Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005

Publié le 16 novembre 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Guy Fischer

Rien d’original dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 par rapport aux précédents. Oscillant entre étatisation et privatisation rampante de notre système de protection sociale, il est évident que ce projet de loi marque une étape supplémentaire dans la réduction drastique des ressources de la sécurité sociale et la culpabilisation des assurés.

 Chacun sait que les besoins non satisfaits en matière de prise en charge sont immenses et que les inégalités d’accès aux soins s’accentuent au détriment, une fois de plus, des plus démunis.

 Au lieu de proposer des réponses et des financements nouveaux pour donner plus à notre sécurité sociale, au lieu d’avancer des réformes pour améliorer la prise en charge des dépenses de santé, ce projet de financement prévoit des économies sur le dos des assurés !

 Votre texte vise en effet à faire payer toujours plus les assurés sociaux par une augmentation de la C.S.G., de la C.R.D.S., des taxes en tout genre, au lieu de prendre l’argent où il est, là où se créent les richesses, fondement même du financement historique de la sécurité sociale.

 M. VASSELLE, rapporteur. - Ah bon ? Il y a quelque part des réserves cachées ?

 M. FISCHER. - Eh oui ! Vous savez bien que les profits ont explosé pour certains, notamment dans les secteurs bancaire et financier ! La réalité n’est pas celle que vous décrivez !

 A contrario, vous avez rejeté toutes les propositions de financement, préférant multiplier les mesures de restriction, de sanction, de pénalisation et de contrôle à l’encontre des assurés sociaux et des professionnels de santé.

 Une telle obstination nous autorise à mettre en cause le bien-fondé de votre démarche comme de votre supposé attachement aux principes de notre protection sociale, car les besoins actuels ne sont pas couverts et vous vous appliquez désormais à faire des économies sur ceux qui le sont.

 M. VASSELLE, rapporteur. - Nous faisons des économies sur les dépenses injustifiées !

 M. FISCHER. - Depuis votre arrivée à la tête du gouvernement, le déficit s’est creusé, passant de 3,4 milliards d’euros en 2002 à 14 milliards cette année. Pour la branche maladie, il est passé de 6,1 milliards à 13,2 milliards.

 M. VASSELLE, rapporteur. - C’est l’héritage ! (Exclamations à gauche.)

 M. FISCHER. - C’est surtout de la mauvaise gestion !

 M. VASSELLE, rapporteur. - Pas du tout ! C’est les 35 heures !

 Mme PRINTZ. - N’importe quoi !

 M. VASSELLE, rapporteur. - Les 35 heures, c’est 4 milliards d’euros par an !

 M. FISCHER. - Depuis votre arrivée, le déficit du régime général a quasiment quintuplé et celui de la branche maladie doublé !

 Ce sinistre record…

 M. VASSELLE, rapporteur. - Obtenu grâce aux 35 heures !

 M. FISCHER. - Cet argument ne tient plus !

 M. VASSELLE, rapporteur. - Nous les payons encore !

 M. ABOUT, président de la commission. - À cause des 35 heures !

 M. FISCHER. - Ce sinistre record, disais-je, s’explique par votre entêtement à ne pas réformer l’assiette des cotisations.

 M. VASSELLE, rapporteur. - Et la contribution sociale de solidarité des sociétés (C.3S.) ?

 M. FISCHER. - Simple égratignure.

 Ce projet s’inscrit dans les orientations fixées l’an dernier : il met en œuvre le plan Hôpital 2007, la réforme de l’assurance maladie et la privatisation des retraites versées aux salariés d’E.D.F. et G.D.F. Enfin, il peaufine les lois pour réduire les ressources susceptibles d’être consacrées aux prestations sociales. Conformément à la stratégie énoncée lors de la réforme de l’assurance maladie : l’équilibre sera obtenu grâce au changement des comportements et à la maîtrise - « médicale », dit M. le ministre, comptable en réalité - des dépenses. Les assurés découvriront sans cesse les conséquences des lois votées malgré notre opposition.

 À titre d’exemple, les économies sur les affections de longue durée reviennent à culpabiliser les personnes âgées et les médecins accusés d’ouvrir grand les vannes. De même, l’économie de 300 millions sur les arrêts de travail et les indemnités journalières est proposée sous prétexte de combattre les abus.

 M. VASSELLE, rapporteur. - Reconnaissez qu’ils existent.

 M. FISCHER. - Ils sont marginaux ! En réalité, vous stigmatisez la plupart des Français !

 M. VASSELLE, rapporteur. - Vous noircissez la situation à des fins politiciennes !

 M. FISCHER. - M. Autain parlera demain des hôpitaux. Je me bornerai à mentionner les économies pour 850 millions, alors que leur déficit de trésorerie atteint déjà un montant identique. Il vaudrait mieux discuter avec les directeurs d’établissements, les professeurs et l’ensemble du personnel. On avance à marche forcée…

 M. VASSELLE, rapporteur. - Quelle caricature !

 M. FISCHER. -… vers la réduction des capacités hospitalières à un rythme sans précédent ! L’accès au soins sera de plus en plus difficile !

