Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Quelques chiffres tout à fait récents suffisent, s’il en était besoin, à montrer que le projet de loi de finances est manifestement entaché d’approximations douloureuses ;
Après la croissance nulle du troisième trimestre, voici en effet que l’INSEE annonce la production industrielle en baisse au mois d’octobre d’un dixième de point, ce qui ne laisse pas augurer d’un résultat florissant pour l’exercice 2006 et place 2007 sous de sombres auspices.
Dans le même temps, comme si cela ne suffisait pas, voici que M. Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne, met en œuvre une nouvelle hausse des taux directeurs de son organisme, au motif qu’il conviendrait de mettre le frein sur l’endettement des ménages comme des entreprises de la zone euro, et singulièrement de la France.
Bien des tendances lourdes de la situation économique sont donc inscrites pour ne pas contribuer à l’amélioration de la situation économique et mettent, de fait, directement en cause le ‘ cadrage ‘ économique dans lequel cette loi de finances de pur affichage électoral a été définie et au nom duquel elle a été défendue.
D’autres éléments de mesure de la situation nous ont été révélés, au fil de la discussion, sur la situation réelle du pays.
Ainsi, plus de 9 millions de salariés perçoivent aujourd’hui une part de la prime pour l’emploi, et ce pourcentage dépasse 50 % des salariés dans 17 départements métropolitains et 45 % dans une trentaine d’autres.
Cette situation atteste de la faiblesse de la rémunération du travail salarié, faiblesse encouragée par la modération salariale que les entreprises ont pu imposer en gage de la réduction et de l’aménagement du temps de travail.
C’est d’ailleurs cette modération salariale qui est à la base de l’essoufflement de la consommation des ménages, ménages de plus en plus endettés, après la disparition, entre autres, de tout véritable dispositif incitatif à l’accession à la propriété du logement.
Cette loi de finances est l’occasion pour nous de mettre en évidence les résultats de l’ensemble de la législature, une grande part des mouvements affectant les recettes comme les dépenses de l’Etat pour 2007 étant contenue dans les dispositions antérieurement votées.
Ainsi de la réforme de l’impôt sur le revenu dont on sait largement qu’elle ne va réellement profiter qu’aux revenus les plus élevés qui vont pouvoir, grâce notamment à la disparition de l’abattement de 20 %, tirer pleinement parti du nouveau barème allégé de l’impôt.
Et bien entendu, pour faire bonne mesure, il se trouve encore des parlementaires dans cette Assemblée pour en rajouter.
Comparez, mes chers collègues, le coût de l’ensemble des dispositifs incitatifs aux placements financiers, à la gestion de patrimoine, aux successions au regard de ceux portant sur les traitements, salaires et pensions...
En presque dix ans le SMIC a été doublé. Les dividendes, quant à eux, ont été multipliés par 9.
Comparez les montants en jeu, le nombre des bénéficiaires et l’efficacité sociale et économique de l’ensemble de ces mesures.
C’est ainsi que depuis 5 ans, le budget sert à déplacer l’argent public en direction de la sphère privée.
Ainsi, outre le report des déficits, les revenus fonciers ( 24 milliards d’euros de revenu déclaré en 2004 ) bénéficient ils d’allégements fiscaux pour 1,7 milliard d’euros !
Ainsi, les revenus de capitaux mobiliers ( 19,9 milliards d’euros de revenus déclarés en 2004 ) bénéficient ils de plus de 7 milliards d’euros d’allégements fiscaux divers !
Ainsi, les plus values des particuliers, qui représentent un revenu de 10,5 milliards d’euros déclarés, outre le régime particulier d’imposition à 27 % cotisations sociales comprises, tirent également parti de dispositifs d’allégement pour plus d’1,8 milliard d’euros !
Sur ces trois domaines de fiscalité des personnes, ce sont finalement plus de 10 milliards d’euros que l’Etat s’autorise à ne pas percevoir, sans doute pour encourager l’épargne...
Mais à qui, encore une fois, profitent ces dispositifs, sinon à ceux qui ont précisément la possibilité de constituer une épargne conséquente, c’est-à-dire les plus riches, les 400 000 foyers dont la situation retient depuis le début de la législature l’attention prioritaire du Gouvernement et de sa majorité ?
Ce choix de classe, cette solidarité nationale à l’envers, des plus pauvres ( qui sont les plus nombreux ) vers les plus riches, nous ne l’acceptons pas plus cette année que nous ne l’avons accepté lors de la discussion des précédentes lois de finances.
Et tout cela pour quels résultats ?
Une législature aura suffi pour que l’endettement public, malgré la vente à l’encan de nombre d’entreprises publiques (voyez les sociétés autoroutières, voyez Safran, voyez EADS ! ), connaisse une nouvelle explosion de 250 milliards de plus sur lesquels pèsent évidemment les intérêts correspondants.
Sur la dette d’ailleurs, vous l’avez augmentée de 8 points selon la Cour des comptes, et ensuite vous vous exclamez de son montant. Mais pourquoi et pour qui a-t-elle augmenté ? Car les inégalités sociales n’ont pas diminué. A qui profitent-elles ? Et il est bon de le rappeler, la dette nette de la France est inférieure à celle des pays de l’OCDE et de la zone euro.
