Intervention lors de la journée d’étude des parlementaires communistes à Tremblay-en-France
La loi de finances 2007 se détermine dans un contexte marqué par quelques paramètres macroéconomiques.
S’agissant du contenu même de la loi de finances, nous en aurons les éléments définitifs lors du Conseil des Ministres du 20 septembre prochain.
Premier de ces paramètres : l’évolution de la situation économique et sociale.
L’année 2006 a été notamment marquée par un relèvement de la croissance, la perspective d’une croissance de 2 % n’étant pas à exclure pour l’ensemble de l’année.
Pour autant, les caractéristiques de cette croissance demeurent fragiles : elle dépend en effet beaucoup de la demande extérieure ( notamment des pays d’Asie ), l’économie américaine semble connaître ces dernières semaines un relatif essoufflement et, in fine, les entreprises françaises ont procédé, pour une bonne part, au renouvellement de leurs stocks.
Les éléments de la croissance, retenue de 2 à 2,5 % dans le cadrage de la loi de finances 2007, selon les hypothèses, sont donc fragiles, d’autant que la permanence des tensions sur le cours des matières premières ( et pas uniquement les matières premières énergétiques ) pèse sur les résultats du commerce extérieur et le potentiel réel de croissance du pays.
On observera donc que le niveau de croissance prévu en 2007 n’est pas particulièrement élevé ( 2 à 2,5 %, c’est un taux proche de la moyenne de la zone euro, faut il le rappeler ), assez éloigné des conditions d’une véritable reprise de l’activité économique, susceptible, à compter d’un taux de 3%, de générer suffisamment d’emplois durables pour réduire notamment le chômage.
Rappelons nous, par exemple, que le rebond de l’activité économique en 1976 ( il y a donc trente ans ) avait conduit à l’époque à une croissance du PIB de 2,7 %.
La situation de l’emploi, dont le Gouvernement tend ces derniers temps à se glorifier, n’est pas non plus particulièrement satisfaisante.
Si les chiffres du chômage traduisent une inflexion du nombre officiel des sans emploi, la réalité est sans doute plus contrastée.
Plusieurs points, que chacun connaît, sont à relever.
L’impact de la généralisation des emplois aidés n’est sans doute pas sans effet sur le niveau de sans emploi, et les dépenses de l’Etat demeurent donc largement sollicitées pour cette forme de correction statistique.
De même, la pratique systématique des radiations administratives de chômeurs participe sans doute de l’amélioration purement optique de la situation.
Mais de manière plus générale, comment ne pas rappeler que la situation de l’emploi s’améliorerait aussi du fait de la réduction de l’écart entre entrants et sortants du monde du travail, vu que les générations nombreuses de l’après guerre commencent, peu à peu, à faire valoir leurs droits à la retraite et sont remplacés par des classes d’âge moins nombreuses ?
Autre aspect que l’on ne peut oublier : les chiffres officiels du chômage ne portent que sur la catégorie 1 de demandeurs d’emploi, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi à la recherche d’un contrat à durée indéterminée et à temps plein, négligeant la demande émanant notamment des sans emploi à la recherche d’un emploi à temps partiel.
De fait, aux 2,3 millions de chômeurs officiels, il convient d’ajouter, tirés des autres catégories, plus d’un million et demi de personnes, ce qui situe le niveau réel de chômeurs près de quatre millions de personnes.
En somme, la politique gouvernementale n’a sans doute que peu d’effets sur la réalité de la situation de l’emploi si ce n’est au travers du financement de l’ensemble des mesures de contrats aidés ( même si on oublie de rémunérer les signataires de contrats d’avenir ) et l’aide aux entreprises, notamment au travers des exonérations de cotisations sociales.
Ce sont aujourd’hui plus de 22 milliards d’euros qui sont ainsi dépensés au titre des exonérations de cotisations sociales, auxquels il convient d’ajouter près de 3 milliards d’exonérations non compensées à la Sécurité Sociale ( ce qui creuse son déficit...).
Depuis 1993, ce sont ainsi plus de 130 milliards d’euros qui auront été engloutis dans cette politique d’allégement du coût du travail.
LES PRINCIPAUX CHOIX DE LA LOI DE FINANCES 2007 :
La loi de finances 2007 est, largement gagée par les mesures d’ores et déjà votées, notamment l’an dernier s’agissant de la réforme de l’impôt sur le revenu.
De fait, la plupart des mouvements financiers importants que l’on va constater sur la loi de finances sont induits par ce qui a été voté, et cela consomme une grande partie des marges budgétaires nouvelles découlant de l’hypothèse de croissance.
C’est ainsi le cas pour la taxe professionnelle, l’année 2007 étant celle de la pleine application de l’exonération temporaire des nouveaux investissements ou du nouveau plafonnement de la taxe au regard de la valeur ajoutée.
C’est bien entendu le cas de l’impôt sur le revenu, dont la réforme et le nouveau barème ont été votés en seconde partie de la loi de finances pour 2006 ou encore des mouvements portant sur la fiscalité du patrimoine et des successions, entre autres.
