Notre groupe ne se réjouit pas de rejeter ce PLFSS, pas plus qu’il ne s’y résout

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

Publié le 12 novembre 2012 à 11:25 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce budget sera-t-il celui du changement ?

Voilà plus de dix ans que la Haute Assemblée examine des projets de loi de financement de la sécurité sociale élaborés par la droite. Dix ans que nous constatons, avec toujours plus d’inquiétude, la manière dont les politiques libérales mises en œuvre cassent l’emploi, creusent la dette publique et appauvrissent la sécurité sociale. Dix ans que nous constatons, de manière plus ou moins directe, le basculement d’un régime de protection sociale fondé sur les cotisations vers un système de plus en plus assis sur l’impôt et les contributions personnelles.

Tout cela nous éloigne un peu plus du principe originel de la sécurité sociale : chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.

Ce basculement est le fruit de choix politiques que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, à savoir la prédominance accordée systématiquement au capital sur le travail, avec ce mythe démenti pourtant chaque jour que la libéralisation du marché du travail et des règles fiscales, ainsi que la libre concurrence profiteraient automatiquement à l’emploi et donc au pays.

Il suffit de regarder autour de nous pour mesurer les effets concrets de ces politiques. Les bas salaires, les contrats précaires, les mauvaises conditions d’emploi et de travail ont augmenté. Des millions de salariés ne parviennent plus à vivre dignement du fruit de leurs efforts et le chômage, indemnisé ou non, connaît un développement continu.

Confrontés aux diktats des actionnaires contre l’économie réelle, les salariés sont de plus en plus souvent victimes de méthodes de management, qui nient leur humanité, les réduisant souvent à de simples variables d’ajustement. La sécurité sociale paie, au final, les pots cassés de tous ces gâchis.

La droite, celle qui voudrait aujourd’hui donner des leçons de gestion et d’équilibre, est pleinement responsable de cette situation.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Dominique Watrin. Entre 2002 et 2012, la dette sociale supportée par la CADES est passée de 29 milliards d’euros à plus de 137 milliards d’euros.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était avant la crise !

M. Dominique Watrin. Par ailleurs, 700 000 emplois industriels ont été sacrifiés avec le silence complice des précédents gouvernements.

Parallèlement, la part de financement des employeurs à la sécurité sociale n’a eu de cesse de diminuer. À l’inverse, nos concitoyens, y compris les plus modestes, ont été soumis à de nouveaux prélèvements fiscaux, destinés à compenser l’insuffisance des contributions patronales. Franchises, déremboursements et forfaits, instauration d’une journée dite de « solidarité », fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail, taxation des mutuelles, sortie automatique au bout de cinq ans du régime des affections de longue durée, les ALD, réduction de la prise en charge des patients en ALD atteints d’hypertension artérielle, voilà le bilan de la droite !

Malgré ces mesures, toutes plus injustes les unes que les autres, présentées comme devant responsabiliser les patients et réduire les déficits, celui de la branche maladie est passé de 1 milliard d’euros en 2001 à 5,5 milliards d’euros en 2012.

Au vu de ces résultats, nous sommes en droit de soulever une question que se posent d’ailleurs nos concitoyens : à quoi ont servi les sacrifices demandés aux Français, si ce n’est à accroître les dividendes versés aux actionnaires ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !

M. Dominique Watrin. Quelle efficacité ont eu les 170 milliards d’euros d’aides publiques et sociales versées annuellement aux entreprises ?

Quel bilan tirer des 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales consenties tous les ans aux entreprises et dont une part n’est tout simplement jamais compensée ?

Mes chers collègues, si nous défendons la sécurité sociale par rapport au modèle assurantiel, ce n’est pas seulement parce que nous considérons que c’est un héritage utile. Nous la défendons, parce que nous pensons que garantir à chacun une protection contre les aléas économiques, sanitaires et sociaux tout au long de la vie, de la naissance jusqu’à la mort, est à la fois un projet humain de grande actualité et une visée d’avenir. Car tout ce qui est soustrait au secteur commercial, au profit d’un système solidaire, est au final un atout majeur pour notre pays, pour notre économie et pour nos entreprises !

La sécurité sociale ne peut et ne doit pas être déconnectée des richesses créées dans les entreprises. Faire participer ces dernières à l’effort de solidarité n’est que justice ; c’est aussi un moyen de lutter contre le poids trop grand pris par la finance sur l’économie.

Dans ce contexte, l’élection de François Hollande a suscité d’importantes attentes. Le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par un gouvernement de gauche a engendré de l’espérance et même de l’exigence.

