Ratification de l’ordonnance relative au code du travail

Publié le 26 septembre 2007 à 09:45 Mise à jour le 8 avril 2015

Le code du travail est un texte de référence pour les vingt millions de salariés, l’outil essentiel qui garantit le respect de leurs droits.

Le processus de recodification, lancé par M. Gérard Larcher, visait seulement, à l’en croire, à rendre le droit social plus lisible pour tous. La recodification devait reposer sur la « participation active » des partenaires sociaux et se solder par une réécriture à droit constant : à ce titre, elle paraissait utile, dans un domaine marqué par l’importance de la jurisprudence et l’empilement législatif.

Reste que l’on ne peut prétendre sans démagogie échapper à une certaine complexité dans un domaine aussi touffu. En outre, le recours à l’ordonnance en la matière est fort peu démocratique : le Parlement est totalement dessaisi ! Ce débat tronqué ne nous permettra pas d’aborder le fond, par exemple le contenu de l’annexe 1, sur laquelle auraient pu se concentrer les critiques...

La complexification du code du travail que vous dénoncez, monsieur le ministre, est en réalité la conséquence de votre politique en matière d’emploi, de votre volonté de segmenter toujours plus le code du travail, pour affaiblir les salariés dans leurs droits. (M. Fischer le confirme)

Le processus de dérèglementation, la multiplication de dérogations à la règle générale, le nombre croissant de contrats précaires, tout cela n’a pour objectif que de satisfaire le patronat. (M. Paul Blanc le conteste) En ce sens, le gouvernement est responsable. Sous prétexte de simplification, le texte est une tentative, non de recodification à droit constant, mais de démantèlement du code du travail ; il marque la volonté du gouvernement de tenir les promesses faites au Medef, d’enterrer le code du travail pour asseoir un peu plus la domination de l’employeur sur le salarié. Ce véritable processus de casse augure mal des réformes qu’on nous annonce pour demain.

Dans un premier temps, le gouvernement a privé les partenaires sociaux de réelle négociation, se contentant de réunions techniques de quelques heures là où il aurait fallu ouvrir un débat de grande ampleur sur le sens de la recodification. Le ministre est resté sourd aux inquiétudes des organisations syndicales. La CFDT a dit très tôt ses craintes, la CGT a regretté qu’on ne lui communique des rapports de plusieurs centaines de pages que 48 heures avant les réunions.

Dans un second temps, le texte a été adopté en mars, alors que les partenaires sociaux plaidaient pour une promulgation concomitante des parties législative et réglementaire. Même s’il s’en défend, l’objectif du gouvernement reste de faire taire la contestation grandissante sur le fond du texte. La CGT, la CFDT et FO ont dit leurs craintes que le processus ne se fasse pas à droit constant ; et quand on sait que la CGT a déposé en mai de cette année un recours devant le Conseil d’État, dont l’arrêt devrait être rendu début octobre, on comprend les raisons d’une telle précipitation.

La forme, même si elle dit beaucoup, n’est pas seule en cause. Le texte procède au déclassement de près de 500 dispositions législatives, avec une double conséquence : les modifications ultérieures seront plus aisées -et plus silencieuses- et la nature inégalitaire de la relation employeur-employé s’en trouvera davantage niée. Si le législateur a fait figurer dans la partie législative un certain nombre de dispositions relatives aux autorités compétentes en matière de conflit, c’est bien parce qu’il a souhaité protéger autant que possible le salarié. Le dessaisissement du juge prud’homal au profit du tribunal de grande instance n’est d’ailleurs pas sans conséquence pour les salariés, qui devront demain avoir recours à un avocat.

Cette reclassification s’accompagne d’une réorganisation du code. Vous avez choisi de scinder plusieurs articles, afin « qu’à chaque article corresponde une idée ». C’est méconnaître la spécificité du droit du travail. Recodifier en affirmant la règle dans un article et dans un autre l’exception, c’est nier le lien juridique entre les deux ; la seconde devient aussi importante que la première. Ne préparez-vous pas ainsi une réforme de plus grande ampleur, celle que vous appelez « modernisation » et qui résonne comme « libéralisation » ?

Vous dites que ce texte vise à simplifier le code du travail mais comment un code pourrait-il devenir plus simple quand son plan est profondément remanié et que 1 761 articles viennent s’ajouter aux 1 891 existants ? Vous avez oublié les cris des milliers de jeunes dénonçant le CPE, des salariés s’opposant au CNE, des organisations syndicales réclamant la fin des contrats précaires.

Si l’ordonnance du 12 mars 2007 est critiquable, le présent projet de loi ne l’est pas moins. Les articles 2 et 3 sont, par exemple, inacceptables. L’article 3 s’attaque de front au droit des femmes à bénéficier d’un congé maternité de seize semaines au moins. On est loin ici de l’égalité homme-femme, de la reconnaissance professionnelle des salariées ! Plutôt qu’une déréglementation, que nombre de médecins critiquent, c’est l’allongement du congé maternité qui est d’actualité. Proposer de basculer trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal, c’est reconnaître implicitement que le congé maternité est trop court ! J’y reviendrai, car il est clair qu’une salariée enceinte subira des pressions pouvant aboutir à des arbitrages défavorables pour sa santé et celle de son enfant.

Enfin, ce texte présente un risque d’externalisation du contentieux du droit du travail vers d’autres codes et vers d’autres juridictions, le risque de voir s’instituer un droit du travail par branche d’activité. Organisations syndicales, magistrats et juristes s’inquiètent. Y aura-t-il demain autant de droits du travail que de branches professionnelles ?
Pour tous ces motifs, le groupe CRC votera contre ce projet de loi.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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Décès de Walter BASSAN

C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que j’ai appris le décès de Walter Bassan. Le héros de « retour en résistance » s’en est allé hier à l’âge de 90 ans.
Complice de Gilles Perret (…)

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