Les derniers arbitrages budgétaires devraient toutefois se situer autour de quelques points, dont la presse s’est fait l’écho.
Ainsi sont évoqués l’allégement ultime des cotisations sociales des entreprises au niveau du SMIC ( mesure qui devrait coûter 640 millions d’euros, tout en étant prise en charge par les comptes sociaux, moyennant sans doute un nouveau transfert de recettes fiscales encore aujourd’hui perçues par le budget général ), revalorisation de la prime pour l’emploi ( avec les travers que nous venons de constater pour les récipiendaires mensualisés ), instauration du chèque transport ( dont le coût devrait toutefois être proche de celui du ticket restaurant ), ou encore prime au logement des étudiants boursiers.
Encore convient il de noter que certaines de ces mesures font plus parler d’elles qu’elles n’ont de portée réelle, en termes financiers.
Pour ne prendre que la mesure sur le logement des étudiants boursiers, c’est d’un engagement de 24 millions d’euros dont il s’agit.
Quant à la prime pour l’emploi, elle devient de plus en plus un instrument confortant la politique d’incitation aux bas salaires menée conjointement par le Gouvernement et les entreprises.
Elle est une sorte de ‘ dommage collatéral ‘ de la politique d’allégement des cotisations sociales.
Le tout étant, évidemment, de parvenir à un niveau de déficit proche de celui de 2006, c’est-à-dire environ 47 milliards d’euros.
On notera que ce niveau de déficit est proche de celui constaté lors des derniers exercices budgétaires ( 43,9 milliards en 2004 ; 43,5 milliards en 2005 et 46,9 prévus en loi de finances initiale 2006 ).
Les choix gouvernementaux pourraient se réduire à ‘ tenir ‘ coûte que coûte le déficit, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Premier choix opéré par le Gouvernement, et rappelé lors du débat d’orientation budgétaire du printemps dernier : celui de la réduction de la dépense publique, puisque la progression des dépenses va être encadrée à 0,8 %, c’est-à-dire nettement en dessous de la croissance attendue et, même, de l’inflation, estimée à 1,8 % pour 2007.
Le résultat est que le niveau de dépenses engagé se situerait autour de 268,3 milliards d’euros, un grand nombre des missions budgétaires subissant de fait une réduction sensible de leur montant.
Les missions ‘ Agriculture’, ‘ Développement et régulation économiques ‘, ‘ Outre Mer ‘, ‘ Relations avec les collectivités territoriales ‘, ‘ Ville et logement ‘ ‘ Travail et emploi’ ou ‘ Transports ‘ connaissent ainsi une réduction sensible de leur montant.
Les seules missions dont la progression est sensible sont les missions ‘ Administration territoriale de l’Etat ‘, ‘ Justice ‘ ou encore ‘ Sécurité ‘.
De même, la mission ‘ régimes sociaux et de retraite ‘ progresse du fait de la croissance des besoins sur cette question...
Point d’orgue évidemment de cette politique de compression de la dépense publique : les suppressions de postes d’agents publics, pour 15 000 emplois budgétaires en 2007, la mission ‘ Enseignement scolaire ‘ n’étant pas la dernière mise à contribution en ces matières.
Ce qui ne retire rien à l’optimisme de De Robien sur la qualité de l’enseignement et le calme de la rentrée scolaire...
Certaines administrations connaîtront une fois encore une saignée importante d’effectifs, notamment du côté des services financiers qui doivent en être à quinze années ininterrompues de réductions d’emplois.
Les réductions d’effectifs affecteront donc quasiment toutes les administrations, à l’exception des priorités affichées de longue date en matière de justice ou de sécurité, dans le droit fil des lois d’orientation et de programmation votées sur ces questions.
NOTRE POSITIONNEMENT
Bien entendu, nous ne pouvons partager l’essentiel des choix exprimés par les orientations budgétaires et qui s’inscrivent dans le cadre plutôt étroit fixé par les choix européens, et notamment le pacte de stabilité.
La primauté d’ailleurs accordée à une affectation éventuelle des excédents budgétaires constatés à la réduction du déficit et de la dette publique est en soi, l’illustration des choix contestables opérés par le Gouvernement.
La question de la dette me semble donc devoir être au centre de nos préoccupations, de nos interventions.
La dette est en effet instrumentalisée depuis plusieurs années pour justifier des politiques budgétaires d’austérité , austérité allant de pair avec la poursuite des ‘ cadeaux fiscaux ‘ aux entreprises et aux particuliers les plus aisés.
Quelques données sur la dette
La dette publique négociable, fin juillet 2006, s’élève à 887 milliards d’euros environ, et sa durée de vie est fixée à sept ans et quinze jours en moyenne.
Le taux d’intérêt apparent de la dette se situe aux alentours des 4 % tandis que, s’agissant de la détention des titres constitutifs de la dette, elle s’effectue pour près de 59 % auprès de non résidents.
