Une réponse logique, pertinente et consensuelle

Arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat

Publié le 18 juillet 2013 à 10:57 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour de la tenue de ce débat.

Avec l’examen de ce projet de loi, nous abordons une question éminemment sensible, puisqu’il s’agit de répondre à deux impératifs éventuellement contradictoires dès lors que sont en cause des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance, à savoir le respect du droit au recours effectif des parents, de la famille et des proches de l’enfant et la préservation des intérêts légitimes des enfants eux-mêmes.

Les membres du groupe CRC estiment que le projet de loi, tel que l’a transmis l’Assemblée nationale au Sénat, a réussi à trouver un point d’équilibre. De plus, le texte répond aux exigences du Conseil constitutionnel, qui, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a décidé d’abroger l’actuel article L.224-8 du code de l’action sociale et des familles dès le 1er janvier 2014. Tout comme M Capo-Canellas et Mme Dini, je m’interroge sur le sort différent réservé par le Conseil aux pupilles de l’État et aux personnes victimes de harcèlement sexuel.

Cela étant, l’article précité, qui fait l’objet d’une réécriture totale dans le présent projet de loi, rendait impossible, dans certains cas, la contestation d’un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État d’un enfant, alors même que la loi reconnaissait à un tiers la capacité à agir. Cette impossibilité reposait sur le fait que l’arrêté en cause n’était pas pris contradictoirement et ne faisait l’objet d’aucune publicité, ce qui est regrettable. Par voie de conséquence, les personnes susceptibles de le contester pouvaient soit ne pas être informées de l’édiction de cet arrêté, soit découvrir la situation après expiration du délai d’un mois prévu dans la loi.

À juste titre, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’était pas possible de rendre opposable un délai d’action quand les personnes susceptibles d’agir n’étaient pas informées du point de départ de ce délai.

À cette censure logique, le projet de loi que nous examinons apporte une réponse tout aussi logique, pertinente et consensuelle. Il permettra ainsi de résoudre de nombreux cas complexes. N’oublions pas ces enfants, déjà meurtris par une vie chaotique et difficile, qui doivent pouvoir se construire dans une atmosphère apaisée et dans un contexte juridique sécurisé. Tel est en tout cas le sens que moi et les membres de mon groupe donnons à ce texte.

Aux termes de l’article 1er, les parents de l’enfant, les membres de la famille et les personnes qui ont eu la garde de l’enfant, de fait comme de droit, obtiendront dorénavant notification par les services départementaux de l’édiction de l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État.

Quant au délai d’extinction de l’action en contestation contre cet arrêté, il s’éteindra à compter d’un mois après la réception de la notification.

Par ailleurs, les personnes qui ont un lien avec l’enfant mais qui ne sont pas connues des services de l’ASE et ne peuvent pas recevoir la notification de l’arrêté précité, elles conserveront la possibilité de contester cet arrêté au-delà du délai d’un mois opposable à celles qui auront accusé réception de la notification.

Toutefois, une précision s’impose en la matière. L’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, tel qu’il est rédigé et tel qu’il résultera de nos travaux si le projet de loi est adopté, n’indique pas le délai de forclusion de l’action opposable aux personnes qui n’auraient pas reçu notification de l’arrêté en question. Les juristes ou les personnes les plus avisées comprendront sans doute que cette action reste possible jusqu’à ce que l’enfant ait fait l’objet d’une mesure de placement en vue de son adoption, telle que proposée à l’article 352 du code civil.

Aussi, par souci de respecter le principe d’intangibilité de la loi – comme chacun le sait, c’est une obligation constitutionnelle –, nous estimons souhaitable que le présent projet de loi éclaire réellement les personnes concernées. Cela est d’autant plus important que l’article 352 du code civil s’applique essentiellement aux familles. Or les personnes qui peuvent contester l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État ne sont pas nécessairement des membres de la famille. Sont également visées au 4° du II de l’article 1er les personnes « ayant assuré la garde de droit ou de fait de l’enfant. » Dans ce cas, l’action en contestation de l’arrêté n’aura pas pour effet nécessairement de restituer l’enfant à la famille d’origine ou d’établir une filiation à l’égard de celui-ci. C’est, en quelque sorte, par extension que cette disposition leur sera appliquée.

Selon les membres du groupe CRC, il est de notre devoir de législateur, conformément d’ailleurs au choc de simplification prôné par le Président de la République, de rendre la loi compréhensible par toutes et tous. C’est pourquoi nous aurions préféré qu’une telle précision soit apportée explicitement dans le projet de loi.

Néanmoins, nous saluons l’apport de l’article 1er bis. Il prévoit que, lorsque des personnes confient un enfant aux services de l’aide sociale à l’enfance, elles soient immédiatement informées des conséquences de l’admission définitive comme pupille de l’État, admission qui, théoriquement, devrait intervenir dans les deux ou six mois qui suivent. De la sorte, les droits des parents de l’enfant ou des personnes qui le confient aux services de l’ASE seront renforcés. Cette information, délivrée très amont, y compris en dehors de tout recours, est particulièrement sécurisante.

Le présent projet de loi est attendu, indépendamment de l’impératif posé par le Conseil constitutionnel. Il nous semble être de nature à apaiser des parcours de vie que les processus juridique et administratif ont pu rendre hier chaotiques, pour ne pas dire douloureux.

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de ce projet de loi.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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