Notre niveau d’intervention se situe là ; il n’est certainement pas dans la surenchère ni non plus en en rabattant sur les convictions que nous avons toujours défendues ici et que certains partageaient, pas plus tard que l’année dernière, sur les autres travées de la nouvelle majorité sénatoriale.

Nous attendions donc de ce nouveau gouvernement qu’il rompe clairement avec les logiques que nous avions dénoncées ici ensemble, qu’il revienne sur les dispositions que nous avions combattues, et même qu’il avance sur un projet plus ambitieux, tant il est urgent de redonner un nouveau souffle à notre système de santé.

Certes, ce texte comporte des mesures positives que nous accueillons favorablement, même si nous regrettons que, dans leur ensemble, elles demeurent trop partielles.

En ce qui concerne la branche maladie, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait pris la décision de rembourser à 100 % les interruptions volontaires de grossesse. En commission, nous avons déploré que cette augmentation ne s’accompagne pas d’une revalorisation des tarifs de cet acte médical. Nous pensons que cette demande devrait être prise en compte.

Positif également est l’amendement adopté par l’Assemblée nationale permettant aux jeunes filles mineures de bénéficier de la gratuité de la pilule. Nous avons déposé un amendement complétant l’article en question afin que la pilule puisse être distribuée de manière anonyme et que les examens biologiques complémentaires soient également assurés de manière gratuite et anonyme.

Pour ce qui est de la branche famille, nous considérons comme une avancée l’expérimentation du tiers payant pour le complément de mode de garde proposé aux parents recourant à une assistante maternelle. Nous proposons d’étendre cette expérimentation aux parents qui confient leurs enfants à des micro-crèches. Nous regrettons surtout qu’aucune mesure n’ait été prise pour augmenter le nombre de places en crèches.

Pour ce qui est de la branche AT-MP, nous restons là aussi en attente. Certes, permettre aux salariés âgés de soixante ans, indépendamment de leur statut et de leur régime, de pouvoir liquider leurs pensions plus rapidement au titre de l’amiante, est un progrès. Mais le véritable changement aurait été d’élargir les conditions d’accès à l’ACATAA en faisant en sorte que les salariés puissent en bénéficier avant d’être malades. Il aurait non seulement fallu réintroduire la contribution patronale supprimée par la droite, mais aussi – et surtout, ai-je envie de dire – ne pas conditionner l’accès à l’ACATAA à une durée de cotisation de quarante et une annuités, repère légal issu de l’allongement de la durée de cotisation imposé par la contre-réforme des retraites.

Mes chers collègues, pris par le temps, et souhaitant pouvoir laisser ma collègue Laurence Cohen intervenir sur la question des hôpitaux, je ne détaillerai pas ici l’ensemble du PLFSS, mais vous aurez compris qu’au final nous demeurons, pour ce qui relève des recettes, insatisfaits.

M. Jean Desessard. Ah, mince !

M. Dominique Watrin. Nous aurions pu, c’est vrai, trouver quelques motifs de satisfaction dans deux mesures. Je pense à l’élargissement aux éléments de rémunération complémentaire de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, à la charge des sociétés d’assurance ou bien à l’assujettissement au forfait social des indemnités versées par les employeurs en cas de ruptures conventionnelles, mesure ô combien importante, tant il y a eu, on le sait, des abus en ce domaine : 300 000 ruptures conventionnelles en 2011 ! Mais en retenant le principe de taxes plutôt que de cotisations, non seulement le Gouvernement s’est privé de recettes nouvelles pour la sécurité sociale, mais il a aussi privé les salariés de droits nouveaux, notamment pour la retraite, qu’ils auraient pu acquérir par les cotisations.

Vous comprendrez surtout que nous ne pouvons pas laisser passer cette nouvelle taxe sur les retraites dite contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.

Prévue à l’article 16 du PLFSS, la CASA constitue une taxe sur les pensions de retraite et d’invalidité. Dès le 1er avril 2013, elle devrait s’imposer à plus de 7,5 millions de retraités, qui sont assujettis à la CSG au taux de 6,6 %, soit ceux dont le montant de l’impôt sur le revenu est supérieur à 61 euros.

Je veux le dire avec responsabilité et gravité, nos concitoyens n’ont pas voté en faveur d’un gouvernement de gauche pour recevoir en boomerang une mesure de droite, surtout quand cette mesure est une des plus importantes contenues dans ce premier budget de sécurité sociale du nouveau gouvernement et, qui plus est, quand elle reprend, à peu de choses près, la proposition de notre collègue Gérard Roche du groupe centriste, votée par les sénateurs UMP il y a quelques semaines seulement.