Cette notion est toutefois à manier avec précaution, une bonne partie des non résidents étant quelquefois des filiales de droit étranger d’établissements financiers d’origine française.
Relevons aussi, pour le segment des obligations, la nature juridique des détenteurs.
Sur ce segment, 52,5 % de l’encours des obligations sont détenus par des non résidents, avec les mêmes réserves que celles précédemment effectuées.
Sur le solde, 29,8 % sont détenus par des compagnies d’assurance, 7,7 % par des établissements de crédit, 8 % par des organismes collectifs de placement en valeurs mobilières dépendant d’ailleurs largement des deux catégories précédentes.
Le solde de l’encours est directement détenu par les ménages ( 0,8 % ), les entreprises ( 0,8 % ) et les administrations publiques elles mêmes ( 0,5 % ).
Le mode d’adjudication des émissions favorise naturellement ce type de distribution ( il faut être un particulier très informé des procédures pour souscrire directement...) mais montrent une des facettes essentielles du débat sur la dette : c’est qu’elle est détenue, par la voie de leur compagnie d’assurances ou de leur banque, par les Français eux-mêmes, notamment au rythme de l’alimentation de leur contrat d’assurance vie...
Sur la question de l’encours ramené à chacun des habitants de ce pays, d’aucuns l’évaluent à 17 000 euros par habitant.
Le chiffre paraît énorme ( c’est tout de même un an et demi de SMIC...) mais il est contestable parce qu’il néglige singulièrement les actifs constitués par la Nation, dans son ensemble, notamment au travers du développement des infrastructures publiques et doit être relativisé au regard du vécu même de la population.
Ainsi, un ménage de quatre personnes se rendant propriétaire de son pavillon à 91 000 euros de valeur unitaire moyenne s’endette d’un montant supérieur, pour peu qu’il soit dépourvu d’apport personnel...
De fait, le choix opéré ( celui de la réduction du déficit et donc de la dette avec l’utilisation des plus values fiscales ) est un choix destiné à alimenter la rente plutôt que les dépenses utiles à la population et au pays.
La réduction des déficits ne s’accompagne pas nécessairement de celle des inégalités sociales.
Mais le service de la dette assure un pouvoir d’achat non négligeable aux détenteurs, les 4,6 points de taux moyen étant largement supérieurs au niveau constaté de la hausse des prix...
Le Gouvernement, mais pas seulement lui, instrumentalise la dette, le déficit budgétaire. La campagne sur les ‘ caisses vides ‘ est significative du combat politique. Il est indispensable de faire partager à nos concitoyens le fait que cette dette est le résultat, également, de la réalisation d’un patrimoine appartenant à la Nation toute entière.
En fait, cette argumentation des caisses vides n’a qu’un objectif : alimenter le fait que l’on ne puisse rendre plus de services publics, le budget étant exsangue.
Sur les choix fiscaux, nous devons réaffirmer, une fois encore, la nécessité d’une réforme fiscale à hauteur des besoins.
Depuis 2002, ce sont en effet d’abord et avant tout les entreprises et les particuliers les plus aisés qui ont tiré parti des différentes mesures prises, et souvent pour des montants significatifs.
Les trois piliers essentiels de notre fiscalité ( impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, imposition des patrimoines ) doivent faire l’objet d’un travail spécifique, visant en particulier à leur restituer justice fiscale et efficacité économique.
Cette démarche conduirait naturellement à accroître le produit de ces différents impôts et à réfléchir et agir sereinement sur la fiscalité indirecte, dont souffrent lourdement les ménages les plus modestes et les entreprises les moins intégrées au processus de globalisation économique.
Cette problématique est d’autant plus importante que d’aucuns souhaitent pousser la TVA au maximum autorisé ( c’est à dire 25 % ) pour alléger encore les cotisations sociales des entreprises.
La même démarche vaut évidemment pour l’indispensable réforme de la fiscalité directe locale, et notamment pour les ménages en ce qui concerne la taxe d’habitation et les taxes foncières.
Elle est au centre de nos initiatives, menées avec l’Association Nationale des Elus Communistes et Républicains, sur la question essentielle de la taxation des actifs financiers au titre de la taxe professionnelle, levier d’une plus grande efficacité économique et d’un traitement plus égal des entreprises devant l’impôt local.
A défaut de réformer complètement ces impôts ( ce qui ne peut être que l’objectif d’une législature ), nous devons donner des indications dans ce sens, au travers de nos amendements de première partie, notamment, revenant sur le contenu de la réforme de l’impôt sur le revenu, sur l’architecture de l’impôt sur les sociétés, celle de l’imposition des patrimoines ( ISF tout comme droits de succession et de mutation ), et la fiscalité locale.
L’enjeu politique spécifique du budget 2007 ( rien ne nous disant que la majorité parlementaire qui le votera sera celle qui le mettra finalement en œuvre ) appelle naturellement à cette démarche de propositions.