Loi de finances pour 2006 : explication de vote

Publié le 13 décembre 2005 à 16:15 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Voici donc achevée la discussion de la première loi de finances sous le régime de la nouvelle loi organique !
Nous avons pu mesurer combien la LOLF remettait en cause les droits du Parlement.

Revenons en à notre sujet : le budget 2006, dont quelques points sont évidents : son insincérité, l’approximation des hypothèses sur lesquelles il repose, mais surtout des baisses d’impôts pour ceux qui en ont le moins besoin, ce qui est pour le moins déroutantes dans un contexte d’aggravation de la dette publique (plus de 1 200 milliards d’euros fin 2006 sont prévus) et de maintien d’un déficit budgétaire élevé (près de 47 milliards d’euros).
Pour ce qui concerne nos impôts, donc, qu’avons-nous vu ?
Une baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune, avec le bouclier fiscal (plus de 200 millions d’euros), ou des exonérations sur la valeur du patrimoine financier. Une baisse des coûts de transmission des gros patrimoines. Une baisse de la contribution fiscale des sociétés. Une baisse de l’IR faisant la part belle aux gros revenus.

Un exemple :
Un retraité de chez Total percevant 40.000 euros environ de pension verra, entre 2006 et 2007, son impôt sur le revenu se réduire d’un peu plus de 600 euros !
Une fois encore, c’est la consommation populaire, ce sont les petits revenus, les bas salaires et les retraités qui vont faire les frais des choix gouvernementaux !
Car ne l’oublions jamais : la moitié des foyers fiscaux ne paient pas l’impôt sur le revenu.

Pour 16.7 millions de familles, dont le quotidien est fait de difficultés à payer le loyer, à se nourrir parfois, à se cultiver, à faire face aux mille et un besoins de la vie, la baisse de l’impôt sur le revenu n’a aucun sens.
Ils vivent chaque jour les prix qui montent, depuis la mise en place de l’euro, comme par exemple les prix des produits frais, ceux des coûts de transport, ceux de la fourniture d’énergie (que vous avez autorisé, Monsieur le Ministre), la flambée du prix de l’essence.

Et voici que l’on réforme nos impôts mais en les oubliant purement et simplement.
Pire, même.
Parce que vous cherchez à réduire sans cesse la dépense publique, comme va encore nous le montrer le collectif de fin d’année et comme le laisse supposer l’exécution de la loi de finances 2006, ces familles seront les premières victimes de la réduction de la dépense publique.

Moins d’emplois dans la fonction publique, moins d’action de l’Etat sur les besoins collectifs, cela a une traduction concrète sur le terrain, mes chers collègues.
C’est l’école rurale qui ferme, c’est le bureau de poste remplacé par une annexe de l’épicerie, ce sont les services hospitaliers qui sont remis en cause.
C’est la route que l’on entretient moins ou plus du tout, ce sont les logements qui ne se construisent pas pour répondre aux besoins, ce sont les associations sportives étranglées, et celles notamment qui oeuvrent en faveur de l’insertion professionnelle, Emmaüs.
La vie collective est étouffée !
Vous persévérez et vous aggravez encore les choix qui vous animent depuis 2002.
Vous refusez d’écouter la détresse, la révolte de ceux qui souffrent.

Vous refusez de prendre en compte le résultat du scrutin du 29 mai. Vous refusez même d’écouter vos services, les RG qui vous disent que la crise des banlieues (absente du budget) est une révolte populaire.
Vous refusez aussi d’écouter les collectivités territoriales, au premier rang pour jouer les pompiers de l’incendie que votre politique rallume chaque jour.
Cette loi de finances a encore été l’occasion de constater que l’Etat déployait tous les artifices possibles.
Le bouclier fiscal ?
Payé par les collectivités locales !
Le plafonnement de la taxe professionnelle ?
Payé par les collectivités locales !
Le non respect des engagements en matière d’équipement public ?

