On peut partager le souci du législateur européen de faciliter la transparence des opérations menées sur les marchés financiers de l’Union d’autant plus que la place de Paris, associée dans Euronext à d’autres places étrangères, a vocation à jouer, sur le marché des capitaux, un rôle pivot dans les années à venir.
Les investisseurs, notamment les personnes physiques, ayant sans doute besoin d’être rassurés, il importe de leur présenter un marché, transparent, aux règles claires et vertueusement régulé. Au moment où l’on propose des plans de retraite par capitalisation, où l’on offre en pâture aux marchés certains des joyaux de la propriété publique, on peut vouloir s’assurer de la qualité du fonctionnement du marché boursier.
Mais cette volonté de transparence résulte aussi de la conception toute particulière de la construction européenne, aujourd’hui objet de controverse publique.
Prenons quelques exemples, cueillis de-ci, de-là, dans le texte du traité constitutionnel européen...
M. MARINI, rapporteur. - Ce n’est pas ce traité qui est aujourd’hui en débat !
M. FOUCAUD. - Selon l’article I-4 : « La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement, sont garanties par l’Union et à l’intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution ». Mais c’est évidemment dans la partie III que se trouvent les dispositions essentielles. Ainsi, l’article III-156 stipule : « Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ».
M. MARINI, rapporteur. - Ce n’est pas nouveau !
Mme BRICQ. - C’est le premier traité de Rome !
M. FOUCAUD. - Cependant la théorie européenne est plus précisément fixée par l’article III-158... Je vous en fais grâce.
L’objectif général, c’est-à- dire la libre circulation des capitaux, posera quelques problèmes d’application... De même la mise en œuvre des principes de libre établissement comme de libre prestation de services n’ira pas sans poser d’autres problèmes. Rappelons les termes de l’article III-144 - fondement de la directive Bolkestein, ne l’oublions pas : « Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. La loi ou loi-cadre européenne peut étendre le bénéfice de la présente sous- section aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union ».
Quant à l’article III-145, il stipule, pour sa part : « Aux fins de la Constitution, sont considérées comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.
Les services comprennent notamment :
a) des activités à caractère industriel ;
b) des activités à caractère commercial ;
c) des activités artisanales ;
d) les activités des professions libérales.
Sans préjudice de la sous-section 2 relative à la liberté d’établissement, le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’État membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet État impose à ses propres ressortissants.
C’est donc avec cet arrière plan que se discute le présent texte. Les marchés financiers européens sont appelés à connaître des évolutions sensibles dans les années à venir, avec l’entrée en lice de certains opérateurs venus de pays tiers - on pense évidemment aux fonds américains - et la poursuite des grandes manœuvres capitalistiques dont certaines batailles boursières récentes sont la meilleure démonstration. La dernière année a été marquée par la fusion Aventis-Sanofi dans l’industrie pharmaceutique.
M. MARINI, rapporteur. - On peut s’en réjouir.
M. FOUCAUD. - Certains dossiers récents, comme celui de Gecina dans l’immobilier ou de Rhodia dans le secteur de la chimie posent d’incontestables problèmes de transparence.
Ce texte répond-il à cette volonté affichée de transparence ? On peut émettre quelques doutes - avant que d’émettre des ordres de vente ou d’achat - et même se demander s’il n’est pas de la nature des marchés financiers de n’être guidés que par une compétition permanente entre celui qui détient l’information la plus fiable et la plus précoce et celui qui ne la détient pas.
De plus, le présent texte entérine, qu’on le veuille ou non, le principe d’une autorégulation des marchés financiers, via les prérogatives de l’autorité des marchés financiers, ce qui pose, encore une fois, la question de la place de l’intervention publique en matière de sécurité des marchés.
Nous ne pouvons évidemment voter ce texte.