Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 : débat sur les fonds de financement de la Sécurité Sociale

Publié le 15 novembre 2005 à 16:40 Mise à jour le 8 avril 2015

Le 26 octobre dernier, nous débattions ici même sur les prélèvements obligatoires.

A cette occasion, je rappelais que les prélèvements de la sécurité sociale sont aujourd’hui d’un montant supérieur à ceux de l’État et qu’ils représentent près de la moitié (47,3%) des prélèvements obligatoires !
Pourtant, le déficit de la sécurité sociale qui atteint 13 milliards cette année a quasiment été multiplié par 4 depuis 2002.

De plus, ajoutant l’opacité au déficit, vous aviez choisi de financer les allégements généraux de cotisations patronales par le transfert de recettes fiscales à la sécurité sociale, procédure qui permet à l’État de ne pas alourdir ses dépenses budgétaires.

Vous entendiez ainsi transférer 18,9 milliards de ressources fiscales à la sécurité sociale, pour compenser le manque à gagner de celle-ci des exonérations de charges aux entreprises.

Pas moins de 9 taxes devaient ainsi être transférées dont la taxe sur les salaires, la TVA sur la pharmacie et les tabacs, les droits de circulation sur les vins, les droits sur les alcools...

Aujourd’hui, vous avancez l’idée de créer une sorte de « TVA sociale » en affectant une partie de la TVA à la compensation des allègements au profit de la Sécurité Sociale.
C’est un pas supplémentaire vers la fiscalisation.
Mais en plus, cela entérine le désengagement des entreprises dans le financement de la Protection Sociale, puisque la TVA pèse sur les consommateurs, qui sont aussi les assurés sociaux, de façon parfaitement inégalitaire.

Je rappelle par ailleurs une disposition majeure du projet de loi organique sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous mesurons aujourd’hui toute la perversité : le Parlement votera obligatoirement le volet recettes avant le volet dépenses.

En clair, le Parlement, compte tenu des recettes attendues, fixera un niveau de déficit, dans le respect des critères de Maastricht.
Quant aux dépenses, elles devront obligatoirement rentrer dans cette enveloppe. Ce ne seront donc plus les besoins à satisfaire qui détermineront le niveau des recettes. Cette disposition entérine donc la logique de maîtrise comptable de la gestion de la sécurité sociale.

Aussi, au vu de la situation actuelle du FFIPSA et du FSV, je ne pense pas que soit légitime un débat limité aux fonds de financement. Il conviendrait au contraire d’ouvrir un débat plus large sur les moyens de sortir notre système de protection sociale du déficit, puisque les fonds qui devraient concourir à son financement concourent au contraire à son déficit !

Le FSV a un déficit de 2 milliards cette année, et il doit 2,2 milliards à la CNAV.
Quant au FFIPSA, pour la seule année 2005, il est déficitaire de 2,7 milliards. Mais dès sa création en 2004, il connaissait déjà un manque de financement De 3,1 milliard.
Au total, on peut considérer que notre protection sociale connaît cette année un déficit de 19 milliards d’euros.

A partir de là, on peut réellement se demander si notre protection sociale est encore financée.

Et si cette question se pose, c’est effectivement que les choix gouvernementaux opérés dans le domaine du financement orchestrent une fois encore le démantèlement de notre système de Solidarité nationale.

Lors de la création du FFIPSA, le déficit était de
3,1 milliards.
Le déficit pour 2005 s’élève à 1,7 milliard et celui prévu pour 2006 à 1,5 milliard.
Le besoin de financement du FFIPSA est donc de l’ordre de 7 milliards.

Auparavant, l’Etat apportait une subvention d’équilibre au BAPSA, qui couvrait 39 % du financement.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Comment le régime agricole sera-t-il financé ?
Nous avons déjà eu l’occasion, lors de la création de ce fonds, de condamner un tel désengagement de l’Etat, qui équivaut à abandonner les travailleurs agricoles.
Il faut répondre à cette question du déficit démographique, et non pas la contourner.

Mais ce n’est malheureusement pas tout, car la politique économique de ce Gouvernement participe largement de cette ruine du régime de protection sociale agricole.
La politique d’exonérations de charges massives qu’il mène incite les agriculteurs à transformer leur exploitation en société, et souvent pas de gaîté de cœur.
Mais c’est autant d’évasion sociale pour le FFIPSA.
Le Fonds agricole ne pourra supporter, de par sa taille, une politique d’exonérations de charges massives, comme la Loi d’Orientation Agricole vient encore une fois de la prolonger.

Autre triste illustration du danger de la politique de ce Gouvernement, la surestimation des dépenses de tabac qui sont affectées au Fonds.
Cela doit nous faire réfléchir sur ce mode de financement, ou de compensation, de notre système de protection sociale.

