Le système dont Nicolas Sarkozy s’est fait le héraut est en faillite

Déclaration du gouvernement sur la crise financière et bancaire

Publié le 8 octobre 2008 à 10:09 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a moins d’un an, tout paraissait aller bien. Il y a quelques semaines, Mme Christine Lagarde déclarait même que la crise était derrière nous.

Aujourd’hui, le système que vous défendez, celui dont M. Sarkozy s’est fait le héraut, est en faillite. Cette faillite, c’est celle de votre Gouvernement, de vos dogmes.

La pensée unique, fondée sur les vertus du marché et de la concurrence libre et non faussée et sur le culte de l’argent roi présenté comme valeur cardinale de notre société, s’écroule.

M. Sarkozy hier à Toulon, M. Fillon aujourd’hui tentent l’impossible : faire oublier en quelques jours leur responsabilité écrasante dans la crise terrible qui secoue la France et le monde et plonge les populations dans l’inquiétude et, déjà pour bon nombre de personnes, dans le désespoir du chômage et de la pauvreté.

Dans une manœuvre désespérée, vous montrez du doigt vos propres amis, les partisans du CAC 40 et leurs énormes privilèges. Mais vous n’arrivez pas à faire oublier que c’est votre politique, le système que vous adulez, qui leur a permis de faire main basse sur l’économie de notre pays. Vous ne pourrez masquer longtemps l’étroite complicité entre votre Gouvernement et les patrons.

M. Sarkozy veut refondre le capitalisme. Je suppose que l’aréopage que constitue une partie de ses amis, MM. Bolloré, Lagardère, Bouygues ou Arnault, sauront le conseiller efficacement sur ce point.

Les gesticulations aux sujets des parachutes dorés montrent bien les limites de votre exercice. Après avoir annoncé une loi, vous êtes déjà revenu à l’étude cas par cas.

Mme Annie David. Il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout !

M. Thierry Foucaud. Je vous annonce que je déposerai dès demain, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, une proposition de loi interdisant cette pratique scandaleuse.

Mme Annie David. C’est cela le courage politique !

M. Thierry Foucaud. Je demanderai au Gouvernement de la mettre en discussion et, au Sénat, de la voter.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Après le désastre américain et la disparition des banques d’affaires dans ce pays, l’ouragan s’abat sur l’Europe.

Un jour, c’est l’italien UniCredit qui est à deux doigts du dépôt de bilan ; le lendemain, c’est Hypo Real Estate, la banque des accédants à la propriété allemands, qui est à court de liquidités ; le surlendemain, c’est Fortis, principale banque de dépôt du Benelux, qui est sauvée in extremis par l’intervention des pays concernés et le rachat de ses actifs par BNP Paribas ; la banque Dexia est attaquée depuis plusieurs jours, malgré la recapitalisation que vous avez précipitamment conduite, tandis qu’on évoque le mariage des Banques populaires et des Caisses d’épargne, celles-ci victimes d’une gestion hasardeuse.

La situation est si grave que Gordon Brown, ce redoutable social-libéral, issu du modèle blairiste de la gauche qu’aime la droite, vient aujourd’hui même de recapitaliser, à hauteur de 65 milliards de livres sterling, les principaux établissements bancaires de Grande-Bretagne.

La nationalisation, véritable épouvantail de tout libéral qui se respecte, devient, du jour au lendemain, une bouée de sauvetage inespérée ! Pour renflouer les établissements financiers victimes des turpitudes spéculatives de leurs dirigeants, les responsables politiques occidentaux font la poche du contribuable.

Monsieur le ministre, nous n’acceptons pas ce nouveau vol : l’État va renflouer les affairistes pour leur rendre dès que possible des établissements assainis. L’intervention des pouvoirs publics doit être durable, car cette crise montre la pertinence d’une maîtrise politique des grands leviers économiques et financiers.

La situation est si grave que votre Gouvernement a décidé d’affecter la totalité de l’encours des livrets de développement durable au financement des petites et moyennes entreprises. Mais l’argent des livrets de développement durable ne servait donc pas aux PME, alors que c’est sa raison d’être ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)

Le recentrage soudainement mis en œuvre de cette épargne nous amuserait si la situation n’était pas si grave. Nous, parlementaires communistes, avons justement longtemps défendu l’affectation prioritaire de l’épargne des livrets de développement durable en direction des PME ! Vous rejetiez alors systématiquement nos amendements, en préférant diriger cette épargne vers des grandes entreprises plus impliquées dans la spéculation financière. Il faut considérablement développer l’aide au développement industriel.

Monsieur le ministre, il faut élever le plafond de cette épargne aujourd’hui ridiculement bas. Alors que 150 000 euros peuvent être placés sur une assurance vie, seuls 6 000 euros peuvent l’être sur un livret de développement durable. Votre dogme s’écroule, votre système est en faillite et les voyants sont dans le rouge. Le déficit et la dette explosent au point de renvoyer au placard le traité de Maastricht et ses critères libéraux.

La récession économique est enfin avouée après avoir été cachée, le chômage est durement relancé - que signifie d’ailleurs dans ce contexte la mise en œuvre de la réforme de l’ANPE ou celle du RSA ? -, l’inflation sur les produits frais et les dépenses liées au logement grimpent en flèche.

