaire et l’injustice sociale, avec en ligne de mire une construction européenne dont tout démontre qu’elle n’est pas adaptée aux nécessités du temps présent.
Justice sociale et fiscale, efficacité économique, réponse aux besoins sociaux : voilà les principes que nous défendrons dans ce débat, et qui devraient guider les politiques budgétaires !