Déclaration du gouvernement sur les prélèvements obligatoires

Publié le 6 novembre 2006 à 10:39 Mise à jour le 8 avril 2015

Ce débat est avant tout un débat sur des choix de société qui traduisent des choix politiques et idéologiques.

Nous vivons dans une société marquée par les inégalités de revenus et de patrimoine. Le gouvernement s’est lancé depuis 2002 dans une réforme fiscale qui les aggrave : suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, aménagements de l’imposition des plus-values, plafonnement de la taxe professionnelle, transformation de barème de l’impôt sur le revenu et multiples mesures d’évasion fiscale. La part des droits indirects perçus par l’État ne cesse de croître, ajoutant l’injustice fiscale aux inégalités sociales grandissantes ! Avec la fiscalité des donations et des successions, avec l’impôt de solidarité sur la fortune, ou celui des revenus mobiliers, ce sont les patrimoines les plus élevés et les revenus les plus importants qui ont tiré parti de l’essentiel des dispositions votées, tandis qu’étaient consolidés les droits et impôts indirects, essentiellement subis par les ménages modestes.

Pour quel résultat ? La croissance se porte-t-elle mieux ? La création d’emplois est-elle au rendez-vous ?

Depuis le début de la législature, près de 300 000 emplois ont été perdus dans l’industrie et le bâtiment. S’ajoute à cela la chute de 2,7 % de la consommation des ménages en septembre, pourtant mois de la rentrée scolaire, et l’accroissement spectaculaire du nombre des ménages surendettés.

L’emploi est tout aussi révélateur de l’échec de votre politique. Malgré les cadeaux fiscaux, malgré les allégements de cotisations sociales, nous sommes passés entre 2001 et 2005 d’un rythme de création d’emplois supérieur à 450 000 à une création à peine supérieure à 40 000 en 2005, les destructions d’emplois industriels n’étant compensées ni par la création d’emplois précaires dans le tertiaire, ni par les effets des contrats aidés, ni par la précarisation grandissante des travailleurs indépendants.

En 2006, ce n’est que par la montée en charge du plan de cohésion sociale et la radiation administrative des demandeurs d’emploi que l’on parvient à laisser croire à une amélioration. À cause des plans de restructuration du secteur nous comptons aujourd’hui moins d’emplois industriels qu’en 1970.

Voilà le résultat de la politique menée depuis 2002, qui ne fait que relayer, dans la loi, les revendications les plus anti-économiques et anti-sociales du Médef.

Le poids des prélèvements obligatoires est resté stable, aux alentours de 44 % du P.I.B., contrairement aux promesses. Dans le même temps, la structure de nos prélèvements a évolué vers plus de droits indirects au sein des recettes de l’État, plus de prélèvements sociaux et plus de prélèvements se substituant aux obligations fiscales et sociales hier fixées aux entreprises.

Nos compatriotes payent plus de taxe intérieure sur les produits pétroliers, plus d’impôts locaux et plus de cotisations sociales, mais les services publics locaux se détériorent, la couverture des dépenses de santé régresse, les pensions de retraite diminuent et l’État se désengage de l’école, de la sécurité, du logement et de la précarité.

Après avoir rompu le pacte fiscal républicain, vous utilisez la perversion accélérée de notre système fiscal pour pousser plus avant les feux de la réduction des dépenses publiques.

Contrairement à bien des pays de l’O.C.D.E., notamment ceux du G8, la France a opté, dès la Libération, pour une large socialisation de la protection sociale, pour un développement de la formation et de la scolarité, pour l’extension de l’intervention publique.

Comparer les prélèvements obligatoires en France et aux États-Unis n’a guère de sens, puisque la dépense de santé publique prise en charge par l’impôt outre Atlantique ne couvre que l’équivalent de notre C.M.U. La même remarque vaut pour la retraite, où l’intervention publique assure l’équivalent du minimum vieillesse !

Si l’on ajoutait aux impôts locaux et fédéraux américains le montant des assurances maladie et des cotisations aux fonds de pension versés par les salariés, on parviendrait sans doute à des prélèvements similaires aux nôtres.

Le caractère facultatif des versements aux assurances individuelles y est fort estompé : à défaut de contribuer personnellement, chaque Américain risque la pauvreté.

De nombreux libéraux entretiennent en France le débat sur les prélèvements obligatoires pour faire accepter à notre peuple un recul de civilisation.

Pour une large part de la majorité, la dépense publique est parée de tous les défauts, ou presque ! Vous voulez la réduire, félicitant le gouvernement d’avoir inscrit cette orientation dans la loi de finances 2007 et proposez à nouveau d’en transférer le financement sur la T.V.A., comme pour les cotisations sociales.

Je note que les gâchis de ressources créées par le travail des salariés, ne suscite pas la même indignation.

C’est la fameuse « T.V.A. sociale », votre proposition phare. Une telle disposition serait probablement source de récession économique. Ainsi, l’Allemagne s’apprête à constater une perte de croissance d’un pour cent du fait de la hausse de la T.V.A. prévue par le gouvernement de Mme Merkel. En outre, elle ne couvrira pas toutes les cotisations demandées aux entreprises,... à moins de réduire la protection sociale collective !

À de multiples reprises depuis 2002, les Français ont manifesté leur volonté de voir la puissance publique jouer pleinement son rôle. D’ailleurs, les enquêtes d’opinion mettent en cause la logique libérale qui vous anime, et en particulier la démarche du candidat que vous vous apprêtez à soutenir pour l’élection présidentielle : les Français ne veulent pas de la rupture avec tout ce qui a participé, depuis soixante ans, aux progrès de la société. S’ils attendent une rupture, c’est avec les politiques libérales menées depuis trop longtemps !

Nous entendons rendre son sens à l’action publique, à une juste fiscalité des citoyens selon leurs revenus, à une fiscalité sur les sociétés et les revenus financiers prenant en compte leur contribution au développement économique et à l’emploi.

La France a besoin de souffle et d’audace pour répondre aux attentes et inquiétudes.

Quel pays allons-nous laisser à la jeunesse - qui a tant marqué son rejet d’un libéralisme agressif au printemps dernier, en combattant la précarisation renforcée de l’emploi, votre seule solution face à la crise sociale touchant les quartiers sensibles et les zones les plus rurales du pays ?

Quelles réponses allons-nous apporter aux défis environnementaux, à la protection du patrimoine de notre pays ?

Quelle place entend-on donner à notre pays dans le concert des nations, pour jouer une partition plus conforme aux exigences de développement des pays du Sud, éloignées des aventures guerrières de M. Bush en Irak ou de la construction du mur qu’il entend réaliser sur la frontière mexicaine ? Car le partisan de la libre concurrence économique débridée, du libre échange commercial sans rivage ni frontière fait construire la plus inepte barrière devant le flot humain de l’Amérique latine à la recherche de conditions décentes de vie !

En ayant à l’esprit toutes ces questions, nous mènerons notre action parlementaire, en prenant à témoin l’ensemble de nos compatriotes !

Bernard Vera

Ancien sénateur de l'Essonne
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