Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Un budget doit être porteur d’avenir, porteur d’espoir. Ce qui monte des quartiers populaires, c’est bien cela et non un simple replatrage des politiques existantes. Les populations ne supportent plus la violence que notre société leur fait vivre.
Or, rien dans votre projet ne porte cet espoir, ne porte cette reconnaissance.
Votre politique fiscale s’appuie sur les principes du libéralisme qui contribuent à aggraver les inégalités sociales. Les conséquences sont dramatiques : chute de la consommation, aggravation des déficits publics, régression de l’activité économique et de l’emploi.
Or, votre projet de loi va à nouveau favoriser les ménages les plus riches, avec le nouveau barème de l’impôt sur le revenu, l’instauration du bouclier fiscal qui vous permet d’attaquer l’ISF sans l’affirmer au grand jour. Votre projet de loi encourage les entreprises à précariser les salaires en distribuant des allègements fiscaux et sociaux, votre projet met en miette les fondements de la solidarité nationale.
Vous ne tenez pas compte de la volonté du plus grand nombre, pas plus des résultats électoraux, de l’opinion des salariés qui refusent la casse du système des retraites, de la sécurité sociale. Pas plus des élus et des usagers qui ont rappelé leur attachement aux services publics. Ces différentes réactions traduisent l’exigence de plus de justice sociale, et votre réponse est aux antipodes. Et cette exigence suppose d’autres ressources pour le budget de l’Etat et celui des collectivités territoriales.
La précarité pour le plus grand nombre est érigée comme une règle économique. Mais cela ne vous suffit pas.
Vous avez engagé un remodelage profond de notre société et vous voulez le réaliser le plus vite possible car vous sentez bien que l’opposition est forte dans le pays.
Ce projet de société que vous êtes en train de construire est profondément inhumain et antisocial. Vous n’avez qu’un mot à la bouche : la compétitivité. Votre seul souci est de donner au capital les avantages qu’il vous réclame à corps et à cri, et vous distribuez cadeaux fiscaux, subventions, vous bradez le patrimoine public, vous « externalisez » les services rendus par le secteur public, en fait vous les abandonnez au privé.
Votre politique fiscale s’inspire de cette conception. Depuis la mi-2002, la baisse de l’impôt sur le revenu a privé l’État de près de 14 milliards d’euros - soit l’équivalent des sommes qui ont abondé le fonds de réserve pour les retraites, ou du déficit du régime général de la sécurité sociale pour 2004. Ces baisses ont eu pour seuls effets une hausse des inégalités et des déficits publics. Malgré cela, votre gouvernement sous prétexte de le simplifier et de le réduire, propose une refonte de l’impôt sur le revenu. A l’heure où l’on parle souvent d’évaluation, où vous mettez en place des indicateurs pour apprécier la performance des actions engagées, on ne peut être que consternés face à de telles décisions.
A moins que vous vous soyez fait un dogme de la baisse de l’impôt progressif. Mais dans ce cas là, assumez-le.
Vous prétendez vouloir relancer l’emploi et l’investissement productif. Ce serait votre priorité. Si tel était le cas, les habitants des quartiers populaires vivraient autrement.
Le constat est accablant. La seule chose que vous ayez réussi à relancer, c’est la misère : avec vous les bénéficiaires du RMI ont augmenté de près de 4% en un an. Quant aux familles surendettées leur nombre a augmenté de 14% en 2004 et de 9% cette année. Votre politique de réduction d’impôt (2 milliards d’euros depuis 2002 selon la Cour des comptes), d’exonération de charges au patronat, vos cadeaux fiscaux (5,8 milliards sur la même période, dont les foyers les plus aisés ont le plus bénéficié). Ces mesures devaient selon vos dires permettre de réduire le chômage. Bien au contraire celui-ci a fait un bond de plus de 230 000 demandeurs d’emplois depuis votre arrivée au gouvernement. Vous deviez réduire les inégalités, c’est le contraire que vous avez suscité.
Nous pensons quant à nous que l’on pourrait faire autrement.
Au lieu de contribuer à l’augmentation des profits, il faut choisir de répondre à l’attente de la grande masse des habitants.
La politique fiscale doit répondre à l’intérêt général et non servir des intérêts particuliers.
La remise en cause de la progressivité de l’Impôt sur les Revenus (qui ne représente que 17% des recettes fiscales de l’Etat) en réduisant le nombre de tranches et en imposant le « bouclier fiscal » ne fait pas supporter le même taux d’effort à tous. Il y avait 13 tranches en 1986 avec un taux marginal de 65%. Vous proposez 5 tranches avec un taux de 40% en 2007. Votre rêve serait de passer à 4 tranches et pourquoi pas d’instituer la « flat tax », impôt à taux unique : « graduellement » vous voulez supprimer la progressivité.
Résultat de ce choix, 40% du gain ira au 10% des ménages les plus aisés.
Au contraire, nous pensons qu’il faut renforcer la progressivité de l’impôt en fixant le taux marginal de prélèvement à 54,8% et le taux minimal à 6,5%, en remontant le seuil de la première tranche, en ajoutant deux nouvelles tranches et fixer le taux de la 8ème tranche à 50% pour un revenu n’excédant pas 70 000 euros. Voilà des décisions qui iraient dans le bon sens et qui doivent être prises rapidement.
Pour les entreprises vous rajoutez des allègements à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Vous exonérez de TP à tout va et vous supprimez la surtaxe Juppé pour ramener le taux de l’impôt sur la fortune à 33,33% sous prétexte de libérer des capacités d’investissement.
