Budget 2004 : Ville et rénovation urbaine

Publié le 27 novembre 2003 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Roland Muzeau

Votre budget, monsieur le Ministre, n’est pas aussi positif que votre discours. Vous avez déclaré que l’avenir de la République se jouait dans les cités et que son unité passait par l’égalité des chances, mais déploré le manque de moyen mis en œuvre pour réaliser l’intégration. Nous pouvons vous approuver, mais comment, dès lors, se satisfaire d’une baisse de 3 % des crédits par rapport à l’an dernier, après des années de progression - on ne corrige pas l’habitude prise de geler ou diminuer des crédits -, en contradiction avec les ambitions affichées par la loi d’orientation et de programmation pour la ville, voté précipitamment le 1er août dernier.

 Mme Olin ne me contredira pas, elle qui a analysé la diminution des crédits de 24 millions d’euros par rapport à 2003 - soit une baisse de 7 %. Les crédits des services publics de quartiers, en baisse de 40 %, sont les plus touchés. Certes, il fallait intégrer les personnels vacataires et stagiaires pour répondre aux demandes de la Cour des comptes, et Mme Olin nous explique qu’il ne faut pas voir dans cette baisse un désengagement de l’État. Mais les crédits pour l’instruction des dossiers de formation et d’animation des services au titre IV sont cependant en diminution, seule la part consacrée aux adultes-relais augmente. Après la suppression des emplois jeunes, je ne nie pas que ces emplois soient nécessaires aux quartiers, mais ils ne peuvent garantir à eux seuls, un renfort de la présence, la qualité et l’accessibilité des services publics dans les quartiers les plus en difficulté.

 Je regrette également la réduction de 14 % des crédits consacrés aux interventions publiques et m’interroge sur le bien-fondé de la suppression des 20 millions d’euros du fonds de revitalisation économique (F.R.E.), mis en place par la loi S.R.U. du 13 décembre 2000.

 Ces restrictions vont encore fragiliser les associations impliquées sur le terrain.

 Je m’interroge également sur le devenir des contrats de ville avec la réduction de 14,5 millions d’euros, soit 10 %, des crédits du fonds d’investissement pour la ville (F.I.V.).

 Mon raisonnement est le même pour les grands projets de ville. La faiblesse de ces moyens, face à des besoins immenses, m’inquiète.

 Le dernier rapport du Conseil d’analyse économique que vous connaissez, monsieur le Ministre, confirme l’incessante dégradation des quartiers depuis 20 ans et établit un lien de causalité entre la discrimination qui frappe les jeunes d’origine étrangère et le chômage dont ils sont victimes. Il estime que la ségrégation urbaine « amoindrit l’efficacité d’ensemble du système économique » et fait de l’accès à l’emploi une question centrale, en mettant en cause le comportement des entreprises.

 Je crains fort que la création d’une autorité administrative indépendante contre les discriminations, dont j’approuve le principe, ne suffise à modifier ces phénomènes.

 Enfin, nous savons que le logement traverse une crise sans précédent.

 Aussi, nous devons innover pour empêcher la « marchandisation du logement », construire les 100 000 à 200 000 logements sociaux par an réclamés par toutes les associations, en finir avec certaines pratiques inacceptables comme les expulsions pour loyer impayé, fournir à tous un logement décent et digne, et un cadre de vie agréable.

 Les 80 000 logements sociaux annoncés pour 2004, seront insuffisants pour répondre aux centaines de milliers de demandes et renouveler le paysage urbain, d’autant qu’ils incluent 20 000 démolitions- reconstructions et 60 000 réhabilitations.

 Le groupe C.R.C. n’approuvera pas votre budget en regrettant qu’il ne corresponde pas à vos propos.

Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine

Ses autres interventions :

Droit au logement opposable : explication de vote

Les sénateurs du groupe CRC se sont finalement abstenus lors du vote du projet de loi instituant un droit au logement opposable. Favorables à ce droit, bien avant la conversion subite du gouvernement, ils estiment que le texte voté est trop restrictif."Le processus d’opposabilité du droit au logement, a déploré Roland Muzeau, sera complexe, long et difficile à mettre en œuvre et ne sera pas le même partout. L’exemption dont bénéficieront certains territoires pèsera sur l’universalité du droit et l’égalité des demandeurs de logement devant la loi." Les sénateurs communistes se félicitent néanmoins de ce premier pas, accompli grâce à une mobilisation de terrain, et espèrent que le droit au logement prendra rapidement "un tour plus concret et plus ambitieux".

Sur le même sujet :

Budget et fiscalité