Débat d’orientation budgétaire pour 2008

Publié le 24 juillet 2007 à 17:03 Mise à jour le 8 avril 2015

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire portant sur le projet de loi de finances pour 2008 est fortement conditionné par la discussion du projet de loi prétendument « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat », qui va lui succéder cette semaine dans le cadre de nos travaux en séance publique.

En effet, comment discuter des orientations du projet de loi de finances pour 2008 sans avoir à l’esprit le fait que les marges de manoeuvre de l’État, et donc de la représentation parlementaire, seront largement obérées, lors des débats de l’automne prochain, par les attendus et les effets potentiels de ce texte ?

Tout de même, ce n’est pas tous les jours - les plus récentes discussions budgétaires l’ont montré - que l’on discute d’un projet de loi dont les effets financiers s’élèvent à 10 milliards d’euros dès la première année d’application et peuvent atteindre 15 milliards d’euros en régime de croisière ! Cette présentation est d’ailleurs imparfaite - mais nous en reparlerons le moment venu -, puisque l’évaluation réelle de l’impact de la loi sur les comptes publics n’a pas été réalisée !

Parlons donc de la situation des comptes publics.

Évidemment, le gouvernement actuel ne manquera pas de se positionner, comme le débat d’hier nous l’a montré, dans le droit fil des orientations budgétaires des années écoulées et des résultats, qu’il considère encourageants, de l’exécution 2006.

Il convient d’ailleurs de tempérer quelque peu l’enthousiasme ambiant en rappelant, notamment, que le cumul des déficits budgétaires de la précédente législature se situe aux alentours de 230 milliards d’euros en valeur courante, donc entre 240 et 250 milliards d’euros en valeur constante, ce qui représente plus du quart du montant actuel de la dette publique de l’État !

Une partie non négligeable de la réduction du déficit budgétaire tient aux changements de périmètre de la dépense budgétaire de l’État. La non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, par exemple, si elle affecte positivement les comptes de l’État en réduisant le déficit comptable, grève bien évidemment ceux de la sécurité sociale.

On ne peut manquer, à ce propos, de souligner la détérioration très sensible des comptes sociaux, malgré - ou à cause de ? - la mise en oeuvre de la réforme Fillon concernant le régime de l’assurance vieillesse et de la réforme Douste-Blazy sur le régime de l’assurance maladie, ...

M. Guy Fischer. Des échecs !

M. Thierry Foucaud. ... deux réformes qui ont effectivement échoué.

Enfin, comme nous l’avons dit à propos de la loi de règlement du budget de l’année 2006, la réduction sensible des dépenses d’équipement et la compression des dépenses d’intervention constituent les sources principales de la réduction des dépenses budgétaires.

Ainsi, entre 2002 et 2006, si le déficit de l’État est passé de 49,3 à 36,16 milliards d’euros en exécution, le montant des dépenses d’équipement est passé de 28,14 à 12,71 milliards d’euros.

Quant au montant des dépenses d’intervention, fortement soumises aux effets de périmètre, notamment depuis le transfert du revenu minimum d’insertion aux collectivités locales et le cantonnement des dépenses liées aux exonérations de cotisations dans les comptes de la sécurité sociale, il a également été réduit, passant de 78,74 milliards d’euros, en valeur 2002, à 64,55 milliards d’euros, en valeur 2006 !

Ces deux postes de dépenses ne représentent plus aujourd’hui que 29 % des dépenses budgétaires de l’État, contre 38,5 % en 2002.

Bien entendu, le Gouvernement entend poursuivre sa démarche de réduction de la dépense publique.

Il persiste pour plusieurs raisons : ses engagements européens, et notamment les contraintes nées de la participation à la monnaie unique, sous les critères retenus par les traités européens ; l’ardente obligation de tenir ses promesses électorales, et donc d’en atténuer l’effet sur la situation des comptes publics ; enfin, le fait qu’il ne peut plus guère « taper » dans les crédits d’intervention ou d’équipement, ce qui le porte naturellement à remettre en question les dépenses de personnel.

L’habillage de la mesure est déjà éculé. Il s’agit de moderniser l’État, de réduire de manière générale la dépense publique afin que l’État soit plus proche et plus efficace, et je passe sur les autres fariboles et discours convenus que l’on entend en la matière dès qu’il s’agit de fermer, ici une école rurale, là une maternité, ailleurs une recette-perception ou un bureau de poste.

Dans les faits, il s’agirait de maîtriser, en 2008, la progression ordinaire des dépenses de personnel, par le biais de la suppression d’un emploi budgétaire sur deux départs en retraite.

Toutes les politiques menées en ce domaine depuis 2002 ont abouti à comprimer les dépenses de personnel.

Il s’agit aujourd’hui de franchir une étape supplémentaire, en supprimant environ de 35 000 à 40 000 emplois publics, dont une part bien trop importante dans l’éducation nationale. Dans le même temps, on demandera sans vergogne aux collectivités locales, comme le fait Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, de mettre encore un peu plus la main à la poche pour prendre en charge la dépense publique d’éducation.

Mais cela n’est presque rien au regard des mesures contenues dans le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dit projet de loi « TEPA », dont l’impact est essentiel et contraint les données du budget 2008.

En réfléchissant de manière macroéconomique, on peut escompter que les mesures prises conduiront, dans les faits, à accroître la consommation populaire et l’investissement en logement des ménages, et permettront a priori de soutenir l’activité et de faire apparaître des éléments de croissance créateurs de nouvelles marges financières. Mais rien n’est moins sûr !

