Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Les collectivités territoriales ont démontré leur importance dans la vie quotidienne de chacun. Elles ont installé des services publics de qualité avec l’objectif de répondre aux besoins des populations qui vivent sur leur territoire.
Elles participent activement à la vie économique avec la réalisation de plus de 70 % des équipements publics, et 1 M 700 000 employés mobilisés chaque jour pour le fonctionnement des services aux habitants.
Les élus et plus particulièrement les maires sont en première ligne pour résoudre les problèmes des habitants. C’est à eux que l’on vient dire son mal vivre, sa désespérances. Ils sont bien souvent les fusibles dans cette société qui rejette les plus pauvres, qui exclue les plus faibles.
Monsieur le Ministre de l’Intérieur dans un interview à la Gazette des Communes déclare : « les maires confrontés à cette explosion de violences urbaines sans précédent se sont comportés dans cette épreuve avec un courage, une dignité et un sens des responsabilités que je veux saluer ». J’ai envie de dire à Monsieur le Ministre merci de reconnaître cela, mais ce dont ont besoin les maires, les élus des différentes collectivités, c’est une reconnaissance qui leur donne les moyens d’agir. Ce sont des mesures permettant de s’attaquer aux inégalités, aux injustices, pour que nous n’ayons plus, avec les habitants à connaître ces violences urbaines.
Nous avons besoin d’êtres humains plus nombreux sur le terrain, des travailleurs sociaux, des éducateurs, des enseignants, des policiers de proximité plus nombreux.
Depuis longtemps, les élus qui vivent la dégradation de la situation des familles logées dans ces quartiers populaires, soulèvent des questions, proposent des solutions, comme le rappelait Jack RALITE, il y a deux semaines lors du débat sur la loi d’urgence.
Quand Monsieur de VILLEPIN s’inquiète du lieu où vont dormir des salariés devenus SDF, c’est qu’il n’a pas entendu ce que nous disons avec toutes les associations mobilisées sur le terrain. Il est inadmissible qu’un salarié ne puisse vivre dignement de son travail. Nous ne pouvons être simplement dans la gestion de l’urgence face à la misère, nous avons besoin que toutes ces femmes, tous ces hommes aient un salaire décent.
Ce dont souffrent les populations qui ont été victimes de ces violences sur leurs biens, ou ceux qui accueillent les services publics, c’est d’un chômage dont il est de plus en plus difficile de sortir, c’est donc de création d’emploi dont ont besoin ces habitants, de possibilité de faire une formation qualifiante rémunérée pour retrouver l’emploi. Comme le disait notre Congrès départemental ce matin, nos collectivités ont besoin de plus d’Etat et particulièrement dans ces domaines.
Bien souvent, l’action menée au niveau communal avec le soutien de l’intercommunalité, mais aussi le conseil général et régional est décisive pour empêcher une dégradation beaucoup plus grande de la vie des familles populaires.
C’est ce fragile équilibre, c’est ce « pare feu » que vous êtes en train d’attaquer en ne donnant pas aux collectivités, les moyens de faire face aux besoins de leurs populations. En diminuant les ressources aux associations (le gel puis la suppression des crédits en 2005 en est significative). En transférant de nouvelles responsabilités sur les Conseils Généraux particulièrement et les conseils Régionaux, sans leur transférer les recettes nécessaires à couvrir ces nouvelles dépenses, vous créez les conditions qu’ils se replient sur les obligations que vous leur attribuez par la loi. Les collectivités ne sont plus en capacité de mener leur propre politique qui bien souvent assumait une solidarité entre les différents territoires qui le compose. C’est vrai dans le domaine de leur politique sociale, culturelle, sportive, mais aussi en terme d’aménagement du territoire.
Dans mon département, le conseil général constate que la partie non compensée de l’APA représente 14 M € sur 2004 qu’en tous les dépenses de RMI se sont accrues de 35 M € sans aucune compensation de l’Etat. Et celui-ci s’inquiète face à la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 en faveur des handicapés et « son financement incertain », comme le dit le Président du Conseil général lui-même. En conclusion de son document d’orientation budgétaire le conseil général d’Indre et Loire considère qu’il lui manquera 80 millions d’euros dans son budget 2006.
