Loi de finances rectificative pour 2006

Publié le 18 décembre 2006 à 11:05 Mise à jour le 8 avril 2015

Première interrogation fondamentale de ce débat, la réalité de l’équilibre budgétaire. Avec une hausse de 2,8 milliards en valeur nette de son produit, l’impôt sur les sociétés est la recette la plus dynamique du collectif et de l’exécution budgétaire 2006, bien au-delà des effets - estimés à 500 millions - des modalités de versement des acomptes.

D’où viennent cette progression des recettes et cette croissance de la rentabilité financière des entreprises ? En grande partie de la compression des salaires consécutive à la modération salariale et à la politique des bas salaires, de la stagnation de l’investissement, des politiques de sous-traitance, de l’affectation des gains de productivité à la rémunération du capital, de l’allégement des cotisations sociales ou de la taxe professionnelle.

Cela pourra vous surprendre, mais nous ne pensons pas que cette progression du produit de l’impôt sur les sociétés soit une bonne chose pour l’économie et l’emploi, car la richesse créée par le travail est mal utilisée et mal répartie.

L’impôt sur le revenu a encore gagné en volume net cette année, et il convient de se demander quels sont les revenus qui sont à la source de cette progression. Le dynamisme des revenus boursiers, lié à l’inexorable progression du CAC40 déconnectée de la croissance réelle, l’explosion du rendement des cessions d’actifs et des plus-values, la hausse des loyers du secteur libre, sont sans doute les éléments moteurs de cette progression, bien plus que la hausse des salaires !

Ces résultats traduisent l’accroissement des inégalités de revenus dans notre pays. J’en veux pour preuve l’exceptionnelle progression du produit de l’impôt de solidarité sur la fortune (I.S.F.), en hausse de 408 millions, soit 12,6 % de mieux que prévu ! La valorisation des patrimoines immobiliers et mobiliers, l’extension du nombre des contribuables, voilà qui ne fait que traduire l’enrichissement des plus fortunés. Depuis la loi de finances 2003, le produit de l’I.S.F. aura ainsi progressé de 50 % !

Le montant des dépenses nettes prévu par l’article d’équilibre s’établit à 269,3 milliards, soit 3 milliards de plus que le montant initial. Cette hausse est neutralisée par l’opération menée sur le compte spécial pensions, les ouvertures et les annulations par ailleurs s’annulant les unes les autres.

Comme d’habitude, les décrets d’annulation et d’ouverture de crédits utilisent toutes les ficelles de la gestion budgétaire : gestion au mois le mois des effectifs budgétaires, en jouant sur le retard des nominations ; persistance de dettes non remboursées à la sécurité sociale - 680 millions pour la seule aide médicale d’État (A.M.E.) ; économies de constatation qui traduisent en fait des choix politiques pour le moins discutables. À peine créée l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances se trouve amputée de 42 millions d’euros, au motif contestable qu’il y aurait moins de demandes d’asile à traiter que l’an dernier ! En réalité, ce fameux guichet unique sert surtout à l’État pour ses fins de mois difficiles...

Pour le reste, les dépenses de personnel, de fonctionnement et d’intervention de l’État sont au régime sec, mettant parfois en cause le sens même de l’action publique.

De plus en plus, la dépense fiscale se substitue aux dépenses budgétaires directes, et vous accentuez le transfert de recettes fiscales et de charges dans le cadre de la décentralisation.

C’est masquer la réalité d’une politique entièrement tournée vers les marchés financiers et les plus aisés, qui estiment payer « trop d’impôts », alors que le plus grand nombre subit les coupes claires dans les budgets sociaux, la réduction des moyens de l’enseignement et de la formation des jeunes, la disparition des aides publiques au logement social ou à l’accession sociale à la propriété. Nous prêtons d’abord l’attention à cette France-là, et nous ne voterons évidemment pas ce collectif.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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