Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : question préalable

Publié le 13 novembre 2008 à 13:36 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 dont nous avons à débattre dès à présent revêt cette spécificité qu’il est caduc avant même d’avoir été voté.

Le Gouvernement d’ailleurs ne s’en cache pas et annonce que des corrections majeures seront apportées, puisque les indicateurs prévisionnels sur lesquels est fondé ce texte seront actualisés à la mi-novembre, autrement dit incessamment sous peu et par voie d’amendement au cours de ce débat, ce qui n’est pas très respectueux du travail parlementaire.

Nous ne pouvons que regretter le choix du Gouvernement de soumettre à la représentation nationale un texte complètement déconnecté de la réalité économique du pays.

Nous le savons toutes et tous ici, les dégradations attendues sur le marché de l’emploi rendent incertaines les prévisions de recettes de la sécurité sociale, qui sont pour l’essentiel fondées sur les cotisations salariales.

Sachant que la précédente loi de financement de la sécurité sociale reposait sur une hypothèse de progression de la masse salariale de 4,5 %, qui s’est révélée dans la pratique de 4,2 %, personne n’est assez crédule pour penser que les prévisions du Gouvernement pour le texte que nous examinons aujourd’hui, qui reposent sur une hypothèse d’une progression de la masse salariale de 3,5 %, soient réalistes.

Pour le président de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, elle ne devrait pas excéder les 3 %. Pour M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, elle devrait être encore plus faible, de 2,75 %. C’est en tout cas ce que M. Éric Woerth a dernièrement déclaré dans la presse et c’est ce qu’il nous a annoncé hier lors de la discussion générale.

La différence entre vos hypothèses et vos prévisions est loin d’être négligeable, c’est le moins que l’on puisse dire si on garde à l’esprit qu’un écart négatif de 0,5 point de masse salariale correspond, dans la réalité, à une perte de recettes de 800 millions à 900 millions d’euros pour l’assurance maladie.

Dès lors, en l’absence de révision des indicateurs et des hypothèses sur lesquels repose le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, tout comme d’ailleurs le projet de loi de finances que nous examinerons dans la foulée, le Gouvernement fait preuve d’une désinvolture étonnante qui tranche avec l’envergure des enjeux liés à la question du financement de notre système de sécurité sociale. Et ce ne sont pas les quelques amendements qui seront déposés au cours de ce débat qui me démentiront.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale mérite mieux qu’une gestion au fil de l’eau, à laquelle vous vous adonnez pourtant.

L’utilisation d’une partie de la source de financement du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour compenser le nouveau transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, témoigne d’une gestion plus qu’improbable.

En outre, rien ne permet de penser que le FSV restera excédentaire dans la durée. C’est l’avis même du conseiller-maître à la Cour des comptes, André Gauron, qui a été auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat le 1er juillet dernier.

Cela semble d’autant plus inéluctable que le FSV souffre d’un problème chronique de financement qui en a fait le débiteur d’une dette de plus de 5 milliards d’euros auprès de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Sans doute est-ce cette même gestion au jour le jour qui a poussé le Gouvernement à relever, dans le cadre de ce projet de loi, le montant de la taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles de 2,5 % à 5,9 %.

Certes, le président de la Fédération nationale de la mutualité française s’est engagé à ne pas majorer pour autant les cotisations des assurés. Cependant cet engagement ne porte que sur un an. Si le Gouvernement décidait de pérenniser l’année prochaine le montant exceptionnel de la taxe - et ce ne serait pas la première fois ! -, il est certain que cela ne resterait pas sans conséquence pour les assurés.

Si aujourd’hui déjà, près de 5 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens n’ont plus les moyens de financer leur couverture complémentaire, combien seront-ils à court terme à devoir y renoncer ?

Toutefois la dégradation de notre environnement économique à laquelle nous assistons ne saurait pas faire oublier que, en parallèle, les déficits structurels n’ont cessé de se creuser.

La dette de l’État auprès du régime général de la sécurité sociale, et ce en dépit du remboursement de 5,1 milliards d’euros déjà effectué, court toujours allégrement depuis 2007 : elle s’élève désormais à 3,5 milliards d’euros et pèse lourdement sur la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.

Je voulais interroger à ce sujet M. le ministre du budget, mais il n’est pas avec nous aujourd’hui.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est en déplacement dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, je vous prie de l’excuser !

