Loi de finances 2006 : collectivités territoriales (2)

Publié le 29 novembre 2005 à 16:55 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

L’une des questions que l’on pourrait se poser, au moment de débattre des rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales serait de savoir si le ‘ contrat de croissance et de solidarité ‘ a encore un sens.
En effet, depuis 2002, le principe des dotations placées sous enveloppe conduit de manière mécanique et inexorable à la réduction en termes réels du niveau des transferts de recettes de l’Etat vers les collectivités locales, l’encadrement des dotations ne servant finalement qu’à minorer l’effort du budget général en direction de celles-ci.

On sait ainsi de longue date au moins deux choses : d’une part, l’enveloppe progresse moins vite que ne progresse en théorie la dotation globale de fonctionnement qui en est l’élément principal et par voie de conséquence, c’est la dotation de compensation de la taxe professionnelle qui sert de variable d’ajustement au solde de l’enveloppe.
Il serait sans doute particulièrement intéressant de mesurer l’importance des recettes que l’Etat n’a pas transféré aux collectivités locales depuis 1993, qu’il s’agisse des 150 à 250 millions annuels de perte de pouvoir d’achat de la DGF ( ce qui fait près de 3 milliards d’euros en cumul depuis douze ans), des 150 millions évanouis dans la réfaction du FCTVA (ce qui fait là encore en cumulé 2 milliards d’euros ou peu s’en faut), de la minoration des dotations d’équipement et plus encore des pertes de ressources fiscales occasionnées par le décalage entre DCTP et réalité.

Ce sont aujourd’hui plus de 3 milliards d’euros annuels qui sont ainsi perdus par les collectivités territoriales, ce qui représente, depuis 1986, une perte de ressources que l’on peut situer entre 30 et 40 milliards d’euros.
Ajoutons encore à ce processus les conséquences de la surcompensation des cotisations de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales qui a impacté, chaque année, pour plus d’un milliard et demi d’euros.

Ce déficit de ressources de l’Etat non transférées aux collectivités locales est leur contribution obligée à l’atteinte des objectifs de convergence européens.
Et pourtant comme les collectivités locales pourraient avoir besoin de ces ressources !

Comment justifier auprès d’élus de villes éligibles à la dotation de solidarité urbaine qu’on leur reprend, par la DCTP, le peu qu’on leur a donné en péréquation ?
Et que dire des transferts de compétence en cours ?
Le RMI, confié aux départements, est alimenté par un prélèvement sur les recettes de TIPP qui, dès la première année, ne fait pas le compte !

Certains n’ont pas trouvé mieux que de se retourner contre les allocataires pour essayer de réaliser des économies de gestion.
Pour l’allocation de vétérance des sapeurs pompiers professionnels, là, encore, décalage entre compensation et charges transférées !

Quant à l’intégration de la suppression de la part taxable des salaires dans la dotation globale de fonctionnement, comment ne pas pointer que son évolution future (celle de la DGF) créera un décalage grandissant entre ce qu’auraient pu percevoir les collectivités locales et ce qu’elles toucheront effectivement !

Mais, évidemment, il faut bien que l’on puisse trouver des marges pour baisser l’ISF, réduire l’impôt sur les sociétés, favoriser la transmission des gros patrimoines ou alléger l’impôt sur le revenu des plus riches.
L’argent qui manque aux collectivités locales aujourd’hui pour répondre aux besoins sociaux forts qui s’expriment en matière de logement, de santé, d’éducation, tels qu’ils se sont révélés dans les dernières semaines, c’est l’argent que vous avez gaspillé pour alléger la fiscalité.
C’est moins pour les équipements publics, moins pour la vie associative, moins pour le lien social, moins pour la prévention sanitaire, et plus pour les gros revenus, les patrimoines conséquents et la rentabilité des groupes financiers qui ne supportent pas de devoir cotiser pour le bien commun !

Il est donc temps de cesser de faire des collectivités locales l’outil de la régulation d’un déficit public qui ignore les conséquences qu’elle peut avoir dans la vie concrète du pays.

Aux chiffres que l’on ‘ arrange ‘ ainsi, que faut il opposer sinon ces attentes sociales auxquelles on ne peut pas répondre.
Nous refusons le choix de la baisse du déficit comptable et de la hausse des déficits sociaux.
Le débat sur les collectivités territoriales sera pour nous l’occasion de rappeler quelques unes des questions qui nous préoccupent et quelques unes des solutions que nous proposons.

La grande crise des quartiers urbains, les profondes inquiétudes qui se manifestent dans un monde rural frappé par la crise d’une bonne partie de la production agricole et de l’économie de proximité qui en découle, la disparition progressive du commerce et de l’artisanat, la réduction de la présence du secteur public d’Etat dans les campagnes et dans les quartiers urbains sont autant de problèmes qui appellent d’autres solutions que celles mises aujourd’hui en œuvre.

C’est ce qu’il convenait de préciser à l’occasion de ce débat.

Bernard Vera

Ancien sénateur de l'Essonne
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