Lois de financement de la sécurité sociale

Publié le 24 mars 2005 à 19:35 Mise à jour le 8 avril 2015

par Guy Fischer

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Donner « plus de lisibilité, de crédibilité et de sens » à la loi de financement de la Sécurité sociale votée chaque année par le Parlement depuis la réforme Juppé de 1996. Tel est le soi-disant objectif du projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui. En réalité, on est loin du but affiché puisque ce projet de loi dont nous parlons ne fait que renforcer la logique d’étatisation de la sécurité sociale et les nouveaux pouvoirs qu’elle met en place ne vont qu’au seul parlement.

Ainsi, au prétexte de donner plus de « crédibilité », ce projet de loi renforce les contraintes liées à l’Objectif National de Dépenses de l’Assurance Maladie. Ainsi, ce texte prévoit que ses sous-objectifs seront débattus par le parlement. Je vous rappelle pour mémoire que la réforme de l’assurance maladie avait prévue une procédure d’alerte susceptible d’être activée en cours d’année, s’il s’avérait que la croissance des dépenses excède plus de 0,75% l’Ondam. En somme, la loi organique vient contraindre encore plus l’Ondam, mais que fait-on une fois que celui-ci est dépassé ? on arrête de donner des soins ? De plus, désormais L’Ondam pourra comporter des dispositions qui ne sont pas strictement financières, (par exemple des dispositions relatives à la gestion du risque ou aux règles d’organisation ou de gestion interne des régimes) alors que jusqu’à présent, de telles dispositions ont systématiquement été censurées par le conseil constitutionnel

Le contrôle parlementaire de la sécurité sociale s’en trouve aussi accru du fait de l’abandon du caractère annuel de l’examen par le parlement des PLFSS. En effet, dans la continuité de la réforme de l’assurance maladie, la loi organique de financement de la sécurité sociale autorise de fait les lois rectificatives comme pour les finances publiques. A cela, il faut ajouter que chaque caisse nationale d’assurance maladie devra désormais transmettre au parlement et au gouvernement, avant le 30 juin, ses propositions relatives à l’évolution de ses charges et de ses dépenses pour l’année suivante

Bref, le but de cette réforme n’est autre que de mettre en place des nouveaux systèmes pour contraindre la dépense publique… mais avec quel succès ? les lois rectificatives de la LFSS existent déjà en théorie mais ne sont jamais utilisée, et depuis 1996, chaque LFSS a montré que l’Ondam était un dispositif totalement caduque qui ne pouvait être respecté.

Prenons l’exemple des derniers LFSS : l’année 2005 commence mal pour les comptes de l’assurance maladie. Selon des chiffres provisoires de la caisse nationale d’assurance maladie, les dépenses du régime général auraient progressé en janvier 2005 de 5,8% par rapport à janvier 2004. A ce train, l’objectif de l’Ondam qui avait été fixé à 3,2% pour 2005 risque d’être de plus en plus difficile à tenir. Quand à l’objectif fixé à 4% par la loi de financement, c’est désormais un vœu pieu qui n’a trouvé personne pour l’exaucer.
Les administrateurs de l’Uncam peuvent s’inquiéter puisqu’il leur reviendra de faire des propositions de nature à ramener dans les clous de l’Ondam les dépenses remboursées par les régimes obligatoires. C’est d’ailleurs là que le bât blesse. La maîtrise des remboursements obligatoires est une chose, une autre chose est la régulation globale des dépenses de santé, c’est-à-dire la part de la richesse nationale qu’une société souhaite affecter à son systèmes sanitaire. C’est ce débat qu’il faut avoir et non pas celui de savoir quel pourcentage des remboursements de l’obligatoire sera transféré sur les complémentaires. C’est-à-dire sur les patients eux-mêmes.
Pour le moment, le gouvernement semble vouloir pénaliser financièrement les assurés, ne fusse que « symboliquement » comme l’assure le secrétaire d’état à l’assurance maladie tout en s’apprêtant à autoriser la prise en charge des dépassements tarifaires par les complémentaires. A ce train là, il y’a des participations symboliques qui risquent de devenir très coûteuses.

Et ce n’est pas tout, ce projet de loi prévoit que les comptes de la sécurité sociale devront désormais être certifiés par la cour des comptes, qui jouera ainsi un rôle proche de celui des commissaires aux comptes dans les entreprises. Or, il serait nécessaire d’avoir une clarification sur le rôle de la cour des comptes. Il semble que celle ci formule de plus en plus des observations d’opportunité politique qui paraissent aller au-delà de ses prérogatives et de son rôle. sur des aspects légaux, on ne peut contester son action mais si c’est pour juger les coûts de gestion et conseiller d’externaliser telle ou telle tâche pour obtenir des coûts de gestion plus performant, elle sortirait tout a fait de son rôle.

S’agissant de la démarche d’objectifs/résultats qui sont assignés, notamment en matière de coûts de gestion, nous redoutons que derrière ce discours prétendument « volontariste », se cache le projet d’externaliser une partie des tâches et des responsabilités auprès des sociétés privées pour afficher des coûts de gestion beaucoup moins élevés car c’est la tendance actuelle.

Mais au sein de ce projet de loi organique, une disposition est particulièrement critiquable. Le projet de loi comportera deux parties : la première comportera les volets recette et un article d’équilibre (excédent ou déficit), la seconde le volet dépenses. Le parlement votera obligatoirement la première partie avant de voter la seconde. En clair, le parlement compte tenu des recettes attendues, fixera un niveau de déficit, compte tenu des critères de Maastricht.
Les dépenses devront obligatoirement rentrer dans cette enveloppe. Même si ce dispositif existe déjà pour le budget de l’Etat, cela signifie que le niveau des recettes conditionnera celui des dépenses et non les besoins à satisfaire celui des recettes. Cet article entérine donc la logique de maîtrise comptable de la gestion de la sécurité sociale.

En somme, cette loi organique renforce le sentiment qu’on adapte les dépenses aux ressources fixées et jamais les ressources aux dépenses nécessaires.

Cela ne vous surprendra guère, nous aurions voulu une toute autre démarche pour cette reforme de la loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier objectif serait le démantèlement des mesures d’exonérations qui coûtent si cher au budget de la sécurité sociale. Mais la promesse faite par le ministre d’inscrire dans la loi le principe de la compensation intégrale des exonérations n’a pas été retenue. Nous dénonçons ce renoncement gouvernemental et plaidons à nouveaux pour une réelle réforme du financement permettant de dégager des ressources supplémentaires pour faire face aux besoins de santé et de retraite dont nous savons tous qu’ils iront en grandissant.

Par ailleurs, Il conviendrait que les dispositifs de gouvernance soient rééquilibrés au profits des conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale, en particulier en renforçant leurs prérogatives et en asseyant leur légitimité par le retour à l’élection de ses représentants, c’est-à-dire les représentants des assurés sociaux et des allocataires. Or, même si vous arguez le fait que ce projet de loi confère au parlement de nouveaux pouvoirs en matière de finances sociale, sans remise en cause du rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses de sécurité sociale, paradoxalement, en renforçant le contrôle du parlement sur la sécurité sociale, vous la dépouillez de son caractère démocratique. La démocratie sociale nécessite en effet, au minimum, une co-élaboration des projets de financement de la sécurité sociale par les conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale. Or, on ne trouve nulle trace de cela dans le présent projet.

En somme, ce projet de loi, présenté comme une amélioration rationnelle de la gestion de la sécurité sociale n’apporte ni transparence, ni efficacité mais accentue encore plus la logique comptable et la main mise étatique sur la sécurité sociale.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Santé et protection sociale