Une législature aura suffi pour qu’à la place d’un renforcement des capacités productrices et créatrices de notre économie, nous ne constations une fois encore la réduction de l’investissement des entreprises, strictement limité au renouvellement des matériels et à la substitution des machines à l’emploi salarié...
Des milliers d’emplois industriels auront disparu en cinq ans ( plus de 265 000 au total, une véritable hémorragie ! ) affaiblissant la situation économique du pays et la rendant de plus en plus dépendante de l’extérieur.
De la même manière, nous aurons connu une dégradation du solde de nos échanges commerciaux extérieurs.
La situation du commerce extérieur français est déficitaire de 19,9 milliards d’euros depuis le début de l’année, en hausse de 5 milliards sur l’année 2005, qui n’était déjà pas brillante.
Et cette situation découle d’ailleurs de la persistance d’un déficit avec les pays de la zone euro, principal motif d’inquiétude, au-delà de la conjecture sur les prix du pétrole qui renchérit nos importations énergétiques en provenance du Moyen Orient.
C’est bel et bien une France affaiblie que vous laissez au terme de la législature, devant nos yeux et devant les Françaises et Français appelés au printemps prochain à faire valoir leur droit au suffrage universel pour déterminer de la politique des cinq ans à venir.
Injustice fiscale, prenant la suite des injustices sociales de plus en plus intolérables que subit la grande majorité des habitants de notre pays ; inefficacité économique, argent public jeté par les fenêtres pour permettre à quelques uns de s’enrichir ou à quelques entreprises de poursuivre leurs objectifs de rentabilité, voilà le triste bilan que vous pouvez présenter en cette fin 2006 et qui imprègne cette loi de finances 2007.
Une autre politique est, plus que jamais, peut être, nécessaire pour répondre, enfin, aux attentes de la population, pour rétablir l’égalité et l’équité fiscales, pour œuvrer, avec l’argent public, pour une véritable croissance saine, porteuse de richesses, d’emplois et respectueuse de l’environnement.
Le développement durable n’est pas contenu dans la logique de privatisation et de marchandisation de l’ensemble de la sphère publique que vous avez mené depuis 2002, pas plus qu’il ne réside dans la déresponsabilisation des entreprises et des détenteurs de gros patrimoines.
Il ne peut s’appuyer que sur une fiscalité juste, et rendue plus juste à l’examen critique de ce qui, aujourd’hui, rompt avec le principe d’égalité, une fiscalité réellement incitative à l’usage vertueux de la richesse créée.
Il s’appuie aussi sur une allocation précise et concrète de l’argent public, visant des objectifs porteurs de création de richesse et d’emplois.
Il suffit de dépenser plus ou moins 20 à 25 milliards d’euros pour alléger les cotisations sociales des entreprises !
Tout cela n’a fait, année après année, que faire croître et embellir le nombre des salariés pauvres, au point aujourd’hui que les minima salariaux de près de 90 branches professionnelles sont inférieurs au SMIC !
Des gens qui travaillent sont aujourd’hui privés du droit élémentaire de se loger à prix raisonnable, parce que le marché immobilier, que vous avez encouragé, ne cesse de battre année après année des records de prix !
La pauvreté et de la précarité sont le quotidien de millions et de millions de Français, au point qu’elle constitue aujourd’hui l’une des préoccupations majeures de nos compatriotes.
La source de cette situation, nous l’identifions clairement : c’est la logique du ‘ tout pour le marché ‘ qui vous anime tant pour ce qui concerne l’emploi, le logement, la santé, les conditions mêmes de travail et de relations sociales.
Nous avons essayé de démontrer pendant cette loi de finances qu’il y avait de l’argent. C’est pourquoi il est grand temps de taxer les plus-values boursières. On pourrait prendre l’exemple Total, cela rapporterait 20 milliards d’euros. Les actifs financiers ont augmenté de plus de 100% en dix ans, en les taxant à 1%, cela rapporterait 35 milliards.
Vous nous avez parlé d’audit pendant la discussion, mais où est l’impact des 20 milliards d’euros de cadeaux de cotisations patronales, alors que la Cour des comptes nous explique que 17 milliards ne servent à rien pour l’emploi. J’arrêterai là.
Des millions de nos voisins ont été, au fil du temps, placés dans des dispositifs de précarité de l’emploi, et il a fallu un mouvement particulièrement fort et puissant de la jeunesse de ce pays, largement soutenu par les plus âgés, pour que ne s’impose pas une règle obligée pour les jeunes au travers du contrat première embauche.
Car là est l’un des motifs essentiels de l’espoir qui nous anime comme des craintes qui vous habitent : la société française, dans sa diversité, dans la multiplicité de ses membres, refuse de plus en plus votre logique libérale qui ne fait droit qu’à la rentabilité du capital au détriment de tout autre droit.
C’est porteurs de cette colère et de ce refus, porteurs de cette envie irrépressible d’autre chose que les parlementaires du Groupe Communiste républicain et citoyen, par ma voix, indiquent clairement ici leur rejet pur et simple de la loi de finances pour 2007, telle que modifiée par le Sénat.