Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Le dernier projet de loi de financement de la Sécurité Sociale de cette législature s’inscrit dans la droite ligne des précédents.
Contrairement à ce que vous affirmez, les quatre branches restent dans le rouge.
Ce budget - au-delà des apparences - participera un peu plus encore au démantèlement de notre système de protection sociale, et à sa privatisation rampante.
Il va accroître un peu plus encore les inquiétudes des assurés sociaux, et des professionnels, qui constatent, impuissants, le resserrement de la couverture des risques sociaux, et l’accroissement des inégalités face à la maladie, à la vieillesse ou à la mort.
Cela m’amène, Monsieur le Ministre, à faire quelques constats.
Avant cela, je rappellerai qu’en 2002, au moment de l’arrivée de votre majorité au pouvoir, le solde du régime général était excédentaire depuis trois ans.
Or, votre majorité a battu de bien tristes records : ceux des niveaux historiques de déficits.
Et voici maintenant, pour la troisième année consécutive, un déficit de 10 milliards d’euros.
L’optimisme affiché par la majorité, qui s’enorgueillit d’afficher « seulement » un déficit de 9,7 milliards n’apparaît pas de bon ton, surtout lorsque l’on sait que vous masquez depuis plusieurs années la réalité de la situation, avec la création de fonds de financement, comme le FFIPSA et le FSV.
Selon les rapporteurs de la Cour des Comptes, « le déficit global de l’ensemble des régimes et de leurs fonds de financement est passé de 14,2 milliards en 2004 à 14,4 milliards en 2005.
Pas de quoi se féliciter non plus, lorsque l’on sait, que les prétendues améliorations des comptes se font au détriment des assurés sociaux, toujours mis plus à contribution, et que cela se fait aussi au détriment de la qualité et de l’étendue de soins et prestations offertes.
Quant à la réforme de Monsieur Douste-blazy de 2004, censée justement résorber le déficit, on peut à présent constater son inefficacité notoire, et même ses nombreuses incohérences.
Il n’est pas trop tôt pour constater le caractère irréaliste du contenu de sa réforme, et surtout les sommes exorbitantes consacrées à des dispositifs inutiles, au premier rang desquels le fameux DMP, Dossier médical personnel.
Ces cinq ans de législature vont se conclure malheureusement par un recul de l’égalité et de protection sociale, et par une situation désastreuse des comptes sociaux.
Quant à l’avenir au-delà de 2007, les perspectives sont tout aussi alarmistes.
Ne serait-ce qu’à l’horizon 2009, la Cour de Comptes estime les besoins de financement du régime général et des fonds de financement à plus de 39 milliards.
Quant au poids de la dette, il s’est lourdement aggravé, compromettant l’avenir des jeunes générations. Vous avez transférez une charge de 35 milliards d’euros à la CADES en 2004, mais la CADES supporte aujourd’hui une dette de plus de 98 milliards d’euros, sans compter les 39 milliards qui s’y ajouteront d’ici 2009.
Même à retenir comme vous le faites dans vos prévisions les éléments de conjoncture les plus optimistes, aucun retour à l’équilibre n’est prévu dans les années à venir, et vous n’osez plus vous hasardez à de tels pronostics.
Quant à l’avenir de nos retraites, question majeure pour les décennies à venir, le déficit s’accroît de plus en plus vite, et ceux qui le peuvent se hâtent de faire valider leurs droits tant qu’il subsiste un mode de calcul des pensions encore décent.
Cette majorité a vidé de son sens le Fonds de Réserve pour les Retraites, se défaussant de ses responsabilités, sans mettre en place pour autant un système pérenne et satisfaisant en matière de couverture du risque vieillesse.
Au final, les comptes de la protection sociale sont tout simplement sacrifiés depuis quatre ans, et les finances sociales ne servent plus, pour cette majorité, que comme variable d’ajustement du budget de l’Etat et de la politique de l’emploi.
Un Etat qui se défausse de plus en plus de son déficit sur la Sécurité Sociale, car il y a, je le rappelle, déjà 6,5 milliards d’euros de créances détenues par les organismes de Sécurité Sociale sur l’Etat.
Or, rien n’est prévu dans ce projet de loi pour que l’Etat apure ses dettes, au contraire, on fera un pas supplémentaire dans la non-compensation des exonérations de charges consenties aux entreprises.
Ce pillage caractérisé des finances sociales est à nouveau l’un des points majeurs du projet que vous nous présentez Monsieur le Ministre.
Une fois encore, les grands gagnants de ce projet de loi de financement seront les entreprises, et le secteur privé dans son ensemble.
Non seulement le Gouvernement en profite pour faire passer certaines dispositions de régression sociale, comme celle visant à exclure du cadre légal des 35 heures les café - Hôtels - Restaurants, mais il augmente encore les exonérations de charges, pour un montant qui avoisinera probablement les 370 millions d’euros.
