Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Nous voici, dans des conditions qui sont loin d’être favorables, parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative.
Nous pourrions, dans un premier temps, féliciter la célérité des services de la Commission des Finances de notre Haute Assemblée.
En effet, nous avons disposé, dans des délais très courts, du rapport de notre Rapporteur Général, alors que le rapport de l’Assemblée Nationale n’a toujours pas été mis en distribution sous un format papier, près de deux semaines après l’examen du texte par le Palais Bourbon.
Mais , comme d’habitude, cependant, les conditions de la discussion de ce collectif de fin d’année ont été loin d’être idéales.
Une fois encore, le texte que nous avons examiné présente toutes les caractéristiques de l’inventaire hétéroclite de mesures diverses et variées, sans lien affirmé les unes avec les autres, si ce n’est, bien entendu, leurs incidences financières sur les comptes publics.
On a ainsi, au détour de ce texte, parlé de la recherche agricole, de l’intercommunalité, de l’action sociale de l’Etat, de l’archéologie préventive, du devenir de quelques unes de nos entreprises industrielles majeures ou encore du développement de notre industrie cinématographique ou de la chanson francophone.
Inventaire à la Prévert, en apparence donc.
Mais quelques lignes de forces apparaissent néanmoins assez clairement dans le cadre de cette discussion.
Première conclusion : les lois de finances initiales n’ont décidément plus qu’une valeur purement indicative.
Ce sont en effet de telles sommes qui sont gelées puis annulées au fil de l’exécution budgétaire que l’on peut se demander à quoi cela peut rimer de discuter d’une loi de finances initiale.
Les chiffres parlent d’eux mêmes et je les rappelle, m’étonnant d’ailleurs qu’ils ne figurent pas dans le rapport général.
Les mesures nouvelles des services civils, comprises dans la loi de finances 2003, s’élevaient à 1 107 366 799 euros au titre III.
Au titre IV ( Interventions publiques ), ces mesures nouvelles s’élevaient à 896 376 575 euros.
Les dépenses en capital du titre V se montaient à 3 912 638 000 euros et à 12 094 013 000 euros au titre VI.
Les annulations validées par le présent projet de loi de finances rectificative s’élèvent respectivement à 852,31 millions pour le titre III ( soit 77 % des mesures nouvelles ) et à 1 136,82 millions d’euros pour le titre IV ( soit l’équivalent de 127 % des mesures nouvelles ).
Quant aux ponctions opérées sur les dépenses en capital, elles s’élèvent respectivement à 932 millions sur le titre V et à 1 257 millions sur le titre VI, soit plus du quart des mesures nouvelles dans un cas et plus du dixième dans l’autre.
En quelque sorte, après le gel des crédits effectué l’hiver, on est confronté à leur fonte, une fois le printemps venu ( le premier décret d’annulation datant du 14 mars 2003 ).
Seconde conclusion : la dégradation de la situation économique du pays qui se manifeste notamment dans un taux de croissance particulièrement faible n’empêche pas le Gouvernement de prolonger sa politique de cadeaux fiscaux aux détenteurs des revenus les plus importants et aux entreprises.
Nous en avons quelques exemples encore dans le présent projet de collectif avec la transposition des directives européennes sur l’épargne , qui ne vont sans doute pas remettre en question les mauvaises habitudes des spéculateurs, ou les mesures d’adaptation de notre fiscalité relative aux zones franches urbaines.
Mais le plus bel exemple de cette orientation globale des choix gouvernementaux est sans doute fourni par deux mesures assez nettement emblématiques.
On peut être étranger en France et vouloir y résider, mais à condition d’y être en bonne santé.
En effet, si l’on est cadre dirigeant d’une entreprise multinationale américaine, on pourra demain s’accorder avec son employeur pour bénéficier de conditions extrêmement favorables d’entrée sur le territoire hexagonal.
On pourra en particulier faire admettre comme logique une déduction large des compensations liées au déménagement, à la scolarisation de ses enfants, etc, etc...
Si par contre, on a eu le mauvais goût de venir d’un pays dit en voie de développement et d’être atteint d’une maladie grave au traitement coûteux, inaccessible dans son pays d’origine, il n’en sera pas de même et il faudra sans aucun doute patienter pendant plusieurs mois pour pouvoir disposer enfin d’une prise en charge des soins.
C’est pourtant ce genre de paradoxe qui est contenu dans ce collectif budgétaire.
On pourrait dire, comme le fabuliste jadis, ’ selon que vous serez puissant ou misérable ’, mais le fait est que présenter, dans un même texte, un article 17 favorisant l’attractivité du territoire français pour les cadres très très supérieurs des entreprises étrangères et un article 49 mettant en cause l’exercice du droit à l’aide médicale d’urgence et d’Etat pour les étrangers en situation précaire est une coïncidence troublante.
En tout cas, ce collectif budgétaire n’est pas tout à fait un simple texte ’ voiture balai ’ de dispositions diverses et variées, qui tendraient à solder les comptes mal en point d’un budget impossible à mettre en œuvre.
Il est l’expression d’une volonté politique affichée de ce Gouvernement de prolonger encore ses choix purement idéologiques, signe d’une incapacité notoire à entendre ce que le pays veut dire.
Le budget 2003, tel que rectifié par ce collectif, et tel qu’amendé par le Sénat ( dont l’apport au contenu de ce projet de loi n’est décidément pas vraiment remarquable ), ne peut être voté par notre Groupe.
D’autres choix, d’autres orientations, prenant mieux en compte les attentes de la population, peuvent et doivent être prises.
Nous ne voterons donc pas ce projet de loi de finances rectificative 2003.