Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Cette proposition de loi, très courte, vient corriger une erreur de rédaction dans la loi handicap du 11 février 2005.
En particulier, très tôt après la publication de la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », de nombreuses associations nous ont alertés, en tant qu’élus, sur les incohérences de ce texte.
Dans le cas présent, alors que la loi annonçait une extension à tous les régimes, y compris les fonctionnaires, de la possibilité pour les salariés handicapés de prendre leurs retraites de façon anticipée sans décote, la manière dont le texte était rédigé le rendait impossible.
Cette correction est une nécessité incontestable. Surtout que de ce fait, les décrets d’applications sont en attente depuis de longs mois.
Ainsi, nous n’avons que peu de commentaires à faire sur le contenu lui-même de cette proposition de loi, dans la mesure où c’est une demande de nombre d’associations de personnes handicapées et de syndicats de retraités.
Mais j’aimerai cependant faire remarquer à cette Haute Assemblée, que le retard pris dans l’application de la loi plonge de nombreuses familles dans des situations déplorables. Et que la venue de cette proposition de loi en est une bonne illustration.
Et les exemples de retard ou d’incohérences sont légion. Pas plus tard que le week-end dernier, une manifestation a eu lieu dans le but d’interpeller, une nouvelle fois, M. le Ministre sur la situation des personnes lourdement handicapées, car la prestation mise en place ne couvre plus de 12 heures d’aide humaine, ce qui plonge dans le désarroi les personnes nécessitant 24 heures d’aide humaine. Et même si M. le Ministre s’est engagé sur une rectification du décret relatif à la prestation de compensation, on se retrouve malgré tout face à un fonctionnement politique pour le moins critiquable.
Les mêmes interrogations nous reviennent de la part des départements. Dans certains d’entre eux, les équipes d’évaluation doivent se limiter souvent à une seule personne, un médecin, ce qui est contraire au principe de respect des droits des personnes.
Sans parler non plus des décrets qui ne sont toujours pas parus, plus d’un an après la publication de la loi : c’est encore le cas pour le décret devant établir les établissements et Services d’aide par le travail (ESAT), ou celui relatif à l’accessibilité du cadre bâti, en encore celui relatif à la prestation de compensation en établissement.
Tous ces retards et ces incohérences vident la loi de son sens et de son effectivité, alors que de nombreuses personnes en situation de handicap, et leur famille, avaient mis beaucoup d’espoir dans cette loi.
Ces personnes sont allées de désillusions en désillusions, et ce, dès la discussion du texte en assemblées. En particulier, par delà les annonces de cette majorité, rien n’a été fait pour améliorer et garantir le niveau de vie des personnes handicapées.
Le Complément de ressources est non seulement d’un montant très faible, mais il ne peut concerner que les personnes handicapées à plus de 80%, vivant dans un logement indépendant, et ayant une capacité de travail inférieure à 5%. De telles conditions limitent fortement l’impact de cette revalorisation et le nombre de bénéficiaires, et cela a cristallisé une vive déception, très légitimement.
Surtout, une grande question reste en suspend : celle du financement. Et là ce sont les départements qui sont particulièrement inquiets. Le financement du handicap doit se faire à travers la CNSA. Celle-ci dispose d’un budget de 2 milliards d’euros pour financer les personnes âgées, le handicap et les établissements. Une telle somme pourra financer les besoins d’environ 100 000 personnes, or en France, les personnes handicapées représentent à elles seules 400 000 personnes.
Pour le handicap, la possibilité de dépense des départements est de 1,5 milliards d’euros. La CNSA a annoncé un apport de 400 millions d’euros en 2005 et 800 000 euros en 2006. Si ce décalage se confirme, comment les départements vont-ils pouvoir honorer leurs engagements en matière de solidarité ?
Lors de la discussion de ce projet de loi, nous avions vivement critiqué son caractère irréaliste et nous avions dénoncé la volonté, de la part de l’Etat, de se désengager financièrement de la prise en charge du handicap.
Même vos ambitions de principe se trouvent aujourd’hui mises à mal. Vous parliez à l’époque d’une loi qui allait impulser un véritable changement des mentalités et créer de nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap.
On est bien loin aujourd’hui de la révolution que vous souhaitiez amorcer. C’est ce dont témoignent les dernières recommandations de la HALDE, qui a été, cette année encore, plusieurs fois saisie pour des cas de discriminations envers de personnes handicapées.
Cette proposition de loi, en corrigeant cette erreur, est donc bel et bien une fidèle illustration des échecs, en matière de handicap, de votre politique d’affichage. Car votre politique reste sans cohérence de fond, et sans réelle prise en compte des attentes de nos concitoyens.