Loi de finances rectificative pour 2004 : question préalable

Publié le 17 décembre 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Thierry Foucaud

Ce collectif est l’occasion d’établir un bilan après 30 mois de politique libérale et d’examiner l’exécution budgétaire en 2004. Il est utile de comparer l’exécution budgétaire de 1999 et 2004, dont les conditions ont été très proches.

M. COPÉ, ministre délégué. - Mais pas la croissance !

M. FOUCAUD. - Elle était en rythme annuel de 2,7 %, contre 2,5 % aujourd’hui, selon M. Gaymard. Les prix augmentaient de 0,5 point, contre 2,1 points fin 2004 : c’est contre la consommation. M. Sarkozy ne se félicitait-il pourtant pas d’un succès historique pour avoir convaincu la grande distribution d’amoindrir les marges arrières ? En attendant, les traitements de la fonction publique stagnent : 0,5 % de progrès cette année, selon l’I.N.S.E.E. !

M. CHARASSE. - Est-ce mieux dans le privé ?

M. FOUCAUD. - Une part toujours plus grande des recettes fiscales sert à soutenir la sous-rémunération dans le privé, où les compétences ne sont pas reconnues. En 1999, le pouvoir d’achat gagnait 2,8 % - entre 1998 et 2002, il a gagné 2,8 % l’an, c’est la plus forte et la plus longue hausse depuis 25 ans -, et la consommation progressait de 3,2 %. En 2004, la consommation a progressé de 2,4 % et le pouvoir d’achat de 1,5 %. Encore ces chiffres sont-ils des moyennes : le pouvoir d’achat progresse plus vite pour les ménages aisés.

L’investissement progressait de 8,2 % en 1999, puis de 10,2 % en 2000, mais seulement de 2,5 % en 2004 et l’INSEE table sur un recul de 3 % l’an prochain. Quant au taux de chômage, passé de 11,2 % à 9,8 % de 1999 à 2000 - soit une baisse de 13 %, mais de 20 % pour le chômage des jeunes -, il stagne depuis un an, aux alentours de 10 % et le chômage des jeunes a même progressé de 2,4 %, au gré de la liquidation des emplois jeunes et de l’inefficacité des dispositifs par lesquels vous les remplacez.

L’exclusion gagne du terrain : en 1999, pour la première fois, le nombre de RMistes diminuait, il a progressé de 5 % en 2003, pour atteindre 1 million - selon le ministère de l’Emploi, il progresse même de 10 % entre 2001 et 2004.

Voilà le résultat de la politique libérale !

Dans le même temps, les comptes publics passent au rouge. En 1999, pour la première fois depuis 20 ans, le solde des comptes publics était positif, permettant de ramener la dette de 57,3 à 56,8 % du P.I.B. Inversement, elle est passée de 58,8 % fin 2002 à 65 % l’an prochain !

L’exécution du budget 2004 est bien meilleure que prévu par la loi de finances initiale. Cependant, la croissance ne profite à personne : pourquoi ? Parce que le gouvernement ne tire aucun parti de son retour.

À vous croire, pour soutenir la croissance, il faudrait alléger les prélèvements sur les ménages les plus aisés et les contraintes sur les entreprises. Or, les baisses d’impôts ciblées n’ont pas relancé la consommation. Elles ne masquent en rien la hausse des prélèvements sociaux sur les salaires et pensions, celle des tarifs publics, la dégradation des services publics et les charges nouvelles transférées sans compensation aux collectivités locales.

La croissance en 2004 aura été un peu supérieure à ce qui était prévu. Mais le ralentissement actuel démontre le peu de réalisme des hypothèses retenues pour l’an prochain. La croissance est molle, le déficit de l’État passe de 3,7 à 3,2 % du P.I.B., grâce aux rentrées fiscales supplémentaires, mais le déficit public est stable, à cause de la dégradation des comptes sociaux.

Ce petit moins sur le déficit de l’État, c’est un petit plus sur le déficit des comptes sociaux. Le déficit de 0,5 % du P.I.B. affiché pour la sécurité sociale est devenu 0,8 %.

M. MARINI, rapporteur général. - Il fallait donc la réformer ?

Mme BRICQ. - Je ne qualifierai pas ce que vous avez fait de réforme !

M. FOUCAUD. - Il fallait réformer, oui, mais autrement, nous l’avons dit. Le déficit du régime général se dégrade encore : 11 milliards et demi d’euros, soit plus du triple de celui que nous enregistrions en 2002, ainsi que le constate la Cour des comptes, qui relève qu’il s’agit de la plus forte dégradation financière de l’histoire de la sécurité sociale.

Comme pour toutes les lois de finances depuis plusieurs années déjà, l’exécution 2004 a été marquée par la régulation budgétaire : 3 milliards de crédits ont été gelés et reportés, dont 46 % - 1,3 milliard - représentent des dépenses d’investissement. Le reste porte sur une part importante de crédits d’intervention, notamment consacrés à l’emploi, tandis que les moyens de fonctionnement ne sont que très marginalement concernés. Les ministères les plus durement touchés sont ceux du Travail - pour 634 millions -, de l’Intérieur - 507 millions -, des Transports - 313 millions.

M. MARINI, rapporteur général. - Il aurait donc fallu accroître le déficit ?

M. FOUCAUD. - Monsieur le Rapporteur général, quelles que soient les politiques que vous avez menées depuis plusieurs années, il est une chose que vous n’avez jamais entrepris de réduire, ce sont les inégalités sociales. C’est au contraire notre souci, et c’est pourquoi nous estimons que les fruits de la croissance devraient être utilisés autrement.

M. MARINI, rapporteur général. - Je comprends votre logique !

M. FOUCAUD. - Le traitement réservé aux ministères que j’évoquais vient donc contredire frontalement le discours du Président de la République sur les prétendues priorités du gouvernement pour 2004. Mais qui s’en souvient ? Même la recherche n’est pas épargnée puisque ce sont au moins 25 millions de crédits qui ont été gelés sur des chapitres inclus dans le budget civil de recherche et de développement.

Malgré cette rigueur sur les dépenses, le déficit de l’État a continué de croître, passant de 34,4 milliards d’euros en 2001 à 61,6 milliards en 2003. La véritable cause de l’explosion du déficit n’est pas la dépense publique, mais l’effondrement des recettes lié à l’atonie de la croissance.

L’amélioration à laquelle laisse croire ce texte n’est que tout à fait provisoire. Car ni les choix en matière fiscale, ni la pratique budgétaire et l’exécution des dépenses ne viennent modifier les orientations d’une politique que les Français ont maintes fois condamnée, parce qu’elle ne répond pas à leurs attentes en matière d’emploi, de logement, de lutte contre les exclusions et les discriminations. Nous incitons donc le Sénat à adopter cette motion opposant la question préalable à la discussion de ce collectif budgétaire.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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