Travail, emploi et pouvoir d’achat : motion tendant à opposer la question préalable

Publié le 25 juillet 2007 à 16:51 Mise à jour le 8 avril 2015

Peu après l’adoption de ce texte à l’Assemblée nationale, un sixième salarié de PSA Mulhouse, victime du stress professionnel, a mis fin à ses jours. Le lendemain, une salariée du siège social d’Areva se suicidait à son tour. Il y a quelques mois le suicide d’un autre salarié a été reconnu comme accident du travail.

La multiplication de ces évènements mériterait un instant de recueillement, parce qu’elle illustre à quel point certains discours portant sur l’insuffisant engagement des salariés dans leur vie professionnelle, sont frappés d’une méconnaissance des réalités !

Les libéraux bien-pensants voudraient aller plus loin dans la précarisation du travail et les allègements fiscaux. Nous sommes confrontés à un texte idéologique, à un texte de classe, destiné à satisfaire une infime minorité de partisans du président de la République. Cela se situe dans le droit fil de ce qui a été fait depuis cinq ans : où est la rupture ?

Les allègements d’impôts profiteront surtout aux plus gros contribuables : les cercles les plus rétrogrades de la bourgeoisie française seront contents.

M. Josselin de Rohan. - Quelle modération...

Mme Annie David. - Ils pourront optimiser leurs patrimoines.

M. Jean Desessard. - Bonne analyse.

Mme Annie David. - En 2005, les droits de succession ont atteint 7,4 milliards d’euros et les donations 1,4 milliard mais on a perçu 530 millions sur les donations en Ile-de-France : la région capitale fournit le tiers de ces droits. Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes et la Gironde comptent parmi les plus gros départements pour leur collecte. Les gros patrimoines sont clairement localisables et leur localisation recoupe celle de l’ISF. Encore leur concentration à Paris se réalise-t-elle plutôt au Palais-Royal qu’à la Goutte d’Or.

L’allègement de l’impôt va surtout profiter à des ménages qui n’ont pas besoin qu’avec sollicitude on leur offre une remise de 30 000 euros sur les droits de succession. Certes, la formulation choisie suggère que vous visez les couches moyennes mais les dynasties profiteront de substantielles réductions d’impôts. Il y aura plus de droits pour les petites successions et moins pour les grosses.

M. Henri de Raincourt. - Ce n’est pas vrai.

Mme Annie David. - Où est l’égalité devant l’impôt ? Vous réformez une nouvelle fois l’ISF dont la disparition est programmée sans qu’on le dise car cela ferait mauvais effet.

M. Josselin de Rohan. - Non.

Mme Annie David. - L’ISF s’élève en moyenne à 8 000 euros. La mesure proposée équivaut à une liquidation pure et simple de l’ISF : pour atteindre 50 000 euros à ce titre, il faut un patrimoine de 5,7 millions d’euros. De nouveau, on feint de répondre aux angoisses des petits contribuables à l’ISF par une mesure qui profitera surtout aux plus riches. Dans l’hypothèse où les contribuables choisiraient de financer les PME, celles-ci ne recevraient que 3,2 milliards, bien loin de leurs besoins de financement. Pourquoi avancer masqué et ne pas proposer d’abroger l’ISF ?

M. Josselin de Rohan. - Déposez un amendement.

M. Henri de Raincourt. - Ne vous gênez pas.

Mme Annie David. - Avec un bouclier fiscal ramené à 50 %, ce sera le beurre et l’argent du beurre. L’examen des premiers dossiers est sans équivoque : le bouclier fiscal équivaut à une réduction de l’ISF car c’est cet impôt qui permet d’atteindre le seuil. L’impôt des multipropriétaires de Paris, Lyon ou Bordeaux baissera... mais pas les loyers. Avec un taux de 50 %, les plus riches seront en situation de se faire rembourser leur légitime contribution à la sécurité sociale. Quelle rupture de l’égalité devant l’impôt et du pacte républicain ! Le bouclier fiscal rétablit les privilèges abolis il y a plus de deux siècles.

Contrairement au revenu de solidarité active de M. Hirsch qui sera expérimenté, on ne dispose pas de la moindre évaluation et devant le faible nombre de contribuables qui ont sollicité son bénéfice, l’administration doit, effort surréaliste !, écrire à tous les assujettis pour les inviter à le faire.

Que pèsent, à côté, la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers et la défiscalisation des heures supplémentaires, ces autres mesures phares ? Et je ne parle pas du revenu de solidarité active, raccroché au paquet fiscal pour des raisons d’affichage politique. Il fallait cacher l’indécente primauté accordée aux plus gros patrimoines et aux plus hauts revenus. A la stupéfaction générale, le gouvernement s’est en effet rendu compte qu’il n’y avait que 120 000 successions imposables l’an et 400 000 assujettis à l’ISF mais 20 millions de salariés, pour lesquels il faudrait peut-être faire quelque chose. On a donc mis en place d’une part un dispositif poussant à l’intensification du travail et aggravant sa pénibilité, d’autre part un mécanisme asservissant les ménages salariés aux établissements financiers. Vous ne distribuez pas du pouvoir d’achat aux salariés, vous renforcez leur exploitation.

De cette société qui allège l’impôt des plus riches et renforce les contraintes qui pèsent sur le plus grand nombre, nous ne voulons pas.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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