« Je serai le Président du pouvoir d’achat », c’est ainsi que, en 2007, le candidat Nicolas Sarkozy tentait de séduire l’électorat populaire pendant la campagne électorale.
M. Guy Fischer. Il a menti !
M. Thierry Foucaud. Deux ans et demi plus tard, après l’explosion de la bulle financière des marchés boursiers, où en est-on ? Où sont passées les promesses d’hier ?
Mme Éliane Assassi. À la trappe !
M. Thierry Foucaud. Aujourd’hui, la France compte tant de chômeurs qu’il faut truquer tous les mois les statistiques en inventant de nouvelles catégories de sans-emploi pour masquer le mal profond qui ronge le pays. Grâce à ces artifices, on transforme 4 millions de privés d’emploi en 2,6 millions !
La valeur travail que l’on prétendait réhabiliter a fait place à de l’inquiétude à cause de la précarité et du stress. Dans bien des cas, le travail est presque une maladie qui se décline aussi en suicides de salariés, victimes des cadences, de la productivité et de règles de management libéral doctrinaires et dépassées.
Qu’en est-il du pouvoir d’achat ?
Celui des fonctionnaires est régulièrement ponctionné, celui des salariés du privé souffre, en particulier du chômage technique, et les ménages puisent de plus en plus dans leur épargne pour faire face au quotidien.
Quant à la baisse des impôts, à qui profite-t-elle ?
Ni aux salariés, ni aux consommateurs, ni aux familles, qui voient chaque jour ou presque apparaître une nouvelle taxe qui s’ajoute aux autres : taxe carbone, péages urbains, taxe sur les achats de poisson, hausse continue des taxes sur l’essence, flambée des impôts locaux du fait des transferts aux collectivités locales non compensés, hausse déguisée de l’impôt sur le revenu pour les salariés modestes et moyens. Voilà le bilan de deux ans et demi de sarkozysme !
M. Robert Hue. C’est vrai !
M. Thierry Foucaud. Ce bilan comprend aussi l’allégement de l’ISF, de la fiscalité du patrimoine, de l’imposition des plus hauts revenus ainsi que le renforcement du bouclier fiscal, …
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Thierry Foucaud. … toutes mesures ne profitant qu’à une minorité de privilégiés, qui savaient fort bien que le discours du printemps de 2007 n’était que de façade.
Ce projet de loi de finances en est une démonstration remarquable et quasi caricaturale : on supprime la taxe professionnelle – mesure attendue depuis trente ans par le MEDEF – et on invente la taxe carbone.
Avec les amendements du Sénat, 11,5 milliards d’euros sont donnés au patronat et 4,5 milliards d’euros sont prélevés sur les autres.
On continue de mettre en cause la demi-part des mères célibataires, mais on permet à quelques contribuables âgés aisés de faire une donation à leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants.
On taxe les accidents du travail, réduisant l’initiative parlementaire à la conception de mauvais coups contre le monde du travail, …
M. Guy Fischer. C’est une honte !
Mme Annie David. C’est indécent !
M. Thierry Foucaud. … ou on alourdit l’impôt sur le revenu des ménages salariés, mais on poursuit les cadeaux fiscaux aux détenteurs de patrimoine, aux spéculateurs immobiliers, tandis que le contrôle fiscal se relâche à l’encontre des plus grandes entreprises et des plus fortunés.
Pour faire bonne mesure, on supprime au passage plus de 36 000 emplois de fonctionnaires, laissant sur le carreau autant de jeunes à la recherche d’un emploi stable.
On comprime, on réduit les dépenses au nom d’une orthodoxie libérale totalement inadaptée.
Pendant ce temps, les déficits grimpent, la dette augmente et, bien sûr, la reprise n’est pas au rendez-vous. Deux ans et demi de sarkozysme, ce sont 150 milliards d’euros de déficits publics et 1 200 milliards d’euros de dette publique.
La seule reprise à laquelle on assiste, c’est celle du chômage avec un flot de 52 400 nouvelles inscriptions en octobre dernier, portant le nombre de chômeurs supplémentaires pour cette année à plus de 500 000. Je note d’ailleurs que le mot « chômeur » n’a pas beaucoup été prononcé pendant l’examen du projet de loi de finances du côté droit de l’hémicycle.
M. Gérard Longuet. Nous parlons d’emploi !
M. Thierry Foucaud. Nous ne saurions non plus nous satisfaire que la France enregistre une récession de deux points en 2009. Car nous savons parfaitement que ce sont les salariés qui en paieront le prix fort et que les outils dont le Gouvernement entend se servir pour la relance sont pour le moins dangereux, voire carrément inefficaces, à l’instar de cette réforme du crédit d’impôt recherche qui n’a relancé que le volume de la dépense fiscale en faveur des entreprises ou, plus précisément, de leur optimisation financière.
J’en reviens à la taxation des accidents du travail.
Cette disposition consistera à rendre imposable l’indemnité dont bénéficiera un policier blessé en mission, placé en incapacité temporaire de travail. Que la majorité sarkozyste puisse ainsi oublier les plus sûrs défenseurs de la loi et de l’ordre nous surprend quelque peu !
Oui, cette disposition est obscène ! C’est une insulte faite au monde du travail et, tout comme mon groupe, j’ai honte. (M. Guy Fischer applaudit.)
Pour le reste, que dire de plus ?
