Accession à la propriété

Publié le 6 novembre 2006 à 11:00 Mise à jour le 8 avril 2015

Sur le plan formel, d’abord, l’ordonnance a été introduite lors du débat sur la loi portant engagement national pour le logement, par le biais d’un amendement d’origine gouvernemental au texte initial.

La manœuvre visait à contourner la procédure habituelle et l’avis du Conseil d’État...

L’amendement tendait à forcer la main au réseau des sociétés de crédit immobilier, pour les contraindre à participer, par le biais de l’affectation d’une part sensible de leur trésorerie, au financement de la politique gouvernementale de la ville et du logement. Nous l’avions compris alors, la mutation statutaire des sociétés de crédit immobilier devait se conclure par le versement d’une forme de droit d’entrée de 500 millions d’euros destinée à « financer les nouvelles orientations » de la politique d’accession sociale à la propriété. Mais quelles orientations ? Et pourquoi installer ce prélèvement dans la durée, alors que certaines des annonces faites depuis plusieurs mois peinent à trouver une traduction concrète !

Les D.D.E. l’ont établi, le niveau de la construction de logements sociaux n’est pas aussi élevé que vous aviez bien voulu nous l’annoncer ; et les maisons à 100 000 euros ont semble-t-il quelque peine à sortir de terre...

À moins qu’il ne s’agisse pour vous de favoriser des opérations de cession de logements H.L.M., mis en vente par les actuels bailleurs ?

Ce sont donc 500 millions qui vont être ponctionnés dans un premier temps, plusieurs dizaines ou centaines de millions ensuite, régulièrement, sans qu’il soit possible de constater, de la part du gouvernement lui-même, des réalisations conformes aux engagements.

Et c’est bien là que se situe le principal écueil. Quant il s’agit de mener une politique du logement, trop souvent le législateur opte pour l’incitation fiscale et des recettes « obligées » provenant d’autres caisses que celles du budget général.

Comment ne pas songer aux 2150 millions d’euros que l’État s’apprête à prélever sur la C.D.C., produit de ses plus-values de cession de parts des sociétés d’épargne, pour alimenter l’équilibre du budget général ?

Comment ne pas relever les 500 millions ponctionnés sur les sociétés de crédit immobilier, les 700 millions confisqués aux collecteurs du 1 % logement, qui viennent se substituer, dans les faits, à ce qui devrait être la contribution de l’État à la politique de rénovation urbaine ?

Ce choix est contestable au regard des besoins.

Nous ne trouverions pas scandaleux, de relever quelques dixièmes de point les taux de l’impôt sur le revenu, ou des plus-values de cessions immobilières, si les sommes ainsi collectées étaient mobilisées pour financer la politique du logement et mettre un terme à la scandaleuse crise du logement vécue par plusieurs millions de nos compatriotes.

Utiliser l’argent des S.A.C.I., futures SACICAP, pour le faire, c’est demander aux accédants à la propriété, de contribuer au logement des mal-logés, tandis que les spéculateurs immobiliers bénéficient d’une large défiscalisation de leurs investissements, de moyen et long terme.

Ce projet de loi n’est donc pas recevable. D’une ordonnance validée via un amendement de dernière minute, nous en arrivons à un texte soumis à déclaration d’urgence pour accélérer et pérenniser les prélèvements sur les sociétés de crédit immobilier. Pendant ce temps, les spécialistes de la vente à la découpe, favorisés par le régime foncier créé sur commande par un amendement Marini, et les spéculateurs de tout acabit peuvent dormir tranquilles. Ce n’est pas encore demain qu’ils seront mis à contribution pour que le droit au logement devienne réalité pour ceux qui en sont privés.

Le groupe C.R.C. ne votera pas ce texte.

Bernard Vera

Ancien sénateur de l'Essonne
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