Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
La discussion de la loi de finances pour 2007 pourrait être l’occasion, pour une fois, de mettre en avant une conception renouvelée et moderne de l’impôt ;
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, notre pays est confronté à des enjeux décisifs en matière d’emploi, de développement de ses capacités de production, de recherche et d’innovation, de réponse aux urgences sociales les plus fortes en matière d’éducation, de santé, de lutte contre l’exclusion sociale, de solidarité intergénérationnelle, mais aussi de protection et de mise en valeur de l’environnement, de résolution des inégalités de développement du territoire ainsi que des ségrégations et discriminations les plus diverses.
Face à ces enjeux, il y a deux possibilités d’action.
Soit l’on opte pour une politique publique faisant naturellement confiance aux acteurs de la vie économique et sociale, et le plus souvent au ‘ marché ‘, considéré comme ‘ régulateur ‘, soit l’on opte pour une intervention publique multiforme, susceptible de corriger les distorsions existantes au principe fondamental d’égalité entre les citoyens, les territoires où ils vivent.
Nous sommes parvenus, au terme de cette législature, à une situation où les politiques publiques sont devenues, pour l’essentiel, de simples politiques ‘ d’accompagnement ‘ des choix de gestion des entreprises, et plus précisément des plus grandes d’entre elles, parfois et même assez souvent en concurrence directe avec les choix opérés par les plus petites.
Ces politiques d’accompagnement ont des traductions diverses, privilégiant en de nombreux domaines, une incitation fiscale moins transparente à la dépense publique directe et les choix opérés depuis 2002 sont significatifs ou plus prosaïquement, la suppression de la dépense publique elle même en décidant, d’une certaine manière, que ce n’est pas ou plus à l’Etat de prendre en charge tel ou tel champ de l’action publique.
S’il fallait d’ailleurs retenir de la législature écoulée quelques décisions marquantes, nul doute que ressortirait entre tous la ‘ décentralisation ‘ qui, de fait, n’est que l’abandon de missions d’Etat et leur transfert vers les collectivités territoriales.
De même, nous retiendrons probablement l’ensemble des mesures qui, au motif de réduire les impôts, n’ont fait que conforter le poids de la fiscalité indirecte au détriment de l’impôt progressif.
Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la Nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines constitués sur le dos des salariés.
Quand vous accordez la priorité au remboursement de la dette publique, et de ses intérêts, messieurs les Ministres, vous assurez, s’il en était encore besoin, les ‘ fins de mois ‘ de tous ceux ( même s’ils ne sont pas nombreux ) qui en vivent grassement et tirent des placements en bons du Trésor et en obligations d’Etat une part significative de leurs revenus !
Ce sont tout de même plus ou moins 40 milliards d’euros que nous devons verser chaque année à ces créanciers, et il suffit d’un nouveau relèvement des taux par la banque centrale européenne pour ajouter encore à la facture !
Cela se fait toujours au détriment de la dépense publique, des services publics, traduction concrète de la présence de l’Etat dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse de l’enseignant de nos enfants, de l’îlotier de la police nationale ou du cantonnier de l’Equipement dont les postes sont peu à peu supprimés au nom de cette priorité que vous avez érigée en dogme.
Les dispositions fiscales que vous avez voté, depuis le printemps 2002, n’ont fait qu’accroître plus encore les inégalités sociales puisque les droits indirects liés la consommation sont chaque année plus forts et plus présents dans l’ensemble des recettes de l’Etat.
Ce choix de la primauté accordée au remboursement de la dette publique sur toute autre dépense montre le degré d’instrumentalisation de la politique budgétaire de l’Etat au regard de la pression des marchés financiers.
Un budget de rupture avec cette politique est plus que jamais nécessaire.
Non pas la rupture vers un libéralisme encore plus dévastateur pour les populations les plus modestes, comme semble vouloir le préconiser un des Ministres de ce Gouvernement, mais la rupture avec une conception de l’action publique qui laisse de fait les habitants de notre pays à la seule merci des choix de libre concurrence mais qui de fait, sont des décisions de gestion des groupes, décisions prises sous l’emprise des actionnaires lors d’assemblées générales ou de comités stratégiques éloignés du terrain.