Une réforme de l’impôt sur les sociétés, efficace pour l’emploi, devrait prendre en compte le besoin de soutien aux petites entreprises à celles dont l’activité ne permet pas de dégager une forte valeur ajoutée, aux entreprises qui investissent dans le capital humain, en embauchant, en rémunérant correctement ses salariés en développant la formation. Un nouveau barème devrait avantager les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices, et non celles qui spéculent à la bourse.
La réduction à peau de chagrin de la fiscalité sur le patrimoine va aussi dans ce sens : vous voulez supprimer, sans en avoir l’air, l’ISF, et garantissez un peu plus l’avenir des gros patrimoines dans le cadre des droits de succession. Vous allez favoriser ainsi l’accumulation de patrimoine au profit de ceux qui le peuvent. 10% des ménages détient 45% du patrimoine total dans notre pays et 59% du patrimoine financier, en 2004 seules 25% des successions étaient taxables. La mesure qui tend à ramener le délai de 10 à 6 ans durant lequel l’abattement est plafonné à 50 000 euros va permettre de faire progresser plus rapidement le volume de patrimoine en franchise d’impôt. Une fois de plus vous ne favorisez que les plus aisés.
Chaque année, la préparation de la discussion budgétaire donne lieu à un véritable lobbying de la part d’un certain nombre d’élus de la majorité pour encore réduire l’ISF.
Vous revenez à la charge, en prétendant que cet impôt est confiscatoire, qu’il accable ses redevables.
Le gouvernement qui n’a pas voulu paraître céder à cette pression d’une partie de la majorité invente cette année la formule du bouclier fiscal : un cadeau de 400 millions d’euros pour 100.000 personnes. Dont 200 millions réservés à moins de 15000 d’entre eux.
Le plafonnement de l’impôt est une mesure dangereuse, car fondée sur l’idée que la propriété ne constitue pas réellement une ressource justifiant de participer au financement des dépenses publiques. De fait, le plafonnement favorisera une économie de rente, fondée sur l’accumulation et la transmission d’une fortune productrice de faibles revenus monétaires. Cette réforme ne récompense ni le travail ni l’investissement productif. Rien de très dynamisant pour l’activité dans notre pays. Les classes moyennes qui ne vivent que de leur travail apprécieront.
Comme si cela ne suffisait pas, un petit supplément a été accordé à ceux qui détiennent des actions depuis plus de six ans : une exonération de 75% de leur valeur.
Mesdames et Messieurs de la majorité, je vous invite vivement à détourner les yeux du CAC 40, et à aller voir ce qu’il en est pour les ménages surendettés.
Leur situation en dit long sur ce qui grève les budgets des ménages les plus modestes : ils sont asphyxiés par les dettes de la vie courante : des dettes de loyers, des factures d’eau, d’électricité, de gaz, des dettes de transport, de cantine scolaire,...
Ces dettes, ce ne sont pas les 5 euros par mois, en moyenne, de la prime pour l’emploi qui vont permettre d’y faire face. La prime pour l’emploi - qui déresponsabilise un peu plus les entreprises - est d’ores et déjà engloutie.
Avec cette prime pour l’emploi, vous reconnaissez en fait la faiblesse du pouvoir d’achat des salariés, mais vous ne prenez pas la bonne mesure. Il est quand même paradoxal que celui qui produit les richesses ne puisse pas vivre du revenu de son travail, sans que la puissance publique ne vienne lui compléter ses ressources.
Ce que demandent les salariés, c’est un salaire décent pour vivre, faire vivre sa famille.
De plus, cette prime pour l’emploi ne compense pas les augmentations d’impôts, notamment ceux sur la consommation.
L’instauration d’une TVA dite sociale reporterait les cotisations sociales sur l’ensemble des consommateurs. Elle ne ferait qu’aggraver les conditions de vie de la masse de nos concitoyens, réduirait la consommation, aggraverait la situation économique de notre pays.
S’il y a des impôts à alléger, ce sont ceux qui pèsent sur le plus grand nombre et singulièrement sur ceux qui ont les plus bas revenus. Cela concerne autant la TVA et la TIPP que les impôts locaux ou la TEOM.
Ce dont ont besoin les salariés, ce sont des services de qualité. Pour cela, les collectivités territoriales doivent avoir des ressources plus stables.
Or, votre politique conduit, là encore, à des augmentations. Les transferts de charges sans compensation au niveau des exigences, le désengagement de l’Etat, la réforme de la TP, autant de mesures qui loin de « responsabiliser les élus », (comme s’ils ne l’étaient pas !) les met dans l’impossibilité d’assumer pleinement leur rôle auprès des habitants.
La réforme de la TP, nous étions nombreux à l’attendre, et à avoir travaillé sur le sujet.
Là où, en nombre, nous avons pointé du doigt le problème essentiel de l’assiette de cet impôt, où des solutions ont été proposées, pour moderniser cette base, vous abdiquez aux sirènes du MEDEF, sans contrepartie.
Nous avons déposé une proposition de loi qui propose d’introduire les actifs financiers des entreprises, banques et assurances, grande distribution qui représentent 3500 milliards d’euros en 2002 et qui pourraient être taxés à 0,5%. Les collectivités territoriales bénéficieraient ainsi de ressources supplémentaires et nous pourrions dissuader à la fois les spéculations financières qui jouent contre l’emploi.
Votre projet montre bien vos choix politiques. Vous cassez tout ce qui pourrait contribuer à développer plus de solidarité.
Après la violence que nous venons de vivre dans de nombreuses villes qui accueillent en grand nombre ceux qui ont de très faibles revenus, vous avez déclaré vouloir répondre aux attentes de ces populations. Rien dans le projet de budget qui nous est proposé n’y répond. Et le PLFSS qui vient d’être voté non plus.