Mme Annie David. Il s’agit des comptes et du budget de l’État, mais peut-être pourrez-vous nous rassurer, madame la ministre, en nous indiquant si M. le ministre du budget compte, oui ou non, intégrer ces 3,5 milliards d’euros de dettes dans le collectif budgétaire de fin d’année.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je crois qu’il a déjà répondu en partie sur ce point !

Mme Annie David. Par ailleurs, d’autres éléments nous manquent pour nous permettre de débattre sereinement et utilement.

Madame la ministre, vous souvenez-vous que vous vous étiez engagée l’année dernière, devant nous, à rendre compte « chaque année, en toute transparence, dans un rapport au Parlement, de l’utilisation des ressources de la franchise » ?

En l’absence de la présentation de ce document, nous en sommes réduits à constater toute l’opacité de la mise en œuvre d’un dispositif auquel nous restons fermement opposés.

Cette mesure, qui taxe les malades et que nous jugions déjà injuste, maintenant nous la jugeons de surcroît malhonnête !

Je n’ai pas non plus eu connaissance de la publication d’un autre rapport que le Gouvernement s’était également engagé à communiquer à la représentation nationale. Il s’agit du rapport relatif à la mesure des écarts entre les tarifs pratiqués dans les hôpitaux et les tarifs des cliniques commerciales, qui devait nous être remis avant le 15 octobre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous l’avez eu ! Il faut lire les documents qui vous sont envoyés !

Mme Annie David. Déjà l’année dernière, M. Alain Vasselle, rapporteur, rappelait dans cet hémicycle que, pour organiser la mise en œuvre de l’accélération du processus de montée en charge de la tarification à l’activité, la fameuse T2A, la « transparence était particulièrement nécessaire dans le domaine de la convergence public-privé ». Il déplorait également que « les études relatives à l’analyse des écarts de coûts entre public et privé [aient] pris du retard et ne [soient] disponibles que dans un an ».

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous avez de bonnes lectures !

Mme Annie David. Un an après avoir été formulées, ces déclarations restent toujours d’actualité. Malgré les explications apportées hier soir et vos propos se voulant rassurants, madame la ministre, je m’interroge en outre sur la cohérence de l’organisation de l’agenda du Gouvernement, qui préfère procéder dans un premier temps à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour dans un second temps, au début de l’année prochaine, nous avez-vous dit hier, nous présenter un texte destiné à réformer notre système de santé.

Vous comprendrez notre embarras, puisqu’il est en définitive demandé au Parlement de voter les moyens d’une réforme avant même d’en avoir déterminé le contenu ! Dans ces conditions, bien des éléments restent flous, trop flous : la permanence des soins, la rémunération forfaitaire des médecins, l’accès aux soins ou encore le scandale des dépassements tarifaires.

Enfin, il faut rappeler que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de l’activité de recouvrement du régime général, tout comme ceux de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui assure la collecte des cotisations et la répartition des fonds. Elle conteste certains rattachements de recouvrements à l’exercice 2007, considérant qu’ils relèvent de l’exercice 2008.

Je regrette que la situation n’ait pas été clarifiée et que la sécurité sociale ne se conforme pas à la nouvelle version de son plan comptable établi en 2007. Cela aurait permis de lever une ambiguïté de plus et de faire apparaître que le déficit réel du régime général s’élève non pas, en 2007, à 9,5 milliards d’euros, mais à 10,5 milliards d’euros.

Il est fort dommageable que les corrections demandées par la Cour des comptes n’aient pas été apportées. Sans doute les différentes interprétations du plan comptable des organismes de sécurité sociale par l’ACOSS et son administration de tutelle, d’une part, et par la Cour des comptes, d’autre part, témoignent-elles d’une forte divergence d’appréciation sur l’exigence de sincérité des écritures au regard des normes comptables.

Il n’en demeure pas moins que cette différence d’appréciation nuit à la transparence dans la présentation des comptes. J’aurais préféré, pour ma part, que l’on respecte les observations de la Cour des comptes.

Je retiens de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis l’ampleur des données qu’il tait, pour ne pas dire qu’il camoufle, et je constate l’étendue des mesures qu’il reporte à plus tard.

Par ailleurs, il est oublieux de l’engagement du Gouvernement d’éclairer les parlementaires, afin qu’ils puissent en débattre en toute connaissance de cause.

Dans ces circonstances, la question de la sincérité du Gouvernement se fait lancinante, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est plus sincère que jamais !

Mme Annie David. ... et les conditions ne sont pas réunies pour entamer sérieusement l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Je vous demande d’en prendre acte, mes chers collègues, en votant la motion tendant à opposer la question préalable.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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