Tout d’abord, les heures supplémentaires effectuées ne seront pas nécessairement plus nombreuses qu’aujourd’hui et, dans ce cas, la production de biens et de services demeurera inchangée, tandis que la défiscalisation amputera encore davantage les recettes fiscales de l’État et de la sécurité sociale.

Il se peut, ensuite, que les achats de logements portent uniquement sur les stocks d’invendus existants.

Enfin, il n’est pas interdit de penser que les mesures d’allégement de l’impôt des contribuables les plus aisés ne conduiront qu’à une nouvelle augmentation des placements financiers, dont le traitement fiscal dérogatoire est générateur de nouvelles moins-values.

Mme Nicole Bricq. Ah oui !

M. Gérard Delfau. C’est l’objectif !

M. Thierry Foucaud. Des effets contraires à la logique économique, notamment en matière de hausse des prix de l’immobilier, sont également à craindre.

La question est de savoir - c’est l’enjeu essentiel du projet de loi de finances pour 2008 - si nous disposerons d’un niveau de croissance suffisant pour mener à bien la réduction des déficits publics et si la loi « TEPA », qui gage par avance la loi de finances, permettra d’atteindre ces objectifs. Encore une fois, rien n’est moins sûr, aucune loi de finances de la législature écoulée n’ayant été exécutée avec la croissance attendue.

Je rappelle, au demeurant, qu’une loi dont la teneur était proche de celle du projet de loi « TEPA », votée lorsque M. Sarkozy était ministre de l’économie et des finances, avait entraîné, pour 2003 et pour 2004, le déficit budgétaire le plus important de la législature.

M. Gérard Delfau. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n’est pas resté très longtemps à ce poste !

M. Guy Fischer. Peut-être, mais nous nous en rappelons !

M. Thierry Foucaud. Mais, en peu de temps, il a fait fort !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a lancé des mesures qui ont ensuite porté leurs fruits !

M. Thierry Foucaud. Je dirai quelques mots à propos de ces « fruits », monsieur le rapporteur général !

Nous ne pouvons, dans le cadre de ce débat d’orientation budgétaire, que rappeler nos positions de fond concernant les choix budgétaires du Gouvernement.

Nous constatons que ces choix, aujourd’hui confirmés et amplifiés, n’ont pas permis une amélioration globale de la situation économique. Croissance réduite, dévaluation du travail, atonie salariale - stagnation du pouvoir d’achat des salariés en 2004 et en 2005, puis augmentation de 1 % seulement en 2006 -, déficits publics persistants, creusement des dettes de la sécurité sociale, envolée de la dette publique, cette dernière passant de 613 milliards d’euros à la fin de 2001 à 920 milliards d’euros à la fin de 2007 : telles sont les conséquences de votre politique économique !

D’autres choix budgétaires, facteurs d’un véritable développement de la croissance, sont donc indispensables.

C’est l’une des principales leçons qu’il convient de retenir de nos plus récents débats. Alors même que vous avez pollué, cette année, le débat électoral en agitant l’épouvantail de la dette publique, vous nous annoncez que nous avons désormais les moyens, par un coup de baguette magique, de supporter les conséquences d’une réforme fiscale d’une ampleur inégalée - de 10 à 15 milliards d’euros ! -, consistant à alléger considérablement le montant des prélèvements opérés sur les entreprises, ainsi que sur les revenus et patrimoines des ménages les plus fortunés.

Monsieur le rapporteur général, selon vous, la dette serait « insupportable ». Permettez-moi de dire que, l’insupportable, c’est l’allégement de l’impôt sur la fortune, le bouclier fiscal renforcé, la volonté, que vous avez encore confirmée ce matin, d’augmenter la TVA...

M. Guy Fischer. Toujours pour les mêmes !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela créera de nouvelles richesses !

M. Guy Fischer. Et les pauvres seront toujours plus pauvres !

M. Thierry Foucaud. Ce discours, monsieur le rapporteur général, vous le tenez depuis un certain temps,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. J’y crois beaucoup !

M. Thierry Foucaud. ...mais ça ne « marche » pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela peut marcher !

M. Thierry Foucaud. Cela marche si peu que le SMIC ne recevra pas cette année le « coup de pouce » attendu !

M. Gérard Delfau. Eh oui !

M. Thierry Foucaud. L’insupportable, monsieur le rapporteur général, ce sont les suppressions d’emplois.

C’est cette politique qui est facteur de la dette, et c’est pour la financer que l’on demande aux plus modestes de nos compatriotes de signer un chèque en blanc aux plus riches d’entre nous, puisque la réduction des impôts de ceux-ci sera gagée sur le démantèlement des services publics de l’éducation, de la santé, du logement social, de la lutte contre les exclusions, et j’en passe !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite pouvoir vous convaincre un jour !

M. Thierry Foucaud. Le budget de 2008 risque donc de consacrer l’abandon d’une fiscalité juste et efficace au profit exclusif d’un démembrement de l’action publique, rendant beaucoup plus aléatoire toute politique de réduction des inégalités sociales comme des inégalités de développement des territoires.

Ces orientations tournent le dos aux exigences d’un développement durable, soutenable et coordonné ; elles correspondent à des choix que nous avons toujours récusés et que nous continuerons à récuser sans ambiguïté.

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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