On a fait de la discussion de la réforme des finances locales et, surtout, de la suppression de la taxe professionnelle, la première manifestation d’une réforme des collectivités locales autoritaire et dirigiste.
Ce gouvernement n’aime pas, pas plus que sa majorité, la démocratie de proximité. Il n’apprécie pas le dévouement, pourtant souvent désintéressé, de nos centaines de milliers d’élus locaux. Ce sont pourtant eux qui font vivre au quotidien le creuset où se forge la parole de la France, parole que MM. Sarkozy et Besson veulent enfermer dans leur conception étriquée, sectaire et politicienne de l’identité nationale.
Nous nous faisons, nous, une autre idée de la France, généreuse et solidaire, en tous points opposée à celle que s’en font les patrons de l’économie mondialisée !
Le projet de loi de finances pour 2010 tourne le dos à cet idéal républicain. Il vient s’ajouter au bilan calamiteux de l’actuel Président de la République.
Les lois de circonstance et d’affichage entraînent confusion et inefficacité. Les lois « faits divers » débouchent sur la hausse de la délinquance et les lois sur le pouvoir d’achat sur la paupérisation des salariés. Il est temps, il est grand temps de changer de politique !
Et pourquoi ne pas changer aussi le capitalisme, comme si était si fièrement engagé Nicolas Sarkozy ?
Mes chers collègues, des signes semblent clairement montrer ces derniers temps que d’autres voies sont possibles, à l’instar de la mobilisation populaire contre le projet de loi préparant la privatisation de La Poste. Dans la France profonde, des élus, des citoyens de toutes obédiences, y compris des proches de l’actuelle majorité parlementaire, ont manifesté leur attachement au service public postal.
De même, les élus locaux ont parfaitement compris que la fiscalité locale serait désormais durablement supportée par les familles. Peu à peu, les collectivités locales vont être asphyxiées et l’existence des communes menacée.
Aujourd’hui, les salariés de France Télécom sont en mouvement dès que l’un de leurs collègues met fin à ses jours, victime du stress. Le monde du travail est à nouveau en situation de combat politique direct contre le patronat sur le sens de la valeur travail. Le travail ne peut être une maladie qui pousse au suicide. Le Président du travail et du pouvoir d’achat devrait l’entendre.
Aujourd’hui, les agents des musées, attachés à la notion de service public culturel, sont en lutte contre la marchandisation de leur métier.
Aujourd’hui, les salariés de Radio France International luttent contre le démantèlement de l’outil essentiel de connaissance de notre pays dans le monde qu’est ce canal radiophonique.
Aujourd’hui, les journalistes et les personnels de l’Agence France-Presse luttent contre le démantèlement du statut de l’Agence.
Aujourd’hui, les hospitaliers, des aides-soignants aux chefs de service et doyens de CHU, sont vent debout contre la réforme de l’hôpital qui vise à détruire l’équipement sanitaire de notre pays.
Aujourd’hui, les chauffeurs routiers sont sur le point de déclencher un mouvement social majeur.
Aujourd’hui, les agriculteurs, enfin libérés de la pression des alliés du MEDEF, toujours au premier rang pour tenter de canaliser et d’enrayer les mécontentements, exigent leur dû et une juste rémunération de leur travail, qu’il s’agisse des producteurs de fruits et de légumes ou des producteurs laitiers.
Ces revendications multiformes se sont traduites, tout au long de l’année 2009, par bien des événements et des manifestations.
L’action revendicative est d’ailleurs criminalisée dans la France de Nicolas Sarkozy, comme le montre le cas de SFR, dont la direction veut interdire à certains syndicats d’exister au motif qu’ils agissent contre le système économique en vigueur.
Ces manifestations de la vitalité démocratique de la société française et du monde du travail, vous ne les appréciez guère, chers collègues de la majorité !
Au terme de cette discussion budgétaire, qui a montré une fois de plus les limites des choix libéraux dont notre pays est depuis si longtemps victime, nous voyons dans les mobilisations qui montent, dans la vitalité de la contestation, dans la prégnance des critiques et des oppositions aux choix faits par le Gouvernement de réels signes d’espoir.
La confiance dans la toute puissance du marché et de l’économie libérale ayant été très entamée par les événements de l’an dernier, le besoin de construire autre chose se fait de plus en plus fort.
Nous avons tenté au cours de l’examen de ce projet de loi de finances de tracer des pistes et de proposer d’autres voies politiques, car la France en a le plus urgent besoin.
Rendre toute son efficacité sociale à l’impôt, décourager la spéculation financière, faire justement contribuer les entreprises au bien commun, assurer une nouvelle orientation de la dépense publique plus conforme aux besoins et aux attentes de la population, tel a été le fil rouge de notre démarche.
La plupart de nos propositions ayant été repoussées, elles sont contributions pour construire et penser l’après, cet après que nous attendons avec une patiente ardeur, pour faire enfin droit à la justice et à l’égalité, pour proposer au peuple de ce pays les véritables réformes qu’il attend et sortir de la crise !
En remerciant l’ensemble des agents du Sénat pour leur disponibilité et leur dévouement, je ne peux que vous confirmer, mes chers collègues, qu’en parfaite connaissance de cause le groupe CRC-SPG ne votera pas le projet de loi de finances pour 2010 tel qu’il résulte des travaux du Sénat.