À la lecture du projet de loi, vous n’avez visiblement pas tiré toutes les conséquences de l’article 1er A, qui résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement déposé par les députés communistes et les députés du Parti de gauche.
Cet amendement s’inscrivait dans une logique globale et constituait le préambule d’une proposition alternative que vous avez écartée, prévoyant d’assurer un financement pérenne et solidaire des régimes de retraite, notamment afin de développer les droits des salariés, particulièrement des plus précaires.
Aujourd’hui, il est réduit à une simple pétition de principe, tout comme l’est l’article 1er de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Celui-ci dispose que « la nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. »
Et pourtant, cela ne vous a pas empêchés de développer, depuis, des mesures qui remettent en cause la solidarité entre les générations, comme le cumul emploi-retraite, les reports des limites d’âge ou, tout simplement, votre politique en matière d’emploi ? qui retarde de plus en plus l’accès des jeunes à l’emploi. Ces problèmes sont précis.
Et pour la répartition, on sait ce qu’il en est : qu’il s’agisse du plan d’épargne retraite populaire, le PERP, ou du plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, les propositions ne cessent de se multiplier, sous forme de recommandations, bien sûr.
Tout est fait pour favoriser l’épargne individuelle et donner l’illusion à nos concitoyens que le système par répartition, intrinsèquement solidaire, serait à bout de souffle et qu’en dehors de la capitalisation il n’y aurait point de salut.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Guy Fischer. Votre discours alarmiste, couplé à un assèchement savamment organisé des comptes de la sécurité sociale, consiste à accroître l’inquiétude des jeunes.
Selon un sondage daté de 2008, près de neuf jeunes actifs sur dix se disent inquiets lorsqu’ils pensent à leur retraite, soit 88 % d’entre eux, dont près de la moitié, 45 %, se disent très inquiets. C’est précisément sur cette peur que vous rebondissez pour imposer ce projet de loi qui en est la démonstration : toujours plus de capitalisation et toujours moins de solidarité !
Ce mécanisme où l’anxiété nourrit votre force de réforme, qui nourrit elle-même l’anxiété, vous conduira, c’est en tout cas ce que vous espérez, à la suppression insidieuse des mécanismes solidaires des retraites.
Cette réforme vous entendez la mener en 2018, c’est-à-dire quand ses effets ne seront plus suffisants pour financer les retraites. Elle prendra la forme d’un basculement de système : le passage aux comptes notionnels, proposé, d’ailleurs, par notre commission.
Enfin, pour conclure, je voudrais dire à quel point le dernier alinéa de cet article nous laisse profondément perplexes.
Il dispose que « le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités ».
Connaissant les choix idéologiques qui sont les vôtres, on est en droit de se demander à quelle hauteur vous placez le « niveau de vie satisfaisant des retraités ».
Particulièrement lorsque l’on sait que l’article 24 prévoit de réformer les conditions d’accès au minimum garanti et, par voie de conséquence, de peser sur les plus petites pensions des fonctionnaires, c’est-à-dire celles n’excédant pas 1 070 euros.
Pire, selon l’INSEE et le Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui a remis en 2009 un rapport similaire à celui de l’INSEE, il y aurait en France 990 000 retraités, soit près d’un million, qui vivraient en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 900 euros par mois.
Ce sont donc bien 10 % des retraités de notre pays qui peinent chaque mois et tentent de survivre. Cette situation est naturellement la conséquence de la massification du chômage, de l’explosion de la précarité et de l’effondrement des salaires.
Nous avons vu naître, en France, ce qui n’existait pas jusque-là, les retraités pauvres !
Aussi, monsieur le rapporteur, puisque vous êtes l’auteur de l’amendement réformant l’article 1er A, j’ai pour vous une question : à quoi correspond, selon vous, « un niveau de vie satisfaisant » ? Et comment entendez-vous permettre aux futurs retraités de vivre dignement, sans mettre à contribution ceux qui ont eu un niveau de vie indécent ?
Vous voulez toujours plus de capitalisation
Réforme des retraites : article premier A
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