Et les entreprises pharmaceutiques ne seront pas en restent cette année, puisque la taxe sur leur chiffre d’affaire sera réduite d’1 point par rapport à l’an passé.
Une fois encore, une étape supplémentaire est franchie dans la privatisation de notre système de santé. Et le projet fait la part belle aux assurances et services privés.
Avec ce projet de loi, vous organisez aussi tout bonnement le transfert d’argent public vers le privé.
Car en finançant partiellement l’augmentation des tarifs des complémentaires santé, c’est bien de cela qu’il s’agit.
Par contre, pour les assurés sociaux, non seulement la couverture des risques se restreint, mais à l’inverse leur mise à contribution financière ne fait qu’augmenter.
Plutôt que de chercher des recettes pérennes, le Gouvernement se contente d’accroître la charge des assurés sociaux.
Sous prétexte de poursuivre la maîtrise médicalisée, le Gouvernement augmente le forfait hospitalier, annonce le déremboursement de 41 médicaments sur les 145 conseillés, s’acharne à contenir les prescriptions médicales, en particulier dans les cadre des affections longue durée.
Sans parler, bien entendu, de votre chasse aux fraudeurs, qui voudrait faire passer chaque assuré social, chaque titulaire de minima sociaux, pour un délinquant en puissance.
On devra, cette année encore, examiner certaines de vos propositions indignes et liberticides : comme celle qui viserait à rayer de la liste des RMIstes ceux dont on estimerait le train de vie trop dispendieux, ou encore le croisement des fichiers informatiques.
Toutes ces orientations budgétaires sont bel et bien le résultat de l’application par cette majorité d’une politique libérale forcenée.
Lorsque l’on sait que cette année les entreprises cotées au CAC 40 ont battu des records en terme de profits, la comparaison avec les sacrifices demandés aux assurés sociaux est véritablement vertigineuse.
Ces choix désastreux et injustes de la part de votre majorité, Monsieur le Ministre, se retrouvent disséminés dans chacune des branches de l’Assurance Sociale.
C’est pourquoi, je souhaite à présent dire un mot sur vos prévisions de dépenses branche par branche.
La branche Maladie tout d’abord. L’ensemble de la branche souffre principalement des conséquences déplorables de la réforme Douste-Blazy, dont j’ai déjà dit un mot précédemment.
L’hôpital public, en particulier, est victime depuis l’arrivée de votre majorité au pouvoir, de sous-dotations budgétaires chroniques.
L’hôpital public est le bouc émissaire tout désigné, tandis que le secteur privé voit ses actions en bourse dopées.
Il manquera cette année 780 millions d’euros aux hôpitaux publics, mais la Fédération Hospitalière de France va jusqu’à prévoir pour l’année prochaine un déficit compris entre 800 et 900 millions.
Cette pénurie organisée a de lourdes conséquences sur la qualité et l’accès aux soins. Les professionnels de la santé s’alarment tous de devoir réduire le personnel, déjà en nombre insuffisant, pour contenir des déficits abyssaux dont ils ne sont pas responsables.
Quant à la T2A, vous poursuivez et amplifiez, avec ce nouveau projet de loi, cette réforme inopérante et dangereuse.
Nous ne cessons de le répéter depuis 2004, la convergence public / privé est une hérésie. On le constate déjà, quand on voit à quel point les critères de convergence sont inapplicables sur le terrain.
Pire encore, les budgets explosent sous l’effet des « sur-déclarations » de soins de la part des cliniques privées.
Allez-vous, enfin, revenir sur cette réforme, comme l’ensemble des acteurs de terrain, des professionnels et des usagers du service public le réclament ?
Et le secteur médico-social souffre lui aussi des mêmes maux. Les réformes ne sont pas applicables non plus. Les protocoles s’avèrent irréalistes, et tellement loin du vécu des praticiens sur le terrain.
Mais au final, le constat est le même. Tout comme le sanitaire, le médico-social s’ouvre largement au privé. Des entreprises, motivées par le profit, pourront plus encore que ce n’est déjà la cas, bénéficier d’agrément et de financement de la part de l’Etat.
Au lien de renforcer un véritable service public de la dépendance et un véritable service public du handicap, vous multipliez les possibilités pour les structures privées d’exploiter des populations en difficulté, et vous creusez plus encore les inégalités.
Un mot par ailleurs sur la médecine de ville. Après de très vives réactions des professionnels de santé, vous augmentez dans l’urgence, l’ONDAM des soins de ville, sans doute sous-estimé.
Cela équivaut à monter dos à dos les différents acteurs qui exercent dans la branche maladie, ce qui est particulièrement regrettable.
D’autant plus que je ne crois pas que cela résoudra les maux dont souffre la médecine.
