Prélèvements obligatoires

Publié le 8 novembre 2007 à 10:18 Mise à jour le 8 avril 2015

Ce débat rituel prend un relief tout particulier aujourd’hui, alors que débute une nouvelle législature que d’aucuns voudraient porteuse de réformes essentielles pour notre pays. En réalité, il s’agit surtout de démonter ce qui constituait, depuis la Libération, le socle de la société française...

Beaucoup estiment que le niveau des prélèvements obligatoires est aujourd’hui intolérable, à plus de 44 % du produit intérieur brut marchand. Pourtant, leur progression a été relativement faible, puisqu’ils représentaient déjà 41 % du PIB en 1982. Cette hausse, somme toute mesurée, n’est imputable qu’à la progression des prélèvements sociaux, passés dans la même période de 44 à 50 % du total. Ce dynamisme doit beaucoup à l’émergence d’une fiscalité dédiée, dans le droit fil de la contribution sociale généralisée, aujourd’hui principal impôt sur le revenu.

La part des prélèvements perçus au profit des collectivités locales, qui représente 13 % du total, est également relativement dynamique. La décentralisation a constitué un puissant accélérateur de la pression fiscale locale.

Avec la fiscalisation de la protection sociale, MM. Marini et Arthuis nous incitant à franchir le dernier pas, la participation de l’État se réduit à mesure qu’il abandonne ses compétences.

Reste que les besoins de financement de l’État sont aujourd’hui plus importants qu’ils ne l’étaient en 1982, époque qui en comparaison pourrait presque nous faire regretter les délices de l’inflation, qui allaient de pair avec un taux de chômage et de précarité plus faible qu’aujourd’hui.

Le niveau de l’investissement public porté par l’État n’a jamais été aussi bas, ce que ne saurait masquer la réduction relative des déficits budgétaires d’aujourd’hui. Vous n’avez, lors de la précédente législature, voté aucune loi de finances initiale, aucun collectif budgétaire, aucune loi de règlement enregistrant un déficit budgétaire inférieur à l’effort d’investissement de l’État. L’investissement public est même passé, en 2006, sous la barre des 4 % de dépenses du budget général !

La question de l’efficacité de notre système de prélèvements est consubstantielle à celle de sa lisibilité, donc de sa transparence. Ces vingt-cinq dernières années ont vu la baisse régulière de la contribution des entreprises, sous toutes ses formes, au financement de l’action publique. Qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés, de la sécurité sociale, de la taxe professionnelle, elles ont été, au nom de l’encouragement fiscal à la compétitivité, très largement dédouanées de toute obligation. Pour complaire aux attentes du Medef, bien des mesures ont été prises, depuis 1982, qui ont modifié durablement les équilibres d’alors. Le taux d’une bonne part des prélèvements que nous connaissons encore aujourd’hui, comme celui de la TVA majorée ou de maintes taxes sur la consommation, reste élevé au seul motif qu’il faut compenser les moins values dues aux allégements fiscaux et sociaux ! Combien de nos collègues prompts à s’insurger contre une taxation prétendument élevée du capital n’ont jamais dénoncé notre taux normal de TVA, l’un des plus élevés d’Europe !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il est de 25 % au Danemark, sous un gouvernement social démocrate !

M. Guy Fischer. - Depuis un an.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Non, depuis 1987 !

M. Guy Fischer. - Cette évolution fondamentale de l’équilibre de nos prélèvements obligatoires va de pair avec la multiplication foisonnante des niches fiscales et sociales, toujours plus nombreuses chaque année.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument ! C’est la mauvaise herbe fiscale !

M. Guy Fischer. - Vous en êtes le jardinier !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il y en aurait plus encore si l’on vous laissait faire !

M. Guy Fischer. - Je sais gré à M. Vasselle d’avoir souligné, dans son rapport d’information, que nombre de revenus ne sont aucunement concernés par les prélèvements sociaux. Le pactole des stock-options et autres parachutes dorés dont bénéficie une infime minorité de hauts cadres de l’industrie et des affaires est d’autant plus généreux qu’il déroge au droit commun de la contribution au financement de la sécurité sociale. Même remarque pour l’impôt sur le revenu : la multiplication des prélèvements libératoires et autres traitements de faveur accordés aux revenus du capital et du patrimoine fait supporter l’essentiel de l’effort aux salariés modestes, déjà largement mis à contribution en matière de prélèvements sociaux !

Avant que de réfléchir au devenir de nos prélèvements obligatoires, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur la pertinence de l’existant, luxuriante végétation d’exceptions au droit commun faite pour abriter les privilèges de la fortune ! La fiscalité incitative, monsieur le rapporteur général ? Elle existe bel et bien, quand les placements en assurance-vie sont exonérés de droits de succession et que leurs plus values sont destinées à être, à l’échéance de 2014, totalement exonérées ! Mais ces cadeaux faits à quelques ménages fortunés et à quelques grands groupes, sont facturés en retour à la grande majorité des retraités, des salariés, des commerçants et artisans ou des PME.

On nous annonce une révision générale des prélèvements obligatoires, qui va de pair avec une révision des politiques publiques. En juin dernier, au détour d’une soirée électorale, un ministre des finances s’était laissé allé à parler de la TVA dite sociale comme d’un horizon désirable. Le même ministre, investi de nouvelles fonctions, semble avoir gardé le même cap : les conclusions du récent Grenelle de l’environnement en font foi. Suffira-t-il de teindre en vert les habits passablement défraîchis de la TVA sociale ? Une querelle continue pourtant d’opposer, sur cette question, les élus de la majorité. On parle de taxe carbone, de taxe sur les voitures polluantes, feignant ainsi d’oublier que la fiscalité sur les produits pétroliers pourrait contribuer à un développement économique plus respectueux de l’environnement. Les prélèvements obligatoires n’auraient donc de vertu que lorsqu’ils frappent les salaires et la consommation ?

C’est d’un système de prélèvements obligatoires cohérent, juste et efficace et pérenne dont nous avons besoin. Et nous sommes très loin du compte ! Tous les revenus, quelle que soit leur nature, doivent contribuer au financement de la protection sociale comme de l’action de l’État ! Nous devons nous poser la question de la pertinence des compétences respectives de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales dans la dépense publique ! La solidarité nationale, l’aide aux plus démunis, la couverture du risque dépendance doivent être pleinement du ressort de la sécurité sociale. Il faut revoir l’assiette des prélèvements fiscaux locaux, et notamment de la taxe professionnelle -mais ne vais-je pas là à contrecourant, quand on en prône la suppression-, pour les rendre plus opératoires et socialement efficaces.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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