Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La France est un pays riche d’atouts variés et nombreux : une main d’œuvre bien formée et qualifiée, une jeunesse capable d’initiative et d’engagement pour les causes les plus estimables, un secteur associatif pourvu d’une vitalité importante, des infrastructures de qualité, des entreprises publiques et un secteur public qui nous est envié de par le monde.
C’est en s’appuyant sur ces atouts, ces potentiels que nous avions déposé, lors de la discussion générale, une motion opposant la question préalable au projet de loi de finances pour 2005.
Nous pensions, au début de ce débat, et nous continuons de penser, près de trois semaines après, que votre budget était socialement injuste, tournant le dos à l’avenir ; qu’il constitue une ’ erreur ’ politique et économique.
Ce budget 2005 ne propose ni solidarités, ni perspectives d’avenir.
Il ne répond pas aux attentes de notre peuple, marqué par le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, l’accroissement des impôts, inquiet de la remise en cause des 35 heures, frappé de plein fouet par la flexibilité, la précarité, l’augmentation de la productivité au travail.
La France est en effet déjà l’un des pays au Monde où la rentabilité est la plus importante.
Ce qui n’empêche que vous ne préconisiez aujourd’hui, au nom de cette ’ tarte à la crème ’ qu’est l’attractivité du territoire, que la diminution des dépenses sociales, la réduction des emplois publics, les mesures d’allégement fiscal pour les plus riches et pour les entreprises ( nous y reviendrons ).
Ce budget, au lieu de donner plus de moyens au service public, à l’école, à la recherche, est placé sous la soumission des marchés financiers.
Des 20 milliards de ressources que vous attendez de la croissance, vous allez, une fois encore, comme cette année, en consacrer l’essentiel à la réduction du déficit.
Mais la réduction arbitraire du déficit n’a jamais entraîné la réduction des inégalités sociales, comme le prouvent à l’envi les politiques menées depuis plusieurs années.
Pour le reste, comme d’habitude, vous nous avez proposé les mêmes recettes et les mêmes utilisations de l’argent public : après une baisse de l’impôt sur le revenu qui n’a vraiment profité qu’à 1 % des contribuables, vous avez, cette année, baissé les droits de succession sur les hauts patrimoines, et voté un nouveau dispositif pour les emplois à domicile qui ne profitera qu’à 70 000 foyers fiscaux, soit 0,2 % de ceux-ci…
Pour ces gens là, le budget 2005, c’est la prime de Noël, c’est Noël avant l’heure, d’autant que vous nous avez gratifié d’un scandaleux débat sur l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Dans ce contexte, tout indique que l’hypothèse de croissance retenue pour ce budget 2005 sera de plus en plus difficile à tenir, les 2,5 % retenus étant plus un ’ objectif ’ qu’une réalité.
De fait, ce chiffre n’a permis que de caler le déficit du budget de l’Etat autour de 45 milliards d’euros, pour faire plaisir aux marchés financiers et aux instances européennes.
Pour autant, de nombreux économistes envisagent de plus en plus une croissance inférieure à 2 %.
De fait, à peine votée la loi de finances, le nouveau Ministre de l’Economie gèlera tout ou partie des crédits votés, en attendant des jours meilleurs pour les engager, ou valider leur annulation dans un collectif de fin d’année, comme il l’a fait pour plus de deux milliards d’euros cette année !
Et tant pis si c’est l’ensemble de la population, l’ensemble des salariés, la grande, très grande masse des oubliés de ce projet de loi de finances qui en subira les conséquences.
Tant pis si l’argent public, denrée à la fois rare et abondante ( le budget de l’Etat, c’est tout de même 300 milliards d’euros ), ne sert qu’à faire des cadeaux fiscaux aux plus riches, aux plus aisés, aux entreprises et ce, sans contrepartie ni pour la croissance, ni pour l’emploi, ni pour faire reculer discriminations et injustices.
En fait, tout se passe comme si, devant la situation que vivent des millions de nos compatriotes ( nous comptons 3 millions de chômeurs officiels, autant de mal logés, 4 millions de personnes en situation précaire ), ce qui importait le plus à vos yeux était, comme toujours, comme jadis, d’assurer coûte que coûte la rentabilité du capital !