Comment cela va se traduire ? C’est la réduction des subventions aux communes et communautés comme par exemple pour les équipements ou le subventionnement aux associations.
C’est l’abandon des politiques spécifiques pourtant appuyées par les électeurs qui les ont choisies, ou bien c’est le recours à l’augmentation de la fiscalité. Mais pas n’importe laquelle. Celle sur les ménages puisque vous proposez dans cette loi de finances de vous attaquer à la seule recette véritablement dynamique la Taxe Professionnelle. En la plafonnant à 3.5 % de la valeur ajoutée, vous figez des recettes qui sont pourtant utilisées pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés.
Le réseau routier est construit et entretenu par les collectivités. Les services rendus aux salariés des entreprises à des coûts raisonnables contribuent à la bonne santé des salariés de ces entreprises.
Vous sollicitez fortement les collectivités de tous niveaux pour faire vivre les unités de recherche et de développement et bien souvent au-dessus de ce que vous apportez.
Vous déclarez dans la présentation de vos propositions que vous voulez responsabiliser les élus, mais les élus ont démontré leur esprit de responsabilité depuis bien longtemps. En fait ce que vous voulez c’est que les collectivités territoriales consacrent les ressources que vous daignez leur concéder à mettre en œuvre la politique que vous avez décidée.
Nous ne serions sur le terrain que des relais, des choix, décidés par le gouvernement.
C’est en fait une véritable mise en cause de la démocratie, des choix des électeurs. Vous exigez que les collectivités territoriales contribuent à la réduction du déficit public de notre pays, mais en même temps vous proposez une loi de finances qui en les étouffant va contribuer à tarir une part des capacités de développement des activités économiques du bâtiment et des travaux publics.
Il est des réformes nécessaires pour permettre aux collectivités territoriales de faire face aux nouvelles exigences sur nos territoires, la taxe professionnelle n’a pas suivi dans son mode de calcul l’évolution de l’activité économique.
La taxe professionnelle vous le savez pèse plus sur l’industrie que sur les activités financières. C’est la base de la taxe professionnelle qu’il nous faut rénover. Et nous sommes très mesurés. Nous vous proposons de taxer à 0.5 % les actifs financiers et ainsi d’augmenter les ressources disponibles au service des collectivités territoriales (cela rapporterait 25 MM d’euros puisque selon les comptes de la nation 2003 ces actifs sont estimés à 5 000 milliards d’euros, contre 3500 millions d’euros en 2002). Ce serait plus pertinent que le plafonnement à 3.5 % qui, une fois de plus, va pénaliser les territoires les plus industriels.
Avec ce plafonnement, vous ajouterez une nouvelle inégalité dans l’organisation et l’aménagement du territoire.
C’est cette même inégalité que vous creusez en supprimant les crédits destinés au transport collectif dont on connaît l’indispensable nécessité pour de nombreuses banlieues éloignées des centres villes.
M. le Ministre, les habitants nous ont élus pour organiser la vie locale, répondre aux besoins de tous les moments de la vie. Nous ne sommes pas chargés de mettre en œuvre les politiques définies par l’Etat en lieu et place de l’Etat.
La résolution finale du Congrès de l’AMF ne dit pas autre chose : « Le Congrès demande en outre que la dotation globale de fonctionnement cesse d’être systématiquement sollicitée pour financer des mesures décidées par l’Etat ».
Les élus sont prêts à faire vivre la décentralisation, mais une décentralisation démocratique, de coopération et non de compétition entre territoires. Cela suppose que les dotations de l’Etat jouent un rôle plus péréquateur.
Au lieu de tout cela, vous bloquez les recettes les plus dynamiques de nos collectivités, vous entourez l’autonomie des collectivités que vous avez fait inscrire dans la Constitution et en même temps, vous demandez de faire plus.
Ainsi, par vos choix, vous voulez que ce soient les collectivités qui assument des augmentations sur les impôts, dont on sait qu’ils sont plus lourds pour les salaires les plus bas, ou vous leur imposez de réduire les services publics ou encore de les externaliser.
Vous le savez bien, votre loi de finances 2006 complète la loi liberté responsabilités locales et comme le disait M. DEVEDJIAN, les habitants mécontents de leurs impôts viendront le dire devant les mairies et non plus devant les préfectures.