Pour le ministre il n’y a pas de tabou, et voilà maintenant qu’il faut se débarrasser des mythes !
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des dogmes, et notamment un qui revient sans cesse, décliné de façons diverses, mais toujours dans le même sens : le dogme du FMI, que vous appliquez vous-même et qui veut qu’on fasse payer les salariés, exclusivement les salariés. Ce sont eux qui, partout en Europe, ont payé pour la crise des banques et de la finance. Aujourd’hui, ce sont eux que l’on fait payer pour les retraites !
Par ailleurs, j’apprends que l’Élysée, par l’intermédiaire de Raymond Soubie, nous dit que la réforme sera adoptée entre le 20 et le 23 octobre, que, fin octobre, ce sera quasiment joué, que le Gouvernement ne bougera plus. Et pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas faire autrement : encore un dogme !
Ainsi, l’Élysée dicte au Parlement ce qu’il a à faire, il nous ordonne en quelque sorte d’arrêter ; et il vous ordonne à vous, monsieur le ministre, de ne pas bouger.
Il sait bien que les syndicats continueront naturellement à se mobiliser, puisqu’ils ont prévu une journée de mobilisation et qu’ils ne vont pas y renoncer, mais il considère que plusieurs d’entre eux ont vu dans les amendements du Gouvernement des avancées importantes et des progrès significatifs… Ah bon ?
Il ajoute que tous les syndicats sont contre la mesure d’âge, qui est pourtant la seule mesure que recommande le FMI. Et voilà : la boucle est bouclée ! Tout le monde est dans le dogme !
Moi, je vous dis tout de suite que le Président de la République ne va pas dicter au Parlement ce qu’il a à faire ni décider quand le débat prendra fin ! Nous nous battons et nous continuerons de le faire.
Pour en revenir à l’article 5, je veux souligner que, avec ce passage de 60 ans à 62 ans, c’est tout simplement le droit à la retraite que vous mettez à mal. Les salariés se sont battus pour le droit à la retraite à 60 ans. Le jour où la retraite à 60 ans a été instaurée, c’était la joie dans les entreprises, dans les bureaux, dans beaucoup d’endroits où il y a des salariés modestes.
Soit dit entre parenthèses, ceux qui veulent continuer à travailler après 60 ans, personne ne les en empêche ; nous en sommes la preuve !
M. Guy Fischer. Même jusqu’à 70 ans !
M. Jean Desessard. Avec Dassault, c’est même bien plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi était-ce la fête ? Parce que, avant la retraite à 60 ans, dans ce monde du travail que vous connaissez si mal, beaucoup d’ouvriers mouraient soit avant même d’être à la retraite, soit juste après leur départ en retraite.
M. Guy Fischer. Mon père !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou mon grand-père !
Nous, nous connaissons bien ces réalités-là.
Mme Colette Giudicelli. Pourquoi seriez-vous les seuls ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup mourraient autour de leur 65e année et ne pouvaient pas jouir de leur retraite. Au fond, cela contribuait à l’équilibre financier…
Pour tous ces gens, la retraite à 60 ans a donc signifié le droit d’en profiter en bonne santé au moins pendant quelques années. Nous vous avons déjà expliqué que, en général, à 69 ans, les ouvriers – eux et bien d’autres, du reste – ne sont plus en bonne santé.
Depuis que les salariés ont conquis le droit de partir à la retraite à 60 ans, ils l’ont mis à profit : ils participent beaucoup à la vie sociale, ils s’occupent de leurs petits-enfants – et ils sont d’une grande aide quand, comme c’est souvent le cas, font défaut les structures ou les aides nécessaires pour que les jeunes mères de famille puissent travailler –, ils œuvrent dans des associations de toute sorte…Bref, ils profitent effectivement de leur retraite, les plus modestes pendant un nombre d’années somme toute assez limité, les autres plus longtemps parce qu’ils vivent plus vieux.
Voilà pourquoi vous mettez à mal le droit à la retraite en reportant l’âge de la retraite, que vous calculez comme de bons assureurs que vous êtes, en fonction de l’âge moyen des décès. (M. le président indique à l’oratrice qu’elle a dépassé son temps de parole.)
Monsieur le ministre, vous nous dites : pas de tabou ! Nous sommes d’accord à 100 % : parlons donc de ce qui a effectivement changé ! Vous, vous ne cessez de répéter que l’espérance de vie augmente. Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles les gens vivent plus vieux… (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais qu’est-ce ce qui a changé depuis 1945, depuis 1981 ?
La productivité a considérablement augmenté. Donc, parlons-en puisqu’il ne doit pas y avoir de tabou ! Et quoi d’autre ? Les revenus financiers captent une part grandissante de la richesse produite ! Donc, parlons-en : pourquoi ces revenus ne contribuent-ils pas à financer le régime de protection sociale ? Vous savez que, depuis vingt ans, le rapport entre la rémunération du travail et la rémunération du capital s’est dégradé de manière continue au détriment du travail. Alors, parlons d’un rééquilibrage en faisons participer les revenus du capital au financement de la retraite à 60 ans !