Tout se passe comme si le MEDEF, à lui tout seul, constituait le 26e Etat de l’Union Européenne, ou le véritable ’ cabinet fantôme ’ de ce Gouvernement !
Problème du logement ?
Quelle solution ?
Priorité à la rentabilité de l’investissement immobilier !
Problème de l’emploi ?
Quelle solution ?
Priorité à l’allégement des cotisations des entreprises, à l’allégement du coût du travail, au développement de la flexibilité, de la précarité, à l’explosion des heures supplémentaires !
Problème de la fiscalité ?
Quelle solution ?
Priorité à la baisse de l’impôt sur la fortune, sur les droits de succession des plus gros patrimoines, à la baisse de l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu des ménages aisés !
Et tant pis, effectivement, si le plus grand nombre, les salariés, les retraités, les ménages modestes continue de subir la hausse continue des prélèvements sociaux et fiscaux !
Posons la question.
Qu’est ce que la politique menée depuis le printemps 2002 a changé dans la vie de la Nation ?
Vous avez soutenu quelle politique mes chers collègues, pour quel résultat ?
En 2003, 80 000 emplois ont été détruits et l’industrie nationale continue de décliner, sans que les emplois de service ne viennent compenser cette saignée d’emplois industriels, bien au contraire.
L’argent public a donc contribué à financer les plans sociaux et les délocalisations.
Ainsi les effets des mesures prises en faveur de l’hôtellerie et de la restauration, de l’aveu même d’André DAGUIN, ’ tardent à se faire attendre ’, doux euphémisme pour dire que les entreprises se sont contentées de toucher le pactole.
Et force est de constater que cela risque fort de continuer.
La réduction du barème de l’impôt sur le revenu a gonflé le taux d’épargne des ménages car les mesures les plus significatives ont concerné les plus hauts revenus qui n’en avaient nul besoin.
L’impôt sur le revenu, en France, ne constitue que 3,5 % du PIB.
Sa réduction n’a pas donné de coup de pouce à la croissance, mais a favorisé, une fois de plus, l’épargne des plus aisés !
Ainsi en est il de l’investissement immobilier, dopé par le dispositif de Robien.
Le niveau des loyers comme des prix de vente s’est sensiblement relevé, notamment dans les grandes agglomérations.
Ce qui motive votre constance à faire baisser le rendement de l’impôt sur la fortune.
Rien, pourtant, ne justifie une telle démarche.
Le taux marginal de l’ISF n’est que de 1,8 %, et ce n’est que votre refus d’en faire un impôt redistributif, économiquement efficace et socialement juste qui vous motive.
Le Conseil National des Impôts a pourtant établi dans un rapport récent qu’il n’avait que peu d’impact en matière de délocalisation des patrimoines ( sauf à considérer que patrimoine et patrie, cela fait deux choses différentes ), et qu’il n’était pas incitatif à l’exode des cadres, à la ’ fuite des cerveaux ’…
Enfin, désolé, mes chers collègues, mais le problème du logement dans ce pays, n’est pas celui de quelques dizaines de milliers de propriétaires dont le patrimoine gagne de la valeur , c’est celui des trois millions de mal logés et de demandeurs de logement dans ce ’ marché ’ immobilier, que vous avez voulu ’ libre ’ .
Ce sont pourtant ces priorités que le Sénat, encore une fois, a retenues.
Nous avons eu l’occasion de pointer, au fil de la discussion des articles, tant en première qu’en seconde partie les éléments et les mesures qui nous paraissaient si contraires à l’intérêt général.
Nul doute que nous pourrions faire autre chose de l’argent public que l’usage qui nous en est proposé aujourd’hui.
Nous avons, tout au long du débat, porté des propositions alternatives, rendues nécessaires par la situation économique et sociale du pays, porteuses d’avenir pour l’ensemble de la population.
En lieu et place de cela, nous voici face à un budget destiné à la rente et au capital, à la préservation des privilèges de la fortune, à la démolition, pan par pan, morceau par morceau, du service public.
Parce que ce budget tourne le dos aux principes de justice sociale, à la nécessaire intervention publique pour répondre aux besoins de la population et favoriser, de fait, la croissance, nous ne pouvons donc que voter, sans la moindre hésitation, contre ce projet de loi de finances 2005.