La désaffection de certaines professions, le développement de zones où il n’existe plus véritablement d’offres de soins, tous ces problèmes dont souffre la médecine de ville ne sauront être résolus seulement par l’augmentation substantielle d’une enveloppe budgétaire.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, c’est une fois encore votre absence de politique de long terme que l’on constate.
Les conséquences sur nos concitoyens sont dramatiques. A la campagne, dans certaines villes, ou certaines banlieues, la permanence des soins, ou même l’accès aux soins primaires, sont remis en cause.
Les inégalités face à la santé se creusent de façon dramatique, et elles se renforcent encore par des phénomènes de discriminations en direction des populations les plus dans le besoin, les populations les plus pauvres, les plus marginales.
Une enquête récente confirme un constat fait de longue date sur le terrain : des médecins généralistes et spécialistes n’accueillent pas dans les mêmes conditions, ou même refusent, des titulaires de la CMU ou de l’AME.
Face à ces discriminations intolérables, allez-vous, sur ce point-là aussi, vous contentez de quelques annonces ?
Et cela m’amène d’ailleurs à quelques commentaires sur la branche Famille. Il semble que vous l’utilisiez comme véritable vitrine politique.
Mais une vitrine politique au service des Français les plus aisés, et non pas au service des plus en difficulté.
C’est ce qu’illustre parfaitement la mise en place de la PAJE, puisque tout le monde s’accorde à dire qu’elle ne favorise que les familles ayant le plus de moyens.
Son coût exorbitant pour la branche Famille profite une fois encore au privé, alors que les structures d’accueil collectif manquent cruellement de moyens
Quant aux autres dispositions de ce projet de loi, au-delà des annonces de bonnes intentions, elles ne témoignent d’aucun investissement supplémentaire, et certainement pas d’une véritable volonté de prise en compte des difficultés vécues par les familles.
La création d’un congé d’aidant familial, sans véritable engagement financier, sera une fois encore réservée à ceux qui pourront se permettre d’interrompre leur activité professionnelle sans souffrir de la perte de revenu.
Ce n’est pas la majorité des familles !
Même logique avec le partage des allocations familiales.
Si vous aviez réellement souhaité prendre en compte les difficultés rencontrées par les familles au moment des divorces, il aurait fallu rendre les deux parents allocataires des prestations familiales, et non par les obliger à partager des sommes souvent bien modestes.
Mais une fois encore, vos intentions ne sont malheureusement pas celles-là.
Je m’attarderai sur la branche vieillesse, où la colère gronde.
Je souhaite tout de même souligner qu’il y a quelques semaines, des retraités sont descendus dans la rue, pour manifester leur mécontentement et leurs inquiétudes, au regard de la perte sans précédent de pouvoir d’achat dont ils sont victimes.
Depuis 1993, les retraités perdent 0,1% par an de pouvoir d’achat, ce qui fait une perte effective supérieure à 10%.
Sur ce sujet aussi, votre politique inégalitaire et injuste est condamnée de toute part.
L’augmentation du pouvoir d’achat reste plus que jamais d’actualité.
Enfin, je terminerai par la branche Accidents du travail - Maladies Professionnelles.
Il est choquant d’entendre de votre part que cette branche serait équilibrée au point d’envisager en 2007 une baisse des cotisations patronales.
On sait que les sous déclarations des maladies professionnelles et des accidents du travail de la part des entreprises sont légions.
On sait aussi le drame humain, social et financier que représente l’amiante, et il faudra bien y répondre.
Il est intolérable, voire immoral, de maintenir plus encore l’impunité des chefs d’entreprises, qui ne s’acquittent pas toujours de leurs cotisations et qui n’assument que très rarement leurs responsabilité dans ce domaine.
Il est intolérable, je le répète, de pouvoir envisager le moindre cadeau de la part du Gouvernement dans ce sens.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, nos propositions iront souvent à l’inverse des vôtres.
Nous pensons au contraire la responsabilité des entreprises plus grandes en matière de solidarité, et de financement de la protection sociale.
Par voie d’amendement, nous vous soumettrons donc certaines de nos propositions que nous estimons justes et égalitaires.
A l’inverse de vous, nous pensons que la Sécurité Sociale a encore de belles heures devant elle, si tant est qu’on lui donne les moyens d’agir.
Or, ces moyens existent, nous le savons tous.
Nous, sénateurs Communistes Républicains et Citoyens, souhaitons que soit rétablies et renforcées l’offre et la qualité des prestations de solidarité nationale.
Nous estimons que chacun doit recevoir en fonction de ses besoins, et non pas en fonction de ses moyens.
Nous pensons que les principes de justice, de solidarité et d’égalité, doivent guider les choix en matière de santé, de santé au travail, de vieillesse ou de famille.
C’est pourquoi, le projet de financement de la Sécurité sociale que vous nous présentez là, Monsieur le Ministre, nous parait en l’état, inacceptable.