La taxe sur le tabac ne peut être la source de financement du système de prestations sociales agricoles, car elle rend incohérente ou hypothétique toute politique de santé publique.

A présent, quelques mots sur le Fonds de solidarité Vieillesse.
Je le disais pour commencer, le FSV connaît à présent un déficit structurel.
La principale cause en est la hausse des cotisations vieillesse des chômeurs, et la politique du Gouvernement en matière d’emploi ne peut que nous inquiéter pour l’avenir.
Face à ces dépenses en hausse, le gouvernement se dispense de réelles modifications des sources de financement. Et le PLFSS en est une bonne illustration :
A la baisse des rentrées fournies par le C3S, le Gouvernement répond par l’extension de la C3S aux organismes publics. Et il augmente la cotisation vieillesse à la charge des salariés.

C’est finalement tout le problème du financement des retraites qui est ici posé, ou ignoré par le Gouvernement.
Les chances pour le régime des retraites de faire face au pic de financement nécessaire à l’horizon 2020 sont hypothéquées.
On en vient à jongler dans les chiffres entre le déficit de 3,7 milliards du FSV, qui masque celui du régime des retraites.
Et, quant au Fonds de Réserve pour les Retraites, il est censé atteindre la somme irréaliste de 150 milliards d’euros en 2020.
Or, dans les prévisions les plus optimistes, les sommes ne devraient pas excéder 60 milliards d’euros en 2020.

Face à toutes ces questions, quelles sont les réponses de ce Gouvernement ?
Il laisse volontairement se dégrader les comptes sociaux et hypothèque l’avenir.

La solution pour le FFIPSA est cette année contenue dans l’article 25 du Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale.
L’article 25 autorise en effet les régimes obligatoires de base à recourir à l’emprunt pour financer leurs besoins de trésorerie.
Il autorise donc la Mutualité Sociale Agricole à recourir à l’emprunt à hauteur de 7 milliards d’euros. Cela recouvre le besoin de financement de cet organisme depuis la transformation du BAPSA, y compris le déficit dont le Fonds hérite.

Est-ce une solution raisonnable et sincère pour le monde agricole qui aura à sa charge le coût des intérêts d’un tel emprunt ?
Est-ce une réponse solidaire que vous apportez au problème, en faisant peser sur les générations futures la charge de cette dette ?

Enfin, le gouvernement laisse entendre que les sommes non compensées par l’Etat pourraient l’être par la solidarité inter régimes. Allons-nous assister à une tentative de culpabilisation des salariés du privé qui se désintéresserait du monde agricole, alors que c’est l’Etat qui s’est désengagé ?

Ne prenons pas le risque de renvoyer dos à dos les salariés - assurés sociaux, car c’est l’ensemble de notre protection sociale qui en pâtira.

Cette même question de la sincérité de votre politique se pose encore avec les solutions que vous faites semblant d’apporter au FSV.
Lors des débats à l’Assemblée Nationale, Monsieur le Ministre de la Santé et de la Solidarité a annoncé une amélioration des soldes grâce à la réduction attendue du chômage.

Mais de quelle réduction s’agit-il exactement ? Il n’est pas difficile de radier les chômeurs du régime d’assurance chômage, il est plus dur par contre d’améliorer durablement la situation de l’emploi dans notre pays.
Le mode de financement de nos retraites ne peut reposer sur des prévisions irréalistes en terme d’emploi.
Nous ne pouvons croire à une baisse mécanique des déficits, par une amélioration de la conjoncture économique au regard de la politique de régression sociale menée par ce Gouvernement.

A l’opposé, ce que nous considérons nous c’est la réalité des besoins à satisfaire par un financement digne de ce nom.

Certes, l’allongement de la durée de vie et les progrès de la médecine moderne sont source de dépenses qui n’existaient pas en 1945.

Mais toutes ces avancées réalisées en un demi-siècle ont aussi et surtout permis de décupler la richesse nationale produite, sans que l’assiette de cotisation patronale n’évolue.

Essentiellement assise sur les salaires, elle ne permet plus aujourd’hui de conjuguer recettes nécessaires, création d’emplois et progrès de la couverture sociale.

Trop de richesses échappent à la solidarité,
pour partir vers spéculation.

Si nous voulons préserver ce système solidaire, il est indispensable et urgent de revoir les sources de financement de la sécurité sociale, tout particulièrement la contribution des entreprises qui n’a cessé de diminuer au fil du temps.

C’est à ce prix qu’il serait possible de mettre en place une protection sociale moderne, solidaire et performante pour tous, à la mesure des compétences et des moyens d’un grand pays comme la France.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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