Allez-vous continuer à répéter, imperturbable, droit dans vos bottes, comme l’un de vos illustres prédécesseurs, que les réformes doivent continuer ?

Allez-vous maintenir ces déclinaisons du libéralisme que sont la privatisation, la concurrence, la spéculation, alors qu’elles emmènent la France, l’Europe et le monde dans le mur ?

Allez-vous maintenir ce paquet fiscal qui symbolise la crise actuelle, c’est-à-dire la collectivité sacrifiée à l’intérêt de quelques privilégiés ? (M. Guy Fischer applaudit.)

Confirmez-vous qu’un foyer a reçu un chèque de 230 000 euros au nom du bouclier fiscal ?

Allez-vous maintenir le « Travailler plus pour gagner moins » ?

Allez-vous stopper ces heures supplémentaires qui accroissent le chômage ?

La crise que nous vivons est grave, et la confiance que les gens nourrissent à l’égard du Gouvernement limitée.

Les enquêtes d’opinion le montrent : la majorité de nos compatriotes doute de la capacité du Gouvernement à faire face à la crise et, pour une écrasante majorité - 77 % dans un sondage du Parisien dimanche dernier -, c’est le système économique dans lequel nous vivons, c’est-à-dire le capitalisme, qui est en cause.

Pourtant, votre discours, monsieur le ministre, montre que, malgré les effets de manches de Nicolas Sarkozy, vous voulez revenir au plus vite aux pratiques antérieures, dès que l’orage sera passé.

Quoi d’étonnant à cela ? Depuis quarante ans, vous avez soutenu et conçu les politiques de spéculation financière et monétaire, la déréglementation et la mondialisation bancaires, avec leurs corollaires : privatisation des services et entreprises publics, à commencer par les banques et compagnies d’assurance nationalisées en 1945, marchandisation des besoins collectifs, instrumentalisation des deniers publics au seul bénéfice de cette financiarisation accrue.

Pour couronner le tout, la construction européenne nous prive d’un moyen essentiel d’intervention effective dans la résolution de la crise.

Le traité de Lisbonne, qui fait de l’indépendance de la Banque centrale européenne l’un des pivots de l’Union et du pacte de stabilité l’alpha et l’oméga des finances publiques, est au cœur du cyclone.

M. Trichet, qui fronce les sourcils pour 3 % de déficit, ne mobilise-t-il pas pourtant 300 milliards d’euros par jour - soit l’équivalent du budget de la France - pour sauver les marchés financiers ?

Il ferait bien mieux de baisser de manière plus nette encore le taux directeur de la BCE, pour alléger le coût du crédit interbancaire.

Quand va-t-on décider de redéfinir les contours de l’intervention de la BCE ? Quand va-t-on se décider à procéder à la nécessaire révision du traité européen, abandonnant par là même la ratification d’un texte qui, après le « non » des électeurs français, néerlandais et irlandais, est condamné par la crise financière ?

À la lumière des événements récents, j’invite tous nos collègues ayant ratifié le traité de Lisbonne à s’interroger sur leur vote.

Plutôt que de laisser la main occulte du marché tout réguler de manière harmonieuse, il est temps, en effet, de faire en sorte que les États et la politique, au sens noble du terme, reprennent la main. La nationalisation des établissements de crédit en difficulté ne suffit pas. L’argent public ne doit pas servir qu’à socialiser les pertes d’un secteur privé qui ne se prive guère de gaspiller l’argent.

La question d’une nationalisation du crédit et de l’assurance est posée, pour revenir sur le mouvement engagé en 1986, mobiliser l’argent et répondre aux exigences du développement de l’économie réelle et de la société en général.

À ce propos, comment ne pas noter qu’une grande banque, nationalisée en 1945, privatisée en 1986, a finalement été renationalisée partiellement au cours du week-end ? Il y a pourtant une nuance : en 1945, c’est l’État français, soucieux de disposer des moyens de la reconstruction du pays, qui avait nationalisé la BNP. Dimanche dernier, c’est le royaume de Belgique qui est devenu l’actionnaire de référence de la banque à hauteur de 12 % !

Dans le même ordre d’idées, il est temps de relever les plafonds de l’épargne défiscalisée, le taux de la participation des entreprises à l’effort de construction, et l’ensemble des sources de financement déconnectées de la règle des marchés financiers.

Il faut, en France et en Europe, une sélectivité nouvelle du crédit, fondée sur une réduction des taux d’intérêt et un soutien réel à la création de richesses, par une bonification des crédits accordés aux entreprises investissant et créant des emplois.

En voilà assez de voir les banques se procurer des ressources en puisant dans l’épargne des salariés ! Surtout si c’est pour l’engloutir ensuite dans des rachats de créances « pourries » d’outre-Atlantique, selon le processus qui a été largement mis en lumière par la crise actuelle ! L’argent des banques, c’est celui des salariés : ils l’ont gagné en produisant des biens et des services. Il est temps qu’il leur revienne !

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. Je conclus, monsieur le président.

Monsieur le ministre, l’heure est grave. Nous vous exhortons à tirer les leçons de vos échecs et à informer le peuple et ses représentants de la réalité de la situation. Démocratie et transparence seront les clés du redressement économique et social.

Tels sont les points qu’il était nécessaire, selon nous, de souligner.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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