 M. ABOUT, président de la commission. - Mme Guigou avait commencé !

 M. VASSELLE, rapporteur. - À l’époque, on ne vous a pas entendu.

 M. FISCHER. - Actuellement, la dette de la sécurité sociale avoisine 33 milliards d’euros ; dans deux ans, elle atteindra quelque 53 milliards.

 Pour faire face, vous vous bornez à renforcer la répression - en faisant passer la compétence du recouvrement de l’ACOSS aux URSSAF - avec une intransigeance accrue dans les contentieux. On peut ajouter le renforcement des contrôles sur les assurés soignés dans les établissements de santé via la révision du rôle des caisses de sécurité sociale.

 L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris va supprimer 4 000 postes. Partout, de considérables suppressions d’emplois sont prévues.

 Le plan Hôpital 2007 va amplifier les difficultés actuelles. Vous voulez imposer la tarification à l’activité malgré l’opposition de plus en plus ouverte du personnel médical et administratif, malgré les doutes explicites formulés par les responsables des pôles hospitaliers.

 M. ABOUT, président de la commission. - Si peu…

 M. FISCHER. - Le plan supprimera 20 % à 30 % des plateaux techniques, il mettra en place des pôles de compétence en quête de rentabilité.

 M. ABOUT, président de la commission. - D’efficacité !

 M. FISCHER. - Vous ouvrez la voie à la désertification et aux inégalités régionales ! On pourrait multiplier les exemples d’aberration comme celui rapporté par M. Souvet.

 Malgré les témoignages inquiets des professionnels attachés au service public hospitalier, malgré les expériences fâcheuses de certains pays voisins, vous persévérez dans l’engrenage qui mettra fin aux spécificités de nos établissements, particulièrement aux missions de service public de l’hôpital, mêlant l’accueil et les soins de qualité pour tous, la recherche et la formation de jeunes médecins et du personnel soignant.

 Vous avez volontairement fixé un ONDAM trop faible, donc irréaliste : limité à 134,9 milliards d’euros, l’ONDAM ne progresse que de 3,2 % par rapport à 2004, alors que la hausse constatée cette année dépasse 5 %.

 La conséquence est évidente : aucune recette nouvelle n’est envisagée même si le gouvernement escompte 20 milliards de recettes supplémentaires pour 2005. On sait qui payera : les assurés sociaux.

 Concernant la branche famille, vous poursuivez l’individualisation de la prise en charge de la petite enfance. La hausse de la prime à la naissance pour les familles adoptantes répond à une attente, mais la considérer comme une politique en faveur des familles est pour le moins démagogique vu son incidence quantitative.

 En revanche, cette année encore, vous n’envisagez rien pour la prise en charge collective de la petite enfance, alors que ce secteur manque de moyens.

 J’en viens à la branche vieillesse. Vous tirez fort logiquement les conséquences de la catastrophique réforme des retraites et de la privatisation annoncée des entreprises publiques E.D.F.-G.D.F., car vous financiarisez, via le fond de réserve des retraites, la soulte qu’E.D.F. et G.D.F. doivent verser à la C.N.A.V. pour les retraites futures de ces professionnels. Ce jeu boursier est très dangereux !

 Vous n’ignorez pourtant pas que la C.N.A.V. a rendu un avis négatif et a voté à l’unanimité une motion concernant la soulte du régime de retraites des industries électriques et gazières.

 M. ABOUT, président de la commission. - Ils ont obtenu ce qu’ils ont réclamé !

 M. FISCHER. - En outre, vous proposez un départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires des collectivités ayant accompli une carrière longue…

 M. Xavier BERTRAND, secrétaire d’État à l’assurance maladie. - Vous en avez rêvé ; nous l’avons fait !

 M. FISCHER. -… dans des conditions inacceptables, sans même assurer leur remplacement. Vous prenez le risque de paralyser l’administration locale, car vous rêvez de supprimer 300 000 postes de fonctionnaires. Ceux qui vous soutiennent manifestent à la campagne contre les mesures qu’ils votent ici !

 M. AUTAIN. - Quel double langage !

 M. FISCHER. - En définitive ce projet concrétise votre objectif de mettre en cause notre système solidaire de sécurité sociale. Il s’inscrit dans un plan plus vaste de démantèlement de l’ordre public national, avec l’atomisation du Code de travail, la privatisation des services publics, la destruction des fondements solidaires de toute notre protection sociale.

 M. ABOUT, président de la commission. - Ce n’est pas le centralisme démocratique !

 M. FISCHER. - Depuis votre prise de pouvoir, vous avez dynamité…

 Mme HUMMEL. - Dynamisé !

 M. FISCHER. -… l’ordre public social

 Le système de retraite par répartition mérite de vivre. Nous le défendrons !

 Vous voulez soumettre notre système de sécurité sociale à la logique assurantielle. Voilà qui mériterait une discussion !

 Pour satisfaire les appétits des grands groupes d’assurance, vous préparez la privatisation de la protection sociale.

 M. ABOUT, président de la commission. - Ne vous faites pas peur !

 M. FISCHER. - Pour substituer les intérêts financiers à l’intérêt général, ne comptez pas sur nous !

 M. ABOUT, président de la commission. - En revanche, les socialistes ont pu compter sur vous !

 M. FISCHER. - Nous voterons contre ce texte !

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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