Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, aux quatre coins de la France, de nombreux personnels de santé, en particulier des services d’urgence, sont devant leur hôpital pour dénoncer les plans de réorganisation liés à vos orientations budgétaires : ils ne veulent plus se taire face à l’inhumanité du soin.
Tel sera le cas demain, à Boulogne, où les personnels de santé dénonceront les départs à la retraite non remplacés et les contrats non renouvelés. Lorsque ce n’est pas pour ces raisons qu’ils font grève, madame la ministre, c’est pour d’autres, telles que la suppression de services ou de lits, des conditions de travail dégradées ou un manque de matériel. Une telle situation aboutit à la démission d’infirmières et de médecins dans les hôpitaux publics.
Pendant ce temps, vous faites le choix du maintien de la compression des dépenses de santé, à tel point que l’on parle aujourd’hui de cure d’austérité, alors qu’il faudrait un véritable plan d’urgence. Vous faites le choix de la rigueur plutôt que celui de l’amélioration des conditions de travail, amélioration nécessaire pour assurer la sécurité et le soin des patients. Bref, vous faites le choix de l’austérité financière plutôt que celui de l’humain.
Je reviendrai pour ma part sur trois points du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
S’agissant de la réforme des études de santé, le texte prévoit la suppression du numerus clausus, la fin de la première année commune aux études de santé, la Paces, et la fin des ECN, les épreuves classantes nationales. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus et rejoints par d’autres collègues sur ce point.
Je souhaite simplement vous lire un extrait des débats qui s’étaient tenus le 21 juin 1971 à l’Assemblée nationale, et auxquels vous avez fait référence tout à l’heure. Face à la proposition du ministre de l’éducation nationale Olivier Guichard d’instaurer la sélection en médecine, le député communiste Paul Cermolacce répondait ceci : « Nous proposons un plan d’urgence et de rattrapage pour l’amélioration de la formation des étudiants en médecine comprenant notamment la construction rapide des CHU pour la région parisienne et des CHR en province, le déblocage des crédits et des postes pour le développement du cycle d’enseignement et la mise en place d’un plan de construction d’urgence de lits hospitaliers publics. »
Presque cinquante ans plus tard, les faits nous donnent malheureusement raison. La fin du numerus clausus constitue donc à nos yeux une véritable avancée. Toutefois, nous craignons qu’il ne soit remplacé par des quotas régionaux fixés par les facultés de médecine et les ARS.
Pour augmenter le nombre d’étudiantes et d’étudiants formés, il faut augmenter les moyens des universités consacrés à l’enseignement et les capacités d’accueil en stages, je vous avais d’ailleurs interpellée sur ce sujet, madame la ministre. Il ne faudra pas que le futur décret remplace l’évaluation par d’autres critères de sélection.
Concernant les mesures pour lutter contre les déserts médicaux, vous prévoyez de favoriser le cumul emploi-retraite des médecins en diminuant les cotisations complémentaires. Sans compensation financière de l’État, une telle diminution des cotisations pourrait affecter les comptes des retraites.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à exonérer les praticiens exerçant en zones sous-denses, alors qu’il existe déjà des exonérations fiscales et sociales sans effet sur l’installation. Ces nouveaux dispositifs d’incitation ne changeront rien à la situation.
La priorité devrait être de revitaliser les territoires, pour les rendre attractifs aux jeunes médecins, en y laissant les services publics que votre gouvernement supprime à tour de bras. Nous le savons, de nombreux jeunes professionnels ne souhaitent plus travailler seuls vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils aspirent à une vie de famille et aux loisirs, ce qui est légitime. Développer des centres de santé pluridisciplinaires avec des médecins salariés peut constituer l’une des solutions. Il convient également de refondre les contrats d’engagement, afin de les rendre réellement attractifs, conformément aux souhaits des étudiants.
Concernant l’organisation de la santé dans les territoires, les GHT, les groupements hospitaliers de territoire, sont devenus, depuis leur création en 2016, des outils de restructuration hospitalière et de concentration des moyens hospitaliers, soit de véritables mastodontes qui se sont développés au détriment des petits hôpitaux. Trop souvent, les plans de retour à l’équilibre s’enchaînent, mais les GHT ne servent qu’à partager les difficultés, sans augmentation des moyens alloués.
Le texte tend à accélérer le processus en mutualisant, entre établissements, les ressources humaines des professions médicales, pharmaceutiques et des sages-femmes. Alors que la fusion de la trésorerie et des fonctions support est encore facultative, elle constituera la prochaine étape.
Pour conserver leurs effectifs, les établissements publics de santé appartenant au GHT se trouvent en concurrence et doivent gagner des « parts de marché ». On se croirait dans une entreprise privée ! Pourtant, il s’agit de vies humaines. Votre gouvernement applique sa politique libérale à notre système de santé. Pour notre part, nous défendrons une autre logique, car la santé n’a pas de prix.