Retraites : conclusions de la CMP

Publié le 24 juillet 2003 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Guy Fischer

Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre,
Mes chers Collègues,

Nous arrivons au terme de la phase parlementaire de la réforme des retraites, sans que l’on puisse vraiment se satisfaire des débats que nous avons eus au sein de cette assemblée, où le gouvernement et sa majorité ont usé et abusé des procédures, dont l’irrecevabilité financière et le vote bloqué, pour mettre hors jeu les amendements déposés par les groupes parlementaires, le notre principalement, sur des article clés du projet de loi.

Résultat, nous n’avons pu présenter et défendre les propositions que nous faisions : pour effectivement garantir un haut niveau de retraite aux Smicards ; pour préserver le droit de la retraite à 60 ans ; pour revenir sur l’allongement de la durée de cotisation ; pour permettre le départ en retraite avant 60 ans dès quarante annuités ; pour revaloriser l’ensemble des pensions ; pour la validation de certaines périodes…

Aujourd’hui, les principaux membres de la majorité gouvernementale on beau jeu de prétendre, je vous renvoie à la lecture d’une tribune qu’ils ont cosigné dans le Figaro de ce matin, que l’opposition « sans arguments, sans contre-projet réel et crédible, a préféré l’obstruction ».

Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen ont cherché le débat en présentant et défendant des propositions cohérentes, progressistes, certes diamétralement opposées aux choix libéraux du gouvernement mais, qui avaient le mérite de prouver que des alternatives existaient à l’allongement de la durée de cotisation et à l’appauvrissement des retraités.

Dans la mesure où, avant même que nous engagions la discussion, le gouvernement, sûr de lui, affirmait qu’il était allé au bout du possible et qu’il n’y avait pas d’alternatives à sa réforme, notre marge de manœuvre, comme celle des syndicats d’ailleurs, était plus que réduite.
Sur un tel sujet, véritable enjeu de société, « interrogeant notre modèle social », la recherche de l’adhésion de chacun au projet, aux évolutions envisagées pour répondre au défi de l’allongement de l’espérance de vie aurait dû être privilégié.

Au contraire, la méthode suivie par ce gouvernement, peu respectueuse du dialogue social, privilégiant le passage en force, la négociation avec des syndicats minoritaires, « a montré ses limites en suscitant colère et frustration dans le camp syndical majoritaire », comme le note Delphine Girard dans un article signé dans la Tribune d’aujourd’hui.

Demain vous pourrez toujours vous féliciter d’avoir réussi à réformer « en respectant le cap, le calendrier, la méthode » -Mais, en conscience, vous ne pourrez vous prévaloir d’avoir réussi à convaincre l’ensemble des Français du bien fondé de votre réforme, de l’opportunité et de la propension des solutions retenues pour sauvegarder nos régimes de retraite par répartition.

Le fait que le chef de l’Etat lui-même dans sa traditionnelle allocution du 14 juillet ait pris le soin d’appeler le gouvernement à un intense travail de communication, d’explication sur la réforme des retraites, - ce qui, entre parenthèse, intervient un peu tard - prouve s’il en était besoin que les Français n’adhèrent pas aux décisions politiques prises.

De plus, si vous êtes conscients « que la réforme n’est pas terminée » comme l’a affirmé le chef de l’Etat, d’autres étapes devant être franchies, notamment celles des partenaires sociaux amenés demain à négocier sur des sujets fondamentaux, tels que la définition de la pénibilité, le maintien en activité des plus de 50 ans, vous vous gardez bien d’expliciter aux Français qu’un grand nombre de dispositions, pourtant présentées comme facteur de progrès social, n’ont aucune valeur normative et qu’en conséquence leur mise en œuvre effective est conditionnée au bon vouloir des partenaires sociaux, dont le Medef, pour conduire l’adaptation des régimes complémentaires.

C’est vrai de l’objectif de garantir un taux de remplacement de 85% du SMIC pour les Smicards ; c’est également vrai pour le départ anticipé des salariés ayant commencé à travailler tôt.

Par ailleurs, vous vous gardez bien, mes chers collègues, de communiquer sur un autre obstacle de taille, devant être lui aussi franchi, celui du financement.
Or, comme nous l’avons déjà dénoncé, le présent texte n’évacue pas tous les besoins de financement à l’horizon 2020. La baisse du chômage et le transfert de cotisations Unedic vers le risque vieillesse sur lesquels vous tablez, jugée très optimiste par de nombreux économistes, nous semble irréalisable, vu l’option prise pour 2004 en matière de politique de l’emploi axée sur la baisse des charges.

Je ne développerai pas plus l’ensemble des reproches que nous avons faits à l’encontre du projet de loi durant les deux dernières semaines. Ils s’appliquent aujourd’hui avec la même force au texte tel qu’il ressort de la commission mixte paritaire, dans la mesure où, sans surprise, vous vous êtes arrangés « entre amis » pour trouver un accord sur les 67 articles restant en navette, sans vous écarter bien sûr de la philosophie initiale du texte du gouvernement.

Je note toutefois que deux dispositions sur lesquelles le Sénat ne s’était pas contenté de précision mais avait œuvre de complément substantiel, ont fait discussion en CMP et continuent apparemment de susciter des réactions.

Le gouvernement ayant décidé d’amender ce matin à l’Assemblée nationale l’une d’elle, l’article 16 en l’espèce prévoyant une surcote pour les salariés ayant cotisés au-delà de 40 annuités avant d’atteindre l’âge de 60 ans. Préférant pour des raisons budgétaires, s’en tenir à la simple possibilité, assez étroite, de départ à la retraite avant l’âge de 60 ans.

S’agissant de l’autre disposition, introduite en première lecture par le Sénat, reprenant une demande du Medef, hostile au report à 65 ans de la mise à la retraite d’office, je regrette là que le gouvernement, dont l’entourage estime pourtant que cette dernière « va à l’encontre du projet de loi », n’est pas jugé bon d’intervenir.

Pour conclure, mes chers collègues, je ne surprendrai personne ici, en vous disant que nous persistons à penser que cette réforme des retraites n’est ni juste ni équitable ; qu’elle ne garantie en rien un haut niveau de pension, pas plus qu’elle de sécurise la certitude du droit à la retraite à 60 ans mais, qu’elle assure par contre demain, le développement de « la sauvegarde de la capitalisation » pour reprendre le lapsus du Premier Ministre. Et qu’elle remet en cause la solidarité nationale et intergénérationnelle.

En conséquence, nous voterons résolument contre. Nous appelons le Président de la République à surseoir à la promulgation de cette loi afin de permettre aux Français de donner leur sentiment.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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