L’imposition des grandes fortunes est visiblement un sujet qui fâche, notamment à droite de cet hémicycle et, bien entendu, dans les beaux quartiers. Les débats à l’Assemblée nationale ont montré la hargne...
M. JÉGOU. - La détermination !
M. FOUCAUD. -... avec laquelle se battent les partisans d’une suppression pure et simple de l’I.S.F. ou d’un réaménagement qui, progressivement, revient au même. Quelle énergie dépense le gouvernement et la majorité pour diminuer l’impact déjà trop limité de l’I.S.F. ! Toutes les appellations sont bonnes pour critiquer cet impôt de justice sociale. Certains, M. Marini ne renie certainement pas de tels propos, évoquent un impôt « confiscatoire ».
M. MARINI, rapporteur général. - Je suis d’accord avec M. Longuet !
M. FOUCAUD. - La vaste campagne médiatisée - et quelque peu ridicule - sur l’Ile de Ré avait pour but de justifier des exonérations massives pour les grands patrons actionnaires.
Cet article 17 bis est un cadeau de 68 millions d’euros pour 12 000 contribuables déjà richissimes qui n’en demandaient pas tant. L’I.S.F. n’est pas un impôt confiscatoire : il concerne 350 000 personnes, ce qui est bien modeste, mais il ne concerne malheureusement ni les biens professionnels, ni les œuvres d’art. Les Wendel et Pinault peuvent dormir sur leurs deux oreilles, le percepteur ne viendra pas les déranger la nuit. Son barème est très lentement progressif. Peut-on parler d’impôt confiscatoire lorsqu’un individu qui acquiert un appartement pour 950 000 euros, ce qui n’est pas rien, y habite et bénéficie donc de 20 % d’exonération, ne sera imposable au titre de l’I.S.F. que de 154 euros ? Est-ce trop, monsieur Marini ? Visiblement oui, puisque qu’avec l’U.M.P., vous voulez porter l’exonération d’une résidence principale de 20 à 30 % !
M. MARINI, rapporteur général. - C’est bien modeste.
M. FOUCAUD. - Si le bien n’est pas habité, il est loué : un seul mois de location rapporte beaucoup plus qu’il ne peut coûter en I.S.F. !
Certains ont crié à l’isolement de la France en Europe. C’est faux, puisque plusieurs pays ont une fiscalité sur le patrimoine : la Suisse intègre même les œuvres d’art dans son impôt sur la fortune !
L’attitude de la droite et du gouvernement est dogmatique et idéologique. Ils s’opposent farouchement à toute juste répartition de richesse qui, seule, pourrait répondre à la fracture sociale. Vous êtes pris en flagrant délit de duplicité entre un discours mielleux sur l’égalité des chances et la réalité de votre politique fiscale : toujours plus pour les plus riches ! Il y vraiment du Picsou dans votre attitude, dénuée de toute générosité.
M. FOUCAUD. - Cet article est symbolique de la politique gouvernementale. M. de Villepin fait voter une mesure provocatrice en faveur des plus riches ; il exonère 70 % de parts ou actions des salariés ou mandataires sociaux, si ceux-ci les conservent au moins six ans. Ce n’est pas une réforme a minima, comme l’ont prétendu gouvernement et parlementaires de droite !
Dans sa très médiatisée conférence de presse de septembre dernier, le Premier ministre a déclaré que la réforme de l’I.S.F. n’était pas une priorité de son gouvernement. Résultat ? Il donne son assentiment à une exonération de 68 millions profitant à 12 000 contribuables, soit 56 000 euros par bénéficiaire !
À comparer avec les 500 millions d’euros de la prime pour l’emploi, soit 4,75 euros par chacun de ces contribuables non fortunés... La presse a relevé que votre réforme était destinée aux grands patrons, aux gros actionnaires - je vous renvoie à La Tribune à Libération. Cette mesure est indécente !
Avez-vous lu les prévisions de dépenses de Noël, en chute par rapport à l’an passé ? Avez- vous entendu parler de la crise qui a secoué les banlieues ?
M. COPÉ, ministre délégué. - Assez avec ces leçons de morale...
M. FOUCAUD. - Je vous rappelle la réalité, car si vous évoquez souvent la justice et l’égalité des chances, vos cadeaux vont à ceux qui tiennent le haut du pavé... ou plutôt du CAC40. Parmi les premiers bénéficiaires figurent - cela vous dérange de citer les noms, pas nous - M. Pélisson, dirigeant d’Accor, M. Thierry, des AGF, M. Tchuruk, d’Alcatel, M. Bébéar, d’Axa, M. Kempf, de Cap Gemini. Tous détiennent des milliers ou millions d’actions de leur groupe.
Cet article 17 bis est une provocation. M. Breton a eu le culot d’évoquer devant les députés, un « amendement de justice ». De qui se moque-t-on ?
Il est vrai que le ministre de l’Économie se sent solidaire de ces grands patrons, dont il a été. Mais c’est une justice... à deux vitesses.
Le gouvernement n’osant pas supprimer l’I.S.F., procède à des grignotages réguliers. Nous en sommes au quatrième ; la droite sénatoriale en prépare un cinquième ; et il y a le bouclier fiscal qui réduira l’impôt à la portion congrue. Monsieur le Ministre, renoncez à cet article, il est encore temps ! Sinon, redoutez une explosion de colère sociale !
Un peu plus de 330 000 contribuables acquittent 3,3 milliards d’euros au titre de l’I.S.F., soit une moyenne de 10 000 euros par patrimoine supérieur à 740 000 euros. Comme impôt confiscatoire, on fait mieux. Pendant ce temps, la T.V.A. à 19,6 % taille en pièces le pouvoir d’achat des salariés, les amendements du rapporteur général - plus subtil que M. Dominati - élargissent la brèche qu’ouvre l’article 17 bis en ajoutant toutes les formules possibles de détention d’actions. Et cela sur un patrimoine supérieur à 740 000 euros, soit onze fois le patrimoine médian des Français ! Preuve que ce n’est pas à tous que vous vous intéressez. Quand cesserez-vous d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres ?
Ce que vous proposez ? Des stocks- options financés par l’État, donc par les contribuables qui n’en reçoivent pas. Il fallait y penser !
Nous ne voterons aucun des amendements qui restent en discussion sur cet article, mais je relève une fois de plus que le gouvernement fait plaisir au rapporteur général en acceptant ses amendements dont il lève le gage.