M. Jean-Pierre Plancade. C’est abusif !

M. Dominique Watrin. Les quatre millions d’électeurs qui, au premier tour, se sont reconnus dans les propositions du Front de gauche et se sont reportés au second tour sur François Hollande, pour battre Nicolas Sarkozy et rejeter sa politique d’austérité, attendaient autre chose de ce gouvernement qu’une taxe aussi injuste que celle-ci. Car, comme je l’ai déjà dit, je le répète ici au nom du groupe CRC, on n’est certainement pas un nanti lorsqu’on gagne plus de 1 215 euros par mois.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Dominique Watrin. Si nous sommes opposés à cette taxe, c’est que nous considérons aussi que le postulat sur lequel elle repose est mauvais. Nous avons entendu le Gouvernement nous dire que cette mesure était une première étape vers une réforme d’ampleur destinée à prendre en charge la perte d’autonomie. Cela reste d’abord à prouver, car nous faisons, pour le moment, le constat, sauf erreur, que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie serait dépouillée parallèlement et pour le même montant financier d’une part de recettes de la CSG.

Plus généralement, permettez-moi de le dire, mesdames les ministres, c’est un bien mauvais signal que de commencer à poser la question de la prise en charge de la perte d’autonomie, non pas en se souciant d’abord des besoins des personnes, mais en se préoccupant de son seul financement.

Au groupe CRC, nous sommes convaincus que la prise en charge des besoins liés à la perte d’autonomie doit relever de la sécurité sociale, et ce dans sa totalité. Son financement doit donc être assuré par les cotisations sociales élargies aux revenus financiers. Nous refusons l’idée selon laquelle le non-assujettissement des retraités à la journée de solidarité serait une niche sociale.

Je note aussi, sur ce sujet, que, pendant que l’Assemblée nationale adoptait la CASA, en en augmentant le taux, elle exonérait, sur l’initiative du Gouvernement, les plus-values réalisées par les fonds d’investissement de la taxe prévue à l’article 14.

Mme Éliane Assassi. Et voilà !

M. Dominique Watrin. Cela donnait ainsi l’impression que l’exonération consentie à une minorité de privilégiés devait être compensée par le rehaussement d’une mesure touchant des retraités modestes. À l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le rendement de la CASA est curieusement passé de 350 000 à 500 000 euros quand les prétendus pigeons se voyaient exemptés des 150 000 euros de taxe prévus.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Dominique Watrin. Alors, mesdames les ministres, s’il faut trouver des moyens nouveaux pour financer notre protection sociale, moyens fondés sur la justice, laissez-moi vous rappeler que les sénateurs communistes et socialistes avaient voté ensemble, l’année dernière, la suppression des exonérations de cotisations sociales consenties à des entreprises qui, en ne respectant pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, bafouent les lois de la République.

Rien ne justifie, en effet, que des entreprises qui ne respectent pas les lois puissent bénéficier, en échange de leur comportement délictueux et antisocial, d’exonérations de cotisations sociales, d’où l’amendement que nous proposons en substitution de l’article 16.

Ce PLFSS, le premier d’un gouvernement de gauche depuis dix ans, devrait être la marque du changement et prendre résolument le parti des assurés sociaux contre la finance. Il devrait marquer, selon nous, la première étape d’un financement majeur de la sécurité sociale afin de lui permettre de répondre aux exigences nouvelles nées de la crise, de la spéculation et de l’accaparement par une minorité des richesses produites par le travail.

Tel est le sens des amendements que nous avons déposés, en matière tant de recettes que de dépenses.

En conclusion, je veux le dire ici très clairement, le groupe communiste républicain et citoyen ne se réjouit pas de rejeter ce PLFSS, pas plus qu’il ne s’y résout. Il attend des actes forts sur la partie recettes, étant entendu que le montant et la nature de celles-ci déterminent le niveau de solidarité que nous voulons collectivement atteindre.

Avec nos propositions, nous offrons la possibilité au Gouvernement, non seulement de faire gagner la gauche, mais aussi de renforcer la sécurité sociale. Nous lui offrons la possibilité de porter la protection sociale à un niveau au moins égal, voire supérieur à celui que nous connaissions avant les dix ans de droite, de libéralisme et d’austérité. Telle est la seule ambition, le seul objectif du groupe CRC dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2013.

Les bas salaires, les contrats précaires, les mauvaises conditions d’emploi et de travail ont augmenté. Des millions de salariés ne parviennent plus à vivre dignement du fruit de leurs efforts et le chômage, indemnisé ou non, connaît un développement continu. Confrontés aux diktats des actionnaires contre l’économie réelle, les salariés sont de plus en plus souvent victimes de méthodes de management, qui nient leur humanité, les réduisant souvent à de simples variables d’ajustement. La sécurité sociale paie, au final, les pots cassés de tous ces gâchis.

Dominique Watrin

Sénateur du Pas-de-Calais
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