C’est la rupture avec cette action publique qui se contente de panser les plaies les plus apparentes, les blessures les plus vives en y apportant bien souvent des remèdes inefficaces, qui est indispensable pour redresser enfin la situation pour les millions de personnes ( 7 si l’on en croit l’INSEE ) vivant sous le seuil de pauvreté.
Quand on parle difficulté d’insertion dans l’emploi pour les jeunes, les chômeurs longue durée ou les plus de cinquante ans, que fait on ?
On promeut des dispositifs de précarisation des emplois, comme le CNE qui tirent l’ensemble des salaires et des qualifications vers le bas.
Quand on parle de difficultés de logement des familles, que fait on ?
On offre une défiscalisation renforcée aux investisseurs privés, on transforme l’aide directe aux ménages pour l’accession à la propriété en crédit d’impôt pour leurs créanciers !
Quand on parle de retard ou d’échec scolaire, que propose t on ?
On supprime plusieurs milliers de postes d’enseignants, en sortant la bonne vieille règle à calcul de la démographie scolaire et l’on définit un socle de connaissances amoindri, assorti d’une orientation renforcée vers l’apprentissage précoce, vécue comme un échec personnel par les jeunes et leurs familles.
Une véritable réforme fiscale, complément nécessaire d’une refonte de l’action et de la dépense publiques, doit voir le jour.
Nous ne comptons pas sur la majorité de cette Assemblée pour la promouvoir et nous la verserons donc au débat, devant les Françaises et les Français, appelés au printemps prochain, à faire valoir leur choix par la voie du suffrage universel.
L’impôt sur le revenu doit être réformé, oui, mais pour être plus efficace et éviter notamment, comme nous le voyons aujourd’hui, que le traitement de faveur accordé aux revenus du capital et du patrimoine devienne obstacle à l’égalité de tous devant l’impôt.
L’impôt sur les sociétés doit être réformé, oui, pour que les plus petites entreprises soient enfin traitées à l’égal des plus grandes, passées maîtres dans l’art de tirer parti de l’ensemble des dispositifs d’incitation et d’optimisation dont est truffée, sans véritable évaluation, notre législation !
L’impôt sur le patrimoine, quelque soit sa forme ( ISF, droits de mutation, de succession, plus values de cession ) doit être réformé en devenant plus juste et plus respectueux de la réalité de la fortune accumulée par quelques uns au détriment du plus grand nombre.
La valeur d’un patrimoine mobilier, ne l’oublions jamais, est toujours la résultante de l’accumulation du travail salarié dans les mains du détenteur de ce patrimoine.
Que d’une manière ou d’une autre, ce patrimoine revienne à la collectivité n’est finalement que l’expression de la plus élémentaire justice.
La fiscalité indirecte doit être réformée, oui, que ce soit la TVA comme la TIPP parce qu’elles pèsent lourdement sur les foyers les plus modestes, d’autant que votre politique ne leur apporte pas la moindre amélioration de pouvoir d’achat.
La fiscalité locale doit être réformée, oui, et cela passe notamment par une taxe professionnelle rénovée, prenant en compte la réalité de la situation économique depuis sa création, ce qui offrirait de nouveaux moyens d’intervention pour les collectivités territoriales.
Cette indispensable réforme fiscale, fondée sur des principes de justice sociale et d’efficacité économique du prélèvement, nous ne pouvons bien entendu pas la mener avec la discussion de cette loi de finances 2007, pure loi d’opportunité.
Cette réforme fiscale prendrait en fait le contrepied de vos choix qui consistent à réduire la participation des plus hauts revenus et des entreprises au budget de la Nation, quitte à nous expliquer ensuite qu’il n’a plus de ressources suffisantes pour son action publique, la transférant de plus en plus sur les collectivités territoriales.