Payé par les collectivités locales !
Cela fait trop longtemps que dure cette manière de faire.
Cela fait plus de vingt ans, mes chers collègues, qu’au nom de l’emploi et de l’investissement, on nous fait discuter de mesures toutes plus coûteuses les unes que les autres.
Abaissement de l’impôt sur les sociétés de 50 à 33,33%, réduction de l’assiette de la taxe professionnelle de 45 %, larges exonérations de cotisations sociales, allégement de la fiscalité des groupes, réduction des impôts touchant les gros patrimoines, allégement de la fiscalité des placements spéculatifs, tout a été tenté.
A la vérité, si l’on devait faire le total des sommes que l’Etat va consacrer cette année à ces politiques, nous dépasserions probablement, et de loin, le déficit budgétaire annoncé !

Le problème, c’est que tout cela n’a servi qu’à une chose : restaurer puis maintenir à un niveau élevé (plus de 30%) les profits des entreprises ! Pas pour l’investissement, encore moins pour les salaires : ces profits visent uniquement à satisfaire les actionnaires.
Le bilan social est épouvantable : notre pays compte deux fois plus de chômeurs qu’il y a vingt ans ; le RMI constitue le revenu de plus d’1,1 million de nos compatriotes ; plus de 8 millions de travailleurs sont si mal payés qu’ils obtiennent un versement de prime pour l’emploi et pour ceux qui mettent un peu d’argent de côté, vous taxez le PEL.

D’autres choix budgétaires sont nécessaires, qu’il s’agisse des recettes et des dépenses.
La justice sociale commande une fiscalité plus juste, plus respectueuse du principe d’égalité devant l’impôt.
Les impôts progressifs en France sont peu nombreux : impôt sur le revenu, droits de mutation, impôt de solidarité sur la fortune.

Et ils représentent trop peu dans l’ensemble des ressources. L’impôt sur le revenu, c’est actuellement seulement 17% des recettes fiscales... Encore moins en 2007. L’ISF, et toute la fiscalité sur le patrimoine sont considérablement affaiblis alors que 10% des ménages possèdent 45% du patrimoine total.
Il faut conforter ces impôts, pour renforcer la redistribution.

Il faut aussi les rendre plus justes : il n’y a pas lieu de réserver un traitement de faveur aux revenus financiers ou fonciers, ni de multiplier les exonérations pour les détenteurs d’actions.
Les impôts locaux doivent être réformés, avec le principe de la progressivité.

Les impôts locaux sur les ménages pénalisent lourdement les familles modestes et moyennes. Il faut améliorer les correctifs, assumés par la solidarité nationale. Il n’est pas acceptable que les trois quarts de l’effort d’allégement assuré par l’Etat soient consacrés à la seule taxe professionnelle, dont la réforme reste à faire. La question essentielle est l’assiette de cet impôt : pourquoi ne pas l’élargir aux actifs financiers ?
S’agissant des impôts indirects, ils pénalisent, eux aussi, les ménages les plus modestes. La justice commande par conséquent de les réduire de manière significative. La baisse de la TIPP redonne du pouvoir d’achat aux ménages.
La baisse de la TVA relance la consommation et génère de la croissance : il suffit de voir le bilan de la TVA à 5.5 sur les travaux de rénovation.

L’impôt sur les sociétés doit quant à lui être largement simplifié, de nombreux avantages fiscaux évalués et remis en cause. Nous devons faire ce travail pour remettre les entreprises sur un pied d’égalité, ce qui n’est pas le cas.
L’école, la formation, la culture, la recherche, la santé publique, le patrimoine historique, l’aménagement du territoire appellent des efforts conséquents, absents de ce budget, pour être vecteurs de l’ensemble du progrès social et économique du pays.

Vous avez décidé de privilégier la dépense fiscale, les cadeaux fiscaux aux plus riches au détriment de la dépense publique.

Un enchevêtrement de bonus fiscaux ne fait pas une politique répondant aux attentes de nos compatriotes.
Et vous avez encore plus ouvert le champ des questions qui ne seront pas résolues.
Nous ne voterons pas ce budget 2006.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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