À vous écouter, on croirait que vous avez eu une révélation, sur le caractère prioritaire de l’éducation nationale. Mais est-ce vraiment un éveil, ou bien un leurre ?
Vous annoncez une hausse de 2,8 %. Or, lorsque l’on soustrait l’évolution des rémunérations et des pensions, ainsi que les mesures acquises en 2003 (1,7 %) et reportées en 2004, et enfin le financement des postes d’assistants d’éducation, maintenant dans votre budget, il ne reste rien pour les mesures nouvelles !
Monsieur Ferry, vous avez qualifié votre budget 2004 de « meilleur du siècle ». C’est en réalité un budget de régression (M. Carrère approuve), qui se traduit par de lourdes pertes d’effectifs. Les enseignants, professeurs et stagiaires ne seront pas les seuls à en pâtir : les personnels administratifs et d’encadrement sont aussi concernés. Les M.I.-S.E. et les aides éducateurs ne seront pas tous remplacés par les nouveaux assistants d’éducation, dont le statut aggrave la précarité des étudiants. Réduire ainsi le nombre d’adultes dans les établissements, quand s’accroissent les effectifs d’élèves, est incohérent par rapport à la phraséologie gouvernementale sur la citoyenneté ou l’incivilité, et ce n’est évidemment pas ainsi que vous favoriserez la scolarisation des enfants de moins de 3 ans.
Les bourses diminuent fortement dans le second degré, alors que la dégradation de la situation économique précipite un nombre croissant de familles dans le besoin.
La jeunesse est sacrifiée sur l’autel de la rationalisation comptable : sa part dans le budget baisse de 4 %, fragilisant aussi bien l’emploi que l’encadrement des réseaux associatifs. Après la baisse de 5 % en 2003, il est évident que la jeunesse, l’éducation populaire et la vie associative restent à l’écart de vos priorités ! Les postes Fonjep sont victimes de ce recul. Après le gel, en 2003, de cent postes et la baisse de la prise en charge par l’État - à hauteur de 150 euros par poste - on peut craindre le gel de 450 autres, malgré l’annonce de quarante créations.
On voit ainsi quelle aide réelle vous accordez à l’emploi associatif, après la suppression de 30 400 emplois jeunes dans le milieu associatif et la diminution de 30 % des subventions aux associations en 2003 !
Les collectivités territoriales auront à supporter ce désengagement de l’État. La fiscalité locale, supportée par l’ensemble des ménages, n’a pas besoin de ces charges supplémentaires !
La budgétisation du F.N.D.V.A. inquiète le monde associatif. Celui-ci souhaite que soit pérennisée la gestion paritaire de ces crédits. Les mouvements de jeunesse et les collectivités doivent être soutenus. Ce sont les jeunes - et surtout les plus défavorisés d’entre eux - qui pâtiront le plus de ces désengagements de l’État.
Vous avez revendiqué une rentrée scolaire « techniquement réussie ». C’est que la communauté éducative a fait passer son sens des responsabilités et l’amour de son métier au-dessus de la colère et de la rancœur qui continuent à l’animer.
La part du budget consacrée à l’éducation ne cesse de baisser en euros constants comme en part de P.I.B., à l’inverse de celle des ménages et des collectivités territoriales. Elle n’atteint que 3,3 % en 2004, loin des 6,9 % des dépenses totales d’éducation. Or, seules les dépenses de l’État garantissent des droits égalitaires sur l’ensemble du territoire.
Mauvais du fait de la diminution des moyens, votre budget traduit aussi la politique de démantèlement du service public dans laquelle vous persistez malgré les luttes du printemps dernier. Vous avez ouvert une forte brèche dans l’unicité des équipes éducatives en sortant de l’éducation nationale les médecins scolaires et les T.O.S. Le report important d’une partie des dépenses vers les collectivités territoriales et la mise en application sans discussion de la L.O.L.F. dans deux académies annoncent une nouvelle étape de cette décentralisation inconsidérée qui démantèle les services publics.
La présentation même de ce budget est source d’inquiétudes : pourquoi autant de statistiques si ce n’est pour mettre en place la « culture du résultat » ? (Murmures à droite.) L’école est la clé du développement économique et social, elle détermine l’avenir et la prospérité de la nation. Elle mérite qu’on lui donne les moyens nécessaires à sa mission et ne doit pas répondre à une logique d’entreprise ! (M. Carrère approuve.) Elle a besoin de moyens, de démocratisation, de transformation. La commission Thélot semblait incarner ces ambitions, mais votre budget mensonger augure mal de son efficacité.
Ma question est simple. Quand on sait que la France aura un besoin impérieux de travailleurs hautement qualifiés, ne croyez-vous pas qu’il est temps de percevoir l’éducation nationale, service public de l’État, non pas comme un coût que l’on doit à tout prix diminuer